Une vague de colère. Un déferlement de protestations et de casseroles. Une unité syndicale confirmée et renforcée par cette nouvelle journée symbolique de protestation sociale à travers la France. Des violences qui affecteront l'image du pays. Voici ce que redoute pour cette journée du 1er mai Emmanuel Macron, président le dos au mur depuis sa décision de promulguer, dans la nuit du 14 avril, la très controversée réforme des retraites qui repousse l’âge légal de départ à 64 ans, au lieu de 62 jusque-là.
Sur le fond, une France en ébullition sociale n’a rien d’extraordinaire. C’est même la règle, à chaque fois que des réformes sont mises en place. Le pays a souvent évolué au fil de crises majeures, comme en 1936 avec le Front Populaire, dernière date d’un défilé syndical unitaire pour le 1er mai, jusqu’à 2023. Il y eut aussi 1968, puis le blocage de l’hiver 1995. Cette fois, le président a tenu bon. La réforme doit entrer en vigueur en septembre. Emmanuel Macron a plusieurs fois tendu la main aux syndicats pour renouer le dialogue. Sauf que sa marge de manœuvre est très très réduite. D’où l’inquiétude très sérieuse de l’exécutif. Explications.
S’ils restent unis, les syndicats peuvent demander (et obtenir) beaucoup
Les syndicats français sont peu représentatifs. Moins de 10% des salariés français sont syndiqués, et la puissance syndicale se retrouve surtout dans la fonction publique ou dans les entreprises dont l’État demeure actionnaire. Emmanuel Macron le sait et il a toujours cherché à les contourner depuis sa première élection à la présidence en mai 2017. C’est d’ailleurs ce que beaucoup lui reprochent, en particulier à gauche, alors que le syndicat réformiste CFDT aurait pu être un partenaire pour faire avancer le pays.
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Ce 1er mai 2023 marque toutefois un changement très important: les syndicats français ont choisi de rester unis. Pour la première fois depuis 1936, leurs militants défileront ensemble. L’intersyndicale composée de huit formations se retrouve donc, malgré sa défaite sur les retraites (puisque la réforme a été adoptée) en position de force si les négociations sociales reprennent avec le gouvernement. Or qui dit négociations dit concessions. La première ministre Élisabeth Borne va devoir lâcher du lest au moment où les marchés financiers s’inquiètent, comme le prouve la récente dégradation de la note de la France par l’agence Fitch Ratings.
Si la violence dégénère, l’image du pays sera affectée
C’est toujours le risque en France. En marge des manifestations sociales, les débordements sont fréquents. Pour ce 1er mai 2023, la police a d’ailleurs averti: près de 2000 émeutiers ont l’intention de s’infiltrer dans les manifestations qui ont démarré ce lundi matin et vont se poursuivre toute la journée. Ces violences, comme toujours, risquent d’engendrer en riposte une réponse ferme, voire disproportionnée des forces de l’ordre, très critiquées pour avoir, à Paris, déployé des drones de surveillance au-dessus du défilé, entre la place de la République et la place de la Nation.
Vitrines brisées, guichets de banque pris d’assaut, spectacle de jets de pierres et de projectiles sur les policiers, blessures graves des deux côtés… Tout cela est un spectacle malheureusement rituel en France depuis la crise des Gilets jaunes survenue durant l’hiver 2018-2019. Les optimistes disent que l’impact de ces émeutiers est négligeable vu l’affluence des touristes toujours très nombreux à Paris.
Mais dans les faits, ce n’est pas vrai. La stature d’Emmanuel Macron se trouve affectée à l’étranger. En France, plus la violence s’installe, plus le mauvais procès en légitimité contre le gouvernement prospère. Il y a aussi le risque éternel de bavure. Le président a raison de s’inquiéter, car un tel mouvement de colère peut toujours déraper.
Si la mobilisation est massive, la politique va encore plus se radicaliser
Emmanuel Macron a cruellement besoin d’alliés pour faire adopter d’autres réformes, et pour que le gouvernement d’Élisabeth Borne puisse faire avancer le pays. C’est dans cette optique que la Première ministre a présenté, mercredi 26 avril, sa «feuille de route» pour relancer la France en «cent jours», selon l’expression utilisée par le président lui-même.
L’objectif est de prendre une série de décisions concrètes d'ici au 14 juillet, jour de fête nationale. Mais la majorité présidentielle à l’Assemblée nationale n’est que relative, avec 245 députés sur 577. Il faut donc obtenir des renforts, en particulier à droite. Or, la colère sociale est peu propice à des alliances politiques. D’autant que les élus pro-Macron sont visés par les manifestants dans leurs circonscriptions…
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Le risque est aussi que ce 1er mai, s’il fait carton plein, pousse encore plus les formations politiques de droite et de gauche radicale (France Insoumise à gauche, Rassemblement national à droite) à imposer leur discours. Le RN de Marine Le Pen est bien placé pour profiter de cette journée de manifestations, car elle coïncide avec son propre défilé traditionnel en mémoire de Jeanne d’Arc.
L’ex-candidate à la présidentielle, donnée désormais gagnante par les sondages si elle devait de nouveau affronter Macron dans les urnes, a le vent en poupe. Plus la France sera agitée et menacée de désordre social, plus elle en profitera.