Le président ukrainien Volodymyr Zelensky a appelé ses alliés européens au sursaut face à la Russie, les exhortant à créer une armée commune pour éviter un accord forgé par les Américains «dans le dos» de l'Ukraine. «Je crois vraiment que le moment est venu de créer les forces armées de l'Europe», a appelé le dirigeant dans un discours à la Conférence de Munich sur la sécurité, devant un parterre de responsables politiques internationaux.
«Le temps où l'Amérique soutenait l'Europe simplement parce qu'elle l'avait toujours fait est révolu», a-t-il prévenu. A l'approche du troisième anniversaire de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, le 24 février 2022, il a appelé l'Europe à se rassembler derrière une politique étrangère et de défense communes qui montrerait à Washington que le continent prend en main sa propre sécurité.
Sans concertation avec les Européens, qui soutiennent Kiev depuis trois ans aux côtés des Etats-Unis, le président américain Donald Trump a eu un premier entretien cette semaine avec son homologue russe Vladimir Poutine. Et s'il en a informé Volodymyr Zelensky, il n'a pas cherché à s'entendre au préalable avec lui sur une stratégie de négociation.
«Trump respecte la force»
Les dirigeants de l'UE sont convaincus que la sécurité du continent se joue dans de futurs pourparlers sur l'Ukraine que l'administration américaine veut accélérer, mais ils peinent à imposer leur voix. Lors de leur conversation, le locataire de la Maison-Blanche «n'a pas mentionné une seule fois que l'Amérique a besoin de l'Europe à la table des négociations», a mis en garde Zelensky.
«Trump n'aime pas les amis faibles, il respecte la force», a-t-il souligné. Face au risque d'être marginalisés, «je vous exhorte à agir, pour votre propre bien», a lancé le président ukrainien. «L'Amérique n'offrira pas de garanties (de sécurité) à moins que les propres garanties de l'Europe ne soient solides», a-t-il insisté.
Le Premier ministre polonais Donald Tusk a réagi sur X en estimant que «l'Europe a besoin de toute urgence de son propre plan d'action concernant l'Ukraine et notre sécurité, sinon d'autres acteurs mondiaux décideront de notre avenir».
Le chef de l'Otan, Mark Rutte, a déclaré que les dirigeants européens «entraient maintenant dans la phase de planification concrète» de garanties de sécurité possibles pour l'Ukraine, sans plus de précision. Le conflit dépasse la seule question ukrainienne, a abondé la Première ministre danoise Mette Frederiksen, «cette guerre (...) concerne les rêves impériaux de la Russie et sa volonté de prendre des décisions sur les questions européennes».
«La Russie ne veut pas la paix»
Pour Zelensky, il ne faut «pas de décisions sur l'Ukraine sans l'Ukraine, pas de décisions sur l'Europe sans l'Europe», car «si nous sommes exclus des négociations concernant notre propre avenir, alors nous perdons tous». Selon lui, le président russe Vladimir «Poutine ne peut pas offrir de réelle garanties de sécurité, pas seulement parce que c'est un menteur, mais parce que le pouvoir russe dans son état actuel a besoin de la guerre pour se maintenir».
Son avertissement vaut aussi pour Donald Trump: Vladimir Poutine «essaiera de faire en sorte que le président américain se tienne sur la Place Rouge le 9 mai (jour des célébrations de la victoire des Russes sur l'Allemagne nazie, ndlr) non pas comme un leader respecté, mais comme un gadget dans sa propre performance».
Il n'a cependant révélé aucun détail de sa première rencontre, vendredi, à Munich avec le vice-président américain JD Vance. «Ce n'est pas une perte de temps» mais «ce n'est pas suffisant», et «nous devons parler davantage», a juste dit le président ukrainien, qui réclame à Washington «un plan» concerté avec les Européens avant toute discussion avec la Russie.
L'armée russe a revendiqué samedi la prise d'une nouvelle petite localité dans la région de Donetsk, dans l'est de l'Ukraine, où ses troupes progressent face aux forces de Kiev moins nombreuses et moins équipées. Zelensky a de nouveau accusé la Russie d'avoir frappé vendredi avec un drone l'arche de la centrale nucléaire de Tchernobyl. L'attaque qui montre, selon lui, que la Russie «ne veut pas la paix» et «ne se prépare pas au dialogue».