Il sera l’unique accusé. En octobre, Gérard Depardieu se retrouvera seul devant le Tribunal correctionnel de Paris, pour répondre des accusations d’agressions sexuelles susceptibles d’avoir été commises en septembre 2021 au préjudice de deux victimes sur le tournage du film «Les Volets verts» du réalisateur Jean Becker. Impossible toutefois de dissocier ce géant français du septième art du comportement d’autres acteurs et réalisateurs qui se retrouvent aujourd’hui, comme lui, cloués au pilori par des femmes qu’ils auraient harcelées ou violées. La RTS, rappelons-le, avait, en janvier, promis d'écarter de sa programmation les films dans lesquels Gérard Depardieu incarne «un des rôles principaux». Son procès sera donc aussi celui d’un certain cinéma. Le point en cinq questions.
Depardieu, bien plus qu’un justiciable
L’acteur français né le 27 décembre 1948 à Chateauroux (Indre) est un monument du cinéma français. Ses films les plus célèbres, comme Les Valseuses (1974), Le dernier métro (1980) ou Cyrano de Bergerac (1990) sont considérés comme des références et des marqueurs d’une époque du septième art. Cette fois, c’est pour des agressions sexuelles présumées, sur le tournage d’un film de Jean Becker en septembre 2021, que l’acteur sera jugé. Il est accusé par deux femmes, dont une décoratrice de plateau. Il aurait proféré à leur égard des propos obscènes, et aurait à plusieurs reprises touché leurs parties intimes. Les gardes du corps de Depardieu se seraient ensuite interposés pour éviter que l’acteur aille plus loin. Impossible, dès lors, de distinguer son comportement de la discutable tolérance en vigueur sur les tournages. Il est très probable que Depardieu citera, lui aussi, des témoins pour l’innocenter. Le grand déballage cinématographique sera difficile à empêcher devant les magistrats.
Depardieu, plusieurs fois accusé
Cette affaire est la première à conduire Gérard Depardieu devant les juges. L’acteur s’est vu remettre sa convocation par le tribunal correctionnel après toute une journée de garde à vue, lundi 29 avril, au commissariat de police du 14e arrondissement de Paris. Il a choisi comme avocat une star du barreau, Christian Saint Palais, qui représentait l’un des anciens directeurs d’UBS France, Patrick de Fayet, lors du procès de la banque Suisse en 2018. Le problème, pour l’acteur, est que ce procès sera sans doute un premier rendez-vous judiciaire. Depuis le 17 avril, les juges d’instruction dans une seconde affaire, ont déposé leurs conclusions. Celles-ci concernent des faits «susceptibles d’avoir été commis en août 2018 au préjudice de Charlotte Arnould, une actrice alors débutante qui accuse Depardieu de viol. Ce dernier est mis en examen dans cette affaire depuis décembre 2020. Un second procès est déjà en vue.
Depardieu, un acteur très soutenu
Les soutiens de Gérard Depardieu sont nombreux. La preuve? La signature par une soixantaine d’artistes d’une tribune qui prend sa défense, publiée le jour de Noël 2023, avait défrayé la chronique. Dans ce texte, les signataires affirmaient: «Gérard Depardieu est probablement le plus grand des acteurs. Le dernier monstre sacré du cinéma. Nous ne pouvons plus rester muets face au lynchage qui s’abat sur lui, face au torrent de haine qui se déverse sur sa personne, sans nuance, dans l’amalgame le plus complet et au mépris d’une présomption d’innocence dont il aurait bénéficié, comme tout un chacun, s’il n’était pas le géant du cinéma qu’il est. C’est l’art que l’on attaque». L’acteur suisse Vincent Perez faisait partie de ces soutiens. Il s’en est justifié en ces termes: «J’ai cosigné en décembre une tribune dans le but de protéger le principe même de présomption d’innocence et en aucun cas à l’encontre des droits des femmes». Emmanuel Macron y était ensuite allé de son commentaire. Le Président avait défendu la présomption d’innocence et ajouté: «Moi, je suis un grand admirateur de Depardieu, c’est un génie de son art».
Depardieu, un géant qui divise
La publication de la tribune des Pro-Depardieu a déclenché un ouragan de protestations. En réaction, plus de 600 artistes ont signé une «contre-tribune» pour manifester leur «désaccord et affirmer que le statut d’artiste ou le talent ne justifie en aucun cas un traitement singulier». Et d’ajouter: «Ne vous trompez pas, nous aussi, nous souhaitons que la justice fasse son travail. […] Mais face à l’absence d’écoute et de prise au sérieux des victimes au sein des institutions policières et judiciaires, il est du devoir de chacun de refuser la banalisation de propos et d’actes tels que ceux de Gérard Depardieu», ajoutent les auteurs du texte qui veulent briser «la loi du silence» et «l’écho de l’impunité».
Depardieu, un homme et un comédien XXL
Fils du peuple comme il aime à se décrire, Gérard Depardieu, l’ex-loubard de Châteauroux (Indre) a toujours mis en avant son caractère brut et sa personnalité extravagante. Titulaire d’un passeport russe, il a pris l’habitude de louanger les dictateurs, à commencer par Vladimir Poutine. Connu pour son appétit gargantuesque, il incarne la bonne chère à la française, dont il est aussi l’illustration à travers son vignoble dans la région angevine. Et les femmes? Ses excès, sa brutalité, ses mots grossiers mais aussi sa filmographie et son immense talent seront à l’agenda du procès d’octobre, face à celles qui continuent en revanche de refuser de le voir comme autre chose qu'un harceleur ou un violeur. «Gérard Depardieu n’est ni un violeur, ni un prédateur estimait son ex-agent Jean-Louis Livi sur France 2. Je crois qu’il est profondément atteint, que ça l’éteint. Avec ce tombereau d’injures qui lui tombe dessus, il n’a pas la possibilité de s’exprimer, ou il ne le veut pas.»