La nuit de Noël sera silencieuse à Bethléem. Pas de pèlerins qui font la queue pendant des heures pour pouvoir admirer quelques secondes le lieu de naissance de Jésus. Pas de sapin artificiel qui, comme chaque année, illumine de ses petites lampes de Noël la place historique devant l'église de la Nativité. Pas de cloches qui résonnent dans les vieux murs de la ville palestinienne voisine de Jérusalem.
Tristesse et colère
Au lieu de cela, le silence. De la tristesse. De la colère. «Nous ne pouvons pas faire la fête alors que notre peuple souffre autant à Gaza», déclare Michel Awad dans un appel téléphonique avec Blick.
Ce chrétien de la banlieue de Bethléem Beit Sahour gère une petite agence de voyage en Terre-Sainte. Il a récemment ouvert, avec son frère, une petite brasserie tout près du lieu de naissance de Jésus.
Mais les robinets de la «Nativity Beer» restent secs. Il n'y a pas de touristes. Même les habitants de Bethléem n'osent plus sortir la nuit, à cause des soldats israéliens qui patrouillent dans les rues. La joie, qui caractérise habituellement les fêtes, ne se fera pas ressentir cette année dans les rues de Bethléem. La fête de l'amour, du partage et de la famille s'est transformée en fête funèbre.
Un tas de gravats au lieu d'une crèche
L'hôpital pédiatrique Caritas offrent une aide médicale aux bébés et aux enfants depuis 1978 grâce aux dons suisses. «Nous avons mis en place une hotline par laquelle notre équipe médicale tente d'apporter son aide, raconte Shireen Khamis, porte-parole de l'hôpital pour enfants. Mais peu après le début de la guerre, il était pratiquement impossible de joindre notre hôpital.»
Entourée de plusieurs côtés par le mur israélien de neuf mètres de haut, même en temps de paix, Bethléem est coupée du monde. Le chemin vers l'hôpital, où les plus pauvres reçoivent une aide gratuite, est devenu trop long et trop dangereux pour beaucoup de citoyens.
Pas de festivités cette année
En 2022, les 250 employés de l'hôpital ont traité 47'356 enfants au total. La proportion de ceux qui ne peuvent pas payer la modeste quote-part pour les traitements hospitaliers devrait encore augmenter cette année, selon Shireen Khamis. Pour l'instant, les médicaments et les finances sont encore en quantité suffisante. «Mais si la guerre se poursuit ainsi pendant des mois, ce sera juste», se désole la Palestinienne.
L'hôpital pour enfants doit renoncer aux décorations de Noël et aux festivités cette année. Pas de chants, pas de décorations, pas de spectacles. Seulement le service religieux. Et même celui-ci est totalement différent des années précédentes. Dans l'église évangélique luthérienne du pasteur Munther Isaac, par exemple, la crèche traditionnelle a cédé sa place à un tas de gravats et de débris. Au milieu des débris se tient une figurine de l'enfant Jésus, enveloppé dans un keffieh, portant le châle palestinien.
Bethléem menacée par la faillite
La communauté religieuse est la première à s'attrister de cette situation. «Alors que le monde célèbre Noël, des enfants sont tués, des maisons détruites et des familles expulsées dans la patrie de Jésus», écrit le pasteur Munther Isaac sur son profil X. «Nous ne pouvons pas célébrer quand des enfants sont massacrés.» Cette année, il souhaite que sa crèche rappelle toute cette souffrance, a-t-il ajouté, tout en rappelant que Jésus est lui-même là pour ceux qui sont dans le plus grand des besoins.
Ce n'est pourtant pas la première fois que cette colonie connait un Noël difficile. Lors du premier soulèvement palestinien à la fin des années 1980, les tireurs d'élite israéliens surveillaient de près ce qui se passait autour de l'église de la Nativité. Pendant la pandémie de Covid, les presque deux millions de visiteurs internationaux qui affluent chaque année à Bethléem et dont dépendent financièrement environ trois quarts de la population de la ville ne sont pas venus.
«Il y a longtemps qu'il n'a pas été aussi difficile de garder l'espoir», déclare Michel Awad, entrepreneur touristique et brasseur. Plus de 70 hôtels ont dû fermer temporairement et environ 6000 employés se sont retrouvés à la rue. «L'économie est en chute libre. Même si ce n'est évidemment rien comparé à la souffrance de notre peuple à Gaza», a déclaré le maire de Bethléem, Hana Haniyeh, à l'agence de presse AP.
«Nous ne voulons pas nous sentir seuls»
Le ministère palestinien du Tourisme estime à des centaines de millions la perte qu'il faudra supporter d'ici à la fin de l'année à cause de la guerre. «Le plus gros problème, c'est que nous ne savons pas quand les touristes reviendront, explique Michel Awad. Tous ces missiles, toute cette violence fait que toute la région est perçue comme très peu sûre. Pourtant, nous sommes des gens accueillants.»
Une messe de minuit sera organisée à Bethléem dans la grande église de la Nativité. Une célébration silencieuse pour prier pour la paix. Shireen Khamis, de l'hôpital pour enfants de Bethléem, n'a qu'un seul souhait cette année: «S'il vous plaît, ne nous oubliez pas.»