Des forêts et des parcs sans moineaux. L’oiseau roi de 2050 sera noir comme notre avenir. C’est au corbeau, bien plus résistant que les rouges-gorges et autres alouettes, que reviendra la maîtrise du ciel au-dessus de nos têtes. Ne riez pas! C’est d’ailleurs déjà le cas dans de nombreux espaces verts de nos villes, colonisés par les volatiles au plumage aussi sombre que notre avenir, si rien n’est fait pour contrer le réchauffement de la planète.
Un scénario français, valable pour la Suisse
Dans «France 2050: le scénario noir du climat» (Ed. Albin Michel), Marc Lomazzi détaille dans son chapitre 3 les conséquences du bouleversement climatique sur la faune et la flore de l’hexagone. Facile de faire le parallèle avec la Suisse voisine. Tout ce qui se passera en France aura aussi lieu de l’autre côté de la frontière: «Si l’on parle beaucoup des menaces pesant sur la survie des gorilles ou des éléphants d’Afrique, la France figure dans le top 10 des pays les plus concernés par le déclin de la biodiversité. C’est le pays qui, en Europe, abrite le plus d’espèces: elles sont donc mécaniquement plus nombreuses à y être menacées» assène l’auteur, journaliste au Parisien et chroniqueur à France Inter.
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Pourquoi la disparition programmée des moineaux? Parce que leur vie dépend d’une chaîne alimentaire et végétale qui aura disparu: «La mésange nourrit ses oisillons de chenilles qui, sous l’effet du réchauffement climatique, sortent plus tôt de leur œuf alors que l’oiseau n’a pas modifié sa période de ponte. Résultat: à la naissance, les oisillons n’ont plus de chenilles à se mettre sous le bec.» C’est un exemple parmi d’autres, mais il est parlant. Fini, demain, les piaillements de moineaux au réveil, dans le jardin ou dans les arbres voisins de votre balcon?
Un livre factuel
La force de ce livre inventaire est qu’il est factuel. Il sonne bien sûr l’alarme. Mais il ne le fait pas en invoquant le sort de la planète ou celui des archipels lointains. Il ramène les bouleversements écologiques à venir à hauteur d’hommes. Voici ce qui va se passer en France, à Paris, en province, sur les rives de l’Atlantique ou de la Méditerranée. Il y a évidemment un chapitre sur la baisse programmée de l’enneigement. Un autre sur la sécheresse «fléau du siècle».
Mais le plus fort est sans doute l’introduction, car elle vous met tout de suite dans la peau du Français assommé par le climat: «Le 1er juin 2050, 5 heures du matin. Une nuit étouffante s’achève. Les Français se rendent à leur travail d’où ils reviendront en fin de matinée pour se protéger du soleil. Au lever du jour, le thermomètre flirte déjà avec les 25 degrés. Il franchira 45 degrés dans l’après-midi […] De terribles incendies ravagent la Sologne et le Morvan.»
Le scénario RCP 8.5 est-il crédible?
J’ai volontairement oublié de mentionner un sigle qui figure dans le titre de l’ouvrage. Celui-ci s’intitule, de façon complète: «France 2050. RCP 8.5, le scénario noir du climat.» Pourquoi RCP 8.5? Quelle est cette étrange formule, presque mathématique?
«Le RCP 8.5, c’est le scénario pessimiste. Il mène à un monde plus chaud en 2100 de 5 degrés ou 6 degrés, où régnera le chaos climatique» explique Marc Lomazzi.
Je n’ai pas voulu vous effrayer d’emblée, amis lecteurs. Je vous rassure donc au fil de cette chronique. Il existe un autre scénario, optimiste celui-là. Un scénario «dans lequel le réchauffement de la Terre se limite à +1,5 degré à la fin du siècle, ce qui correspond aux engagements pris dans l’accord de Paris sur le climat signé en 2015». Ouf! Tout reste donc possible? Oui. Mais malheureusement, ce scénario-là, tout le monde le sait, est en train de dérailler.
Dans le ciel, notre destin
Regardez le ciel. En France comme en Suisse, c’est de lui que viendront les changements qui bouleverseront nos vies: «En moyenne, la quantité de pluie qui se déversera sur la France à la fin du siècle sera de 10 à 20% inférieure à celle que l’on connaît aujourd’hui peut-on lire dans l’ouvrage. Dans le scénario pessimiste, les départements du Var, des Bouches-du-Rhône, des Pyrénées-Orientales connaîtront dès 2050 deux mois secs chaque année. La Corse, l’Hérault et l’Aude frôleront des périodes de cinquante jours sans la moindre averse. […] Même le Nord, la Normandie, la Bourgogne ou le Grand Est flirteront avec la barre des trente jours sans une goutte d’eau.»
Nous voilà prévenus. D’autres livres font le tour mondial des conséquences du réchauffement climatique. Les prédictions les plus pessimistes s’amoncellent dans les rayons des bibliothèques. Soit.
Mais «France 2050, le scénario noir du climat» a l’avantage de parler de notre environnement proche, de ce que l’on connaît, des espèces que nous croisons chaque jour, des paysages qui nous sont familiers. On attend maintenant, pourquoi pas, le scénario noir de la Suisse 2050. Un inventaire d’utilité publique. Pour nous forcer à ouvrir les yeux sur les réalités qui nous attendent.
A lire: «France 2050- RCP 8.5, le scénario noir du climat» (Ed. Albin Michel)