«C'est dans ce buisson que nous sommes restés cachés pendant quatre heures», lance Neria Goelman, 21 ans, qui a échappé le 7 octobre aux combattants du Hamas venus de Gaza lors d'une attaque sanglante du mouvement islamiste palestinien sur le sud d'Israël. «Puis il a pris feu car les terroristes ont tiré au lance-grenades et nous avons dû fuir», raconte le jeune homme devant l'arbuste au creux duquel son amie Hannah Zedek (20 ans) et lui, tous deux agents de sécurité du festival de musique electro Tribe of Nova, avaient trouvé refuge.
Les 6 et 7 octobre, des milliers de jeunes s'étaient donné rendez-vous pour danser à ce festival organisé près du kibboutz Reïm, à la lisière de la bande de Gaza. Au total, 364 personnes y ont été massacrées par les hommes du Hamas qui se sont introduits en Israël depuis le territoire palestinien voisin. Mercredi, Neria et Hannah sont revenus à Reïm avec une dizaine d'autres rescapés du Nova dans le cadre d'une visite organisée par l'association «A Future for the Survivors and the Wounded» (Un avenir pour les survivants et les blessés).
Depuis la clairière où se tenait la fête, le groupe que l'AFP a accompagné a reconstitué l'itinéraire des deux rescapés lorsqu'ils ont pris la fuite pour échapper aux commandos du Hamas. Après une marche d'une dizaine de minutes à travers le paysage de forêt, ils ont traversé une route bétonnée et retrouvé le buisson. «Je veux lui dire merci», dit Hannah qui s'engouffre à travers les branches.
Une piste de danse devenue mémorial
L'attaque du Hamas sur les localités du sud d'Israël le 7 octobre a fait 1170 morts, essentiellement des civils, selon un bilan établi par l'AFP à partir des données officielles israéliennes. Sur les 250 personnes – dont plus de 40 festivaliers – également prises en otage ce jour-là, 129 sont toujours retenues à Gaza dont 34 sont mortes, d'après des responsables israéliens.
A Reïm, l'ancienne piste de danse s'est transformée en mémorial à ciel ouvert avec des portraits de tous les jeunes tués ou kidnappés, devant lesquels viennent se recueillir proches des victimes et visiteurs. «Ca fait longtemps que je voulais venir, j'ai juste senti que c'était le bon moment», confie Mor Zalah, 27 ans, de retour sur les lieux pour la première fois avec le groupe de survivants. Le 7 octobre, elle et sa soeur Carmel, 19 ans, ont marché pendant de longues heures avant d'être secourues, perdant la trace du petit-ami de Mor, Idan.
En apercevant une photo d'Idan à l'endroit où il a été tué il y a six mois, Mor tombe à terre et fond en larmes. Assise sur une chaise légèrement à l'écart du groupe, Guy Shema, 23 ans, observe le site en silence. «J'avais un peu peur de revenir», confie-t-elle à l'AFP. «Je ne savais pas à quoi m'attendre». La jeune femme explique vouloir «retracer ce qu'il s'est passé pour compléter les éléments manquants» dans ses souvenirs.
Les bruits épars des canons de l'artillerie israélienne depuis la bande de Gaza, à quelques kilomètres, la font sursauter. En représailles à l'attaque du Hamas, Israël a lancé une opération militaire toujours en cours à Gaza qui a fait plus de 33'729 morts, en majorité des civils, selon le ministère de la Santé du mouvement islamiste palestinien. Guy a été diagnostiquée avec un trouble post-traumatique. Depuis peu, elle fait des cauchemars. Sur place, elle peut compter sur la présence de trois thérapeutes qui accompagnent le groupe et proposent un soutien psychologique.
«La plupart des survivants peinent à se remettre sur pied»
Beaucoup de survivants sont «en détresse», déclarent Neria et Daniel Sharabi, respectivement 22 et 23 ans. Ils ont monté l'association après qu'un rescapé a tenté de se suicider. Les deux frères sont considérés comme des héros en Israël. Le 7 octobre, ils ont sauvé des dizaines de festivaliers abrités derrière un char en utilisant des armes trouvées dans le blindé pour tirer sur les assaillants et les repousser. Leur meilleur ami Yossef Haim Ohana, 23 ans, enlevé par le Hamas, est toujours otage dans Gaza.
Notre devise est de «ne laisser personne derrière», dit Neria en esquissant un sourire humble, à l'endroit exact où se tenait le char. «Retrouver une vie normale est très difficile», explique Daniel. «La plupart des survivants peinent à se remettre sur pied». «Nous finançons des thérapies post-traumatiques EMDTR (par stimulation des mouvements oculaires, NDLR) de centaines de personnes, nous avons aussi organisé des retraites de plusieurs jours pour les survivants avec des ateliers, des soins», poursuit-il.
«Ca m'aide d'être avec des gens qui font face aux mêmes problèmes», confie Guy, qui dit ne pas parvenir à garder un emploi depuis six mois. «J'ai changé quatre fois de travail, je n'arrive pas à gérer le stress, les gens, les transports, je suis reconnue invalide», déplore-t-elle. «C'est comme si c'était hier».
(AFP)