Commentaire de Richard Werly
Berlusconi nous laisse un héritage redoutable: le populisme télévisuel

L'ancien président du Conseil italien a bouleversé le paysage politique du continent de façon bien plus profonde qu'on ne le croit. Le premier, il avait rompu toutes les digues de la droite européenne traditionnelle.
Publié: 12.06.2023 à 14:04 heures
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Dernière mise à jour: 13.06.2023 à 10:45 heures
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Des policiers et des membres des médias se tiennent devant l'hôpital San Raffaele, où l'homme d'affaires italien et ancien Premier ministre Silvio Berlusconi est décédé, à Milan, le 12 juin 2023. Le milliardaire, magnat des médias, avait été hospitalisé le 9 juin.
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

Silvio Berlusconi n’était pas un extrémiste de droite. Il n’était pas un nostalgique du fascisme. Mais il est, à tous points de vue, le père de l’Italie de 2023, avec Giorgia Meloni à sa tête depuis les élections législatives du 25 septembre 2022.

Cette Italie est le résultat d’une combinaison fatale pour les forces de gauche, qui n’ont pas su trouver la bonne riposte. D’un côté, le consentement non dit des élites économiques du nord de la péninsule. De l’autre, le puissant soutien des chaînes de télévision privées du groupe Mediaset (aujourd’hui MediaForEurope ou MFE) que le «Cavaliere» fonda en 1978. Et pour couronner le tout, l’efficacité d’un discours populiste parfaitement rodé. Avec pour principale cible les élites politiques traditionnelles du pays, caricaturées par ce milliardaire formidablement doué pour séduire et convaincre presque tous les publics, depuis ses débuts comme pianiste et crooner sur des navires de croisière dans les années 1970.

Un charmeur professionnel

Silvio Berlusconi, décédé ce lundi 12 juin à 86 ans, n’était pas un chevalier sombre du pouvoir comme peut l’être son aîné Rupert Murdoch, 92 ans, le magnat britannique de la presse et des médias anglo-saxons. Il était un slalomeur et un charmeur professionnel dont l’ultime habileté fut de rester toujours populaire, même au sommet du ridicule, du cynisme et de ses ennuis judiciaires qui lui valurent encore d’être condamné à quatre ans de prison pour fraude fiscale en janvier dernier.

Il était un maître du populisme télévisuel, cet art de transformer toutes les valeurs et prises de position en marchandise commerciale négociable. Comme Donald Trump, Berlusconi était un obsédé du «deal». Et comme l’ex-président américain, il savait mieux que quiconque acheter les loyautés.

Un héritage omniprésent

L’héritage politique européen de Silvio Berlusconi est omniprésent. Ce milliardaire touche-à-tout a popularisé l’idée que les compétences ne sont finalement pas l’essentiel dans l’exercice du pouvoir. Il a aussi, au fil des scandales sexuels qui ont émaillé sa carrière politique, alimenté l’idée du «tous pourris».

Berlusconi a déstructuré la politique pour en faire un élément de marketing, que l’on peut (presque) accommoder à toutes les sauces. L’ombre de ses liens supposés avec la mafia, souvent évoqués, complétait ce tableau pour le pire. C’est l’exercice même du pouvoir qui s’est retrouvé décrédibilisé, durant ses passages successifs à la présidence du Conseil italien.

Il n’y a jamais un seul coupable en politique. Le pire serait surtout de s’appuyer sur l’exemple de Berlusconi pour diaboliser les électeurs italiens. L’homme s’est contenté de surfer sur les vagues qu’il a su créer. Il était lui-même le produit de stratégie du «plaire à tout prix», et son rapprochement cynique avec le président russe, Vladimir Poutine, ou le président turc, Recep Tayyip Erdogan, de même que ses insultes envers Angela Merkel, ne doivent pas faire oublier qu’il fut toujours soutenu par les États-Unis.

L’homme Berlusconi aimait le pouvoir, la puissance, les hommes forts, le bling-bling et tous les excès que l’exercice de responsabilités politiques a longtemps permis. Il aimait les yachts, les jolies (jeunes) filles, et les chansons de variété italiennes, américaines et françaises. Il fut, avant l’heure, un influenceur de la politique du pire.

Sur Angela Merkel, la reculade de Silvio Berlusconi:

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Giorgia Meloni, passée par la case néofasciste, n’est pas l’héritière directe de l’homme d’affaires milanais. Elle incarne même, par son itinéraire d’apparatchik politique, une tout autre Italie. Mais l’actuelle présidente du Conseil a tout appris du «Cavaliere», qu’elle a su écarter mieux que personne à la fin, en s’assurant le soutien de l’un des plus fidèles lieutenants berlusconiens, l’actuel ministre des Affaires étrangères, Antonio Tajani.

L’histoire de l’engagement politique du «Cavaliere» de Mediaset, l’homme qui incarna en France le bling-bling des années 1980 avec «la 5», est celle d’un affaissement des digues de la crédibilité au pouvoir. Silvio Berlusconi dansait sur le fil du rasoir de la politique spectacle. Ses homologues firent à chaque fois l’erreur de ne pas prendre au sérieux ce dirigeant féru de chirurgie esthétique au point d’en être défiguré, avec un visage transformé en quasi-masque de cire. Ils ont eu tort.

Silvio Berlusconi a affaissé jusqu’au point de non-retour le niveau de la politique européenne. Or remonter cette pente, à l’heure de l’internet, des réseaux sociaux et de l’image-reine, est tout simplement devenu impossible.

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