Allo Bruxelles, Paris, Berlin? Préparez-vous à de sacrées turbulences si Ron DeSantis devait, en 2024, être élu président des États-Unis.
Vous me direz que ce scénario est encore loin, très loin, d’être réaliste. La preuve: le lancement de la candidature présidentielle de l’actuel gouverneur républicain de Floride, annoncé comme un événement mondial mercredi 24 mai sur Twitter, en compagnie d’Elon Musk, s’est transformé en fiasco numérique, en raison de bugs à répétition. Pas besoin donc de s’alarmer, car le chemin s’annonce long de Tallahassee, la capitale du «Sunshine State», à la Maison Blanche. Avec, en travers de la route, un obstacle de taille, nommé Donald J. Trump.
Retrouvez l’annonce de candidature de Ron DeSantis:
Et pourtant. S’ils ne veulent pas être pris de court dans les mois à venir, les Européens feraient bien d’anticiper. En prenant garde à ne pas trop s’exposer, comme vient de le faire le Chancelier allemand, Olaf Scholz, en affirmant, voici quelques jours, qu’il préfère Joe Biden à Donald Trump. Tout indique, en effet, que l’arrivée dans la course présidentielle de Ron DeSantis (44 ans), ancien élu de la Chambre des représentants et ancien officier déployé en Irak comme conseiller juridique des forces spéciales, va amplifier le débat sur le donnant-donnant transatlantique, alors que la guerre en Ukraine s’enlise.
Une supériorité militaire américaine incontestable
Point 1: le gouverneur de Floride est, encore plus que Trump, l’avocat d’une supériorité militaire incontestable des États-Unis. Point 2: sa confiance dans la justice internationale est quasi-nulle, et sa volonté de traduire demain Poutine devant des juges est proche de zéro, même s’il qualifie aujourd’hui le président russe de «criminel de guerre». Point 3: son ancrage pro-israélien est en béton armé, et le risque est réel de le voir, s’il était élu, accorder un blanc-seing à l’État hébreu sur des sujets aussi graves que la menace nucléaire iranienne.
Scénario apocalyptique pour une Europe toujours plus que dépendante du parapluie militaire américaine, et pieds et poings liés au sein de l’OTAN, qu’une partie des pays du Vieux Continent considèrent comme leur garantie de sécurité ultime? Presque. La précédente expérience Trump a en effet appris aux Européens comment gérer ce président plus pragmatique et cynique qu’idéologue. Des antécédents existent. Des anticorps aussi, dans les administrations des deux côtés de l’Atlantique.
DeSantis au pouvoir changerait radicalement la donne. L’homme a toujours dénoncé l’aventurisme démocratique des années Bush. À Washington, sa posture est souvent résumée sous le terme «Jacksonien» (en référence au président Jackson, entre 1829 et 1837), soit une «conception étroite de l’intérêt national américain, de la protection de son territoire, de son peuple, de ses biens matériels et de ses intérêts commerciaux à l’étranger» selon le «New York Times».
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Le 1er juin à Chisinau…
Moralité: l’Union européenne et ses partenaires, qui se réuniront le 1er juin à Chisinau, en Moldavie, pour un sommet de la Communauté politique européenne (dont la Suisse est membre), doivent d’urgence se poser, hors de l’OTAN, les questions qui fâchent et les divisent. Quid de la politique vis-à-vis de l’Ukraine si Washington devait lâcher prise? Quid des priorités en matière d’industrie de défense? Quid des priorités technologiques dans des domaines critiques comme les semi-conducteurs?
La candidature de Ron DeSantis a un immense mérite: le débat sur la relation Europe-États-Unis ne se limite plus, aujourd’hui, à la caricature qui consiste à opposer le «parfait partenaire» nommé Biden à la «dangereuse alternative» nommée Trump.
L’Amérique de Ron DeSantis existe. Le pire serait de l’ignorer.