En Suisse, plus de 21'000 personnes sont victimes d'un accident vasculaire cérébral chaque année, tandis qu'environ 40% des survivants en gardent d'importantes séquelles. Des chiffres impressionnants et désolants, sachant qu'une grande majorité des cas pourrait être évitée, d'après les spécialistes.
En ce 29 octobre 2024, Journée mondiale de l'AVC, divers stands de dépistage ouverts au public ont été installés dans les halls du Centre cérébrovasculaire du CHUV. Une conférence démarrera également à 17h30, dans l'Auditoire Auguste Tissot, afin d'informer la population quant aux facteurs de risque, souvent maîtrisables, des attaques cérébrales.
«L'AVC est une course contre la montre!», soulignent les équipes médicales mobilisées sur place. Car il s'avère que de nombreuses personnes concernées ignorent les signes d'alarme, tardent à demander de l'aide et perdent ainsi d'inestimables minutes.
«Dans le cadre de notre travail, nous observons que certains patients et leurs proches connaissent mal les signaux d’alerte de l’AVC, déplore Suzette Remillard, infirmière spécialisée en éducation thérapeutique au Service de neurologie. Si les symptômes les plus fréquents, tels que les troubles du langage, la paralysie dans le visage ou d’un côté du corps, sont bien connus, d’autres, comme les symptômes visuels, les maux de tête très brutaux ou les vertiges rotatoires brusques, sont fréquemment oubliés.» Notre interlocutrice constate en effet que, face à un vertige par exemple, on tend à accuser un problème d’oreille interne, alors que cette possible manifestation de l'AVC nécessite un appel au 144.
Les jeunes aussi sont concernés
Bien que la majorité des patients concernés aient entre 70 et 75 ans, le professeur Patrick Michel, médecin-chef au Centre cérébrovasculaire du CHUV, souligne une augmentation des cas chez «les jeunes» (les personnes de moins de 50 ans), depuis environ huit ans: «Cela peut souvent être attribué à une mauvaise hygiène de vie», précise-t-il.
D'autres facteurs de risque chez les jeunes incluent notamment la présence d'un cancer actif ou certaines malformations rares du cœur. Mais il arrive également que certaines personnes souffrent d'un AVC mineur ou majeur en raison d'une fulgurante malchance: «Malheureusement, il arrive que ces individus jeunes développent une dissection, une forme de déchirure des artères dans la nuque, pouvant survenir spontanément après un rhume banal ou un traumatisme mineur tel qu’une chute de ski ou d’une bousculade pendant le sport, pointe le spécialiste. Nous voyons une vingtaine de cas par année, chez des personnes entre 20 et 50 ans.»
La plupart des cas peuvent être évités
Or, nos intervenants soulignent que les facteurs modifiables, sur lesquels on peut agir au quotidien, restent les plus importants: «On observe qu'une liste de 10 facteurs de risque représentent 90% du risque d’avoir un AVC, et que 5 d'entre eux — l'hypertension artérielle, le tabagisme, l'obésité, l'alimentation et activité physique — réunissent déjà 80% du risque, souligne Suzette Remillard. L'hypertension porte à elle seule 35% du risque.»
Voici quelques habitudes essentielles, à mettre en place à tout âge, pour réduire ces facteurs et éviter autant que possible les AVC et AIT (accident ischémique transitoire): «Plus vous allez mettre en place des changements dans votre style de vie et contrôler vos facteurs de risque, plus vous allez mettre des chances de votre côté pour repousser l’apparition d’un AVC, encourage l'infirmière. Il n’est jamais trop tard et on en tire forcément des bénéfices!»
Ne jamais hésiter à composer le 144
Pour rappel, le flyer de l'événement du CHUV indique les principaux symptômes d'un AVC: il s'agit d'une paralysie au visage ou dans les bras ou les jambes, les troubles de la parole, les troubles de la vue, des vertiges violents et des maux de tête intenses.
Suzette Remillard insiste: même en cas de doute ou si l'on n'est pas sûr de reconnaître un signe d'AVC, il faut absolument appeler le 144. «Les spécialistes au bout du fil sont formés pour poser des questions, guider leurs interlocuteurs et les envoyer, si besoin, dans des centres spécialisés, pour une prise en charge optimale. Lorsqu’il s’agit de l’AVC, chaque seconde compte! Les personnes touchées perdent jusqu’à 2 millions de neurones par minute, et des traitements d’urgence comme la thrombolyse ou la thrombectomie permettant de déboucher les artères sont aujourd’hui accessibles dans les centres spécialisés. Plus vite on peut traiter les patients, moins ils risquent de souffrir de séquelles.»
