Budget 2025 à l'Assemblée
Karin Keller-Sutter s'énerve contre la France dépensière (or, ça va durer)

François Bayrou veut faire adopter en urgence son projet de loi de finances pour 2025. Rendez-vous ce lundi 3 février à l'Assemblée nationale. Où ses récentes déclarations sur l'immigration passent mal.
Publié: 19:19 heures
1/4
L'actuelle Présidente de la Confédération Karin Keller-Sutter a ouvert l'édition 2025 du Forum de Davos.
Photo: keystone-sda.ch
Blick_Richard_Werly.png
Richard WerlyJournaliste Blick

Karin Keller-Sutter pensait peut-être passer inaperçue en France. C’est raté. Les médias français viennent de reprendre sa charge contre le «panier percé» tricolore dans son intervention du 31 janvier à la RTS. «Ils ont une situation financière déplorable. Ils dépensent plus pour leur dette que pour leur armée. Ce n’est pas le but de la Suisse, nous devons rester autonomes» a-t-elle fustigé, reprochant également à l’Autriche sa gestion problématique des finances publiques.

L’actuelle Présidente de la Confédération a raison: le dérapage continu du budget français (5,4% de déficit public anticipé pour 2025) et le montant record de la dette nationale (plus de 3300 milliards d’euros) privent aujourd’hui le gouvernement dirigé par François Bayrou de toute marge de manœuvre.

De 60 à 30 milliards d’euros

La preuve: les 60 milliards d’euros d’économies et de coupes dans les dépenses proposées initialement par son prédécesseur Michel Barnier (forcé à démissionner le 5 décembre après le vote d’une motion de censure à l’Assemblée) sont partis en fumée dans les nouvelles négociations pour le budget 2025, toujours pas voté! 32 milliards d’économies budgétaires seulement, soit la moitié, sont au programme du nouveau projet de loi de finances qui sera débattu par les députés en séance plénière à partir de ce lundi 3 février. Un budget que le Premier ministre fera probablement adopter sans vote, via le fameux article 49.3 de la Constitution, faute de compromis entre les forces politiques.

Karin Keller-Sutter a aussi visé juste sur la répartition des dépenses et des recettes en France. L’une des urgences, on le sait avec la guerre en Ukraine et l’élection de Donald Trump, est celle de la défense. Emmanuel Macron est un avocat zélé de l’industrie européenne d’armement, sujet à l’agenda de la première rencontre des Chefs d’Etat ou de gouvernement de l’Union européenne ce lundi 3 février à Bruxelles. Résultat: 50,4 milliards d’euros pour l’armée dans le projet de budget 2025 alors que la charge de la dette (les intérêts à payer) s’élèvera à 55 milliards en 2025 et à 69 milliards d’euros en 2026!

Bayrou slalome

Et François Bayrou? Nommé Premier ministre le 13 décembre, le dirigeant centriste n’a fait que slalomer entre les écueils politiques depuis lors. Sa principale réussite est tactique: avoir obtenu que les députés socialistes ne mêlent a priori pas leurs voix à une motion de censure que voteraient ensemble les élus de la France Insoumise (gauche radicale) et du Rassemblement national (droite nationale populiste). Problème: sa sortie contre la «submersion migratoire» dans un entretien à la chaîne LCI le 27 janvier lui a aussitôt valu les foudres de toute la gauche. 

N'empêche. Le Premier ministre a renoncé à couper 4000 emplois dans l’Education nationale. Il a dû aussi reculer sur des coupes prévues dans le budget des Sports, défendu par Emmanuel Macron en personne, pour tenir ses promesses olympiques. Une taxe sur les «plus hauts revenus» (plus de 250'000 euros par an) susceptible de rapporter deux milliards d’euros sera instaurée. Une autre taxe sur les «surprofits» des grands groupes privés verra le jour (huit milliards d’euros anticipés), ce qui a provoqué la colère du milliardaire Bernard Arnault. Au final toutefois? Rien qui ne ressemble à une sérieuse remise en ordre budgétaire. Pour mémoire, le dernier excédent budgétaire français remonte à… 1974, il y a pile 50 ans!

L’emprunt national, la solution?

La cheffe du Département des finances helvétique n’a pas osé proposer de solution au dérapage tricolore des finances publiques. Il y en a une pourtant: ponctionner l’épargne des Français qui est à un niveau record: 18% du Revenu national brut. Un emprunt national comme cela a été fait en France en 1973, 1977, 1983 et 1993? Possible. Cette solution aurait l’avantage de redonner de la marge de manœuvre au gouvernement sans mécontenter l’opinion déjà fatiguée des impôts (45,6% du Produit intérieur brut, record mondial). Pour l’heure, François Bayrou n’en parle pas. Idem pour son ministre des Finances Eric Lombard, proche des socialistes.

Probable en revanche que les langues se dénouent après l’adoption des deux projets de budget: celui de l’Etat (loi de finances) et celui de la sécurité sociale. François Bayrou pourra toujours, après, échanger avec Karin Keller-Sutter. Les Présidents de la Confédération font toujours, traditionnellement, une visite en France durant leur première année à la tête du pays. La ministre n'a donc plus qu'à aiguiser son couteau suisse des finances publiques, et l’offrir à ses interlocuteurs.

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la