Notre intervenante rappelle en outre qu'environ 40% des personnes victimes d'un AVC s'en sortent plutôt bien, tandis que 35% en gardent des séquelles importantes, et 25% perdent malheureusement la vie au cours de la première année.
Réaliser des contrôles chez son médecin
Puisque l'hypertension artérielle représente 35% du risque et que ce phénomène reste souvent asymptomatique (il est notamment surnommé the silent killer, le tueur silencieux, en anglais), il convient de le débusquer au plus vite, pour réduire les risques.
«Nous conseillons à toute personne de plus de 40 ans de se rendre chez son médecin tous les deux ans pour contrôler la tension artérielle, le cholestérol et la glycémie, recommande le professeur Michel. De plus, il faudrait idéalement contrôler sa tension artérielle tous les deux ans dès l’âge de 18 ans, surtout en cas de prédisposition familiale.»
Optimiser son hygiène de vie
Puisque le mode de vie représente le facteur de risque le plus important, Suzette Remillard souligne l'importance de veiller à nos habitudes quotidiennes: «L’une des premières choses à faire pour prévenir l’AVC est l’arrêt du tabac. Puis, il s’agit de se pencher sur son activité physique. Les recommandations ont un peu changé, on estime maintenant que tout type de mouvement est bon à prendre et que chaque minute d'activité compte: le fait de prendre les escaliers, de se lever régulièrement (environ toutes les 45 minutes) et éviter la position assisse le plus possible durant la journée, s’avère vraiment essentiel.»
Dans ses nouvelles recommandations mises à jour en 2023, le Réseau suisse de santé et d'activité physique (HEPA) conseille effectivement de pratiquer chaque semaine au moins 150 à 300 minutes d'activité d'endurance à intensité modérée (marche rapide, vélo, jardinage...). On peut y substituer 75 à 150 minutes d'activité d'intensité soutenue par semaine (dont le jogging, le vélo rapide ou la montée d'escaliers), bien qu'une combinaison de ces deux types d'intensité soit très bénéfique aussi. À cela doit s'ajouter une activité de renforcement musculaire d'intensité modérée ou soutenue (montée d'escaliers, déplacement d'objets lourds, pompes, squats...), au moins deux fois par semaine.
Manger un minimum d'aliments ultra-transformés
«Ensuite, il est important de veiller à son alimentation, en réduisant sa consommation de sucre, de sel et de graisses, qui peuvent avoir un impact sur l’apparition ou l’aggravation de facteurs de risque comme l’hypertension, hypercholestérolémie ou encore un diabète, poursuit Suzette Remillard. On recommande actuellement l’alimentation méditerranéenne, composée majoritairement de graines, de fruits et de légumes, d’une diminution de viande, surtout la rouge, d’augmenter son apport en légumineuses et de manger le moins possible d’aliments ultra-transformés.»
Si vous n'êtes pas sûr de ce qui représente un aliment ultra-transformé, posez-vous une question simple: cet aliment existe-t-il, quasiment tel quel, dans la nature? Si la réponse est non, il est issu de lourds processus industriels. À noter que certains produits sont plus nocifs que d'autres pour la santé.
Gérer son stress au maximum
Un autre facteur de risque fréquemment sous-estimé de l'AVC est le stress: «Son rôle est partiellement connu, explique le professeur Michel. On sait qu’un stress aigu et chronique active l'axe endocrinologique du stress, avec un pic de l’adrénaline et du cortisol dans le corps. À long terme, cela peut mener à une dégradation des artères et du cœur, pouvant augmenter le risque d'AVC et des infarctus du myocarde. De plus, en présence de stress, on a moins tendance à faire du sport et à s’alimenter correctement, ce qui peut créer un cercle vicieux.»
À noter qu'une bonne hygiène de vie ne peut totalement compenser la présence d'un stress chronique: il faudrait ainsi mettre en place des méthodes permettant de le réduire, comme la sophrologie, les loisirs, le contact social positif ou encore le yoga. Voici quelques conseils pour réduire le stress au travail, ou pour mieux comprendre nos taux de cortisol. Encore une fois, cela ne tient qu'à nous!