Le cœur qui tambourine en ouvrant l'agenda, l'impression d'être submergé face à sa to-do list, la fatigue écrasante qui surgit en fin de journée, l'impossibilité de «débrancher» son cerveau... Si vous reconnaissez ces situations, vous n'êtes pas seul: d'après l'Enquête suisse sur la santé publiée fin mai 2024 par l'Office fédéral de la statistique, près d'un Suisse sur quatre souffre de stress au travail «la plupart du temps» ou «toujours».
Ce chiffre, mesuré entre 2012 et 2022, ne tend cependant qu'à augmenter, sachant qu'il est passé de 18 à 23%, en une décennie à peine. Ainsi que le soulignait l'OFS dans un communiqué, il s'agit de la plus forte progression observée parmi les conditions de travail présentant un risque physique ou psychosocial pour la santé: «Plus de la moitié (53%) des personnes stressées sont également épuisées émotionnellement dans leur travail et présentent un risque accru de burnout», indique le document. Sans oublier que les femmes (1 sur 4) sont désormais plus concernées que les hommes (1 sur 5).
Prévenir le burnout
Parmi les signes de l'épuisement et du burnout, l'Hôpital du Valais cite notamment des troubles de l'attention ou de la concentration, des oublis plus fréquents, une diminution de l'efficacité, un manque d'énergie, une irritabilité menant à l'isolement, un déni de la surcharge de travail, une incapacité à effectuer des tâches, des troubles digestifs, maux de tête ou tensions musculaires. En présence de ces premiers signaux, de ruminations importantes, d'insomnie et d'un impact général sur la qualité de vie, il est essentiel d'adresser le problème avec votre supérieur et de demander de l'aide au plus vite, auprès d'un ou d'une psychologue. Vous trouverez une liste de ressources sur le site Nobournout, ainsi que dans l'annuaire de la Fédération suisse des psychologues (indiquez simplement le mot clé «burnout» au moment de lancer une recherche.)
En termes de prévention, il est également possible de suivre des formations spécifiques organisées par Unisanté, afin d'apprendre à se protéger du stress et à endiguer l'épuisement. Celles-ci peuvent être suivies en présentiel, à Lausanne, ou via visioconférence.
Comment endiguer le stress?
D'après la prestigieuse université américaine d'Harvard, il est crucial d'apprendre à gérer le stress, sachant que celui-ci peut avoir diverses conséquences sérieuses pour la santé: «Une activation répétée du réflexe de fight-or-flight peut perturber plusieurs fonctions de l'organisme et augmenter le risque de contracter certaines maladies, peut-on lire dans un article publié par le département de médecine. Par exemple, une sécrétion trop fréquente de cortisol, l'hormone du stress, peut affecter le système immunitaire, augmenter nos chances d'avoir une maladie auto-immune, sans oublier le risque plus élevé de souffrir de troubles cardiovasculaires ou de la maladie d'Alzheimer.»
Heureusement, il existe des manières de réduire l'impact quotidien du stress pour se protéger de ses effets physiques et psychologiques:
Prendre conscience du stress
Dans un article paru le 22 mai 2024, le magazine santé de l'Université de Berkeley, «Greater Good Magazine», propose plusieurs étapes pour se protéger du stress professionnel. Chacune d'entre elles est tirée de l'ouvrage Burnout Immunity, publié fin avril par la chercheuse et enseignante Kandi Wiens. Et la première clé évoquée n'est pas des moindres, bien qu'elle puisse sembler évidente: il s'agit de prendre conscience de notre stress et de la place qu'il occupe dans notre quotidien.
Pour cela, il convient de reconnaître ses principales caractéristiques, en se posant une série de questions: «Est-ce que je considère les facteurs de stress comme des problèmes que je ne peux pas résoudre? Mon environnement ou rythme de travail me semblent-ils toxiques pour moi? Ai-je du mal à dire «non»? Ai-je l'impression de me ressourcer de manière efficace, ou la fatigue ne paraît-elle que s'accumuler?» Le simple fait de s'en rendre compte, plutôt que de se démener pour refouler ou nier nos difficultés, constitue un premier pas indispensable.
Dans ce sens, l'American psychology association (APA) recommande de tenir un «Journal du stress» pendant quelques semaines, en notant tous les événements qui ont causé des émotions désagréables, ainsi que les personnes impliquées et notre réaction immédiate. Cet exercice permettra d'avoir une meilleure vision de la situation, afin de trouver une solution plus facilement.
Réguler les manifestations du stress
La seconde étape, selon Kandi Wiens, est d'identifier les manifestations physiques du stress: il ne s'agit pas de les réprimer mais au contraire de les observer consciemment, pour créer des réactions saines à ce phénomène. Ainsi qu'elle l'explique auprès de «Greater Good Magazine», lorsqu'on ressent une manifestation physique du stress, il peut être bénéfique de réguler le système nerveux à l'aide de la technique CLCBE (Calculate, Locate, Communicate, Breathe in, Exhale).
- Commencez par évaluer votre stress sur une échelle de 1 à 10.
- Localisez l'endroit de votre corps où vous ressentez ce stress.
- Verbalisez clairement ou notez ce que le stress vous fait ressentir et ce que vous vous dites, à propos de la situation en cours (par exemple «Je me mets la pression, car j'ai peur de rater ce délai et de décevoir mon supérieur hiérarchique»).
- Inspirez pendant quatre secondes.
- Expirez pendant 7 secondes.
Pratiquer la pleine conscience
L'université de Harvard souligne effectivement l'importance des exercices de relaxations, comme la sophrologie ou la détente musculaire progressive. Cette dernière peut être pratiquée très facilement, à la fin de la journée: il suffit de s'allonger calmement et de tendre, puis de détendre, chaque muscle du corps, en commençant par les jambes pour remonter jusqu'aux épaules. Tendez vos muscles durant dix secondes, avant de relâcher pendant vingt secondes. «À chaque fois que vous détendez un muscle, pensez le mot 'détente' ou 'relâche'», conseillent les spécialistes de l'établissement dans un article paru en 2019.
De même, la pleine conscience est définie par Harvard comme «la capacité à se concentrer sur le moment présent avec curiosité, ouverture d'esprit et acceptation». Le stress, en revanche, est plutôt associé aux ruminations, à l'autocritique et à l'inquiétude concernant le futur: des exercices simples comme des méditations guidées (disponibles sur des apps telles que Calm, Petit Bambou ou HeadSpace), les hobbies créatifs et les promenades en peine conscience, peuvent aider à nous ancrer dans l'instant présent, pour interrompre les pensées stressantes et retrouver des parenthèses de sérénité ressourçantes.
Créer des limites saines
Selon Kandi Wiens, le terme boundaries (limites) est l'un des secrets les plus indispensables à la lutte contre le stress professionnel. Pour les mettre en place, il convient de s'autoriser à refuser les engagements non essentiels, à demander un temps de réflexion avant de dire «oui» de façon automatique et à pratiquer des activités qui rechargent nos batteries en dehors du travail... même si cela revient à ne rien faire du tout pendant une journée entière!
Or, si ces limites sont difficiles à établir, si vous ressentez un inconfort grandissant dans votre environnement de travail, ainsi qu'un sentiment de pessimisme, de morosité ou de démotivation, Kandi Wiens souligne que vos valeurs pourraient ne plus être alignées sur celles de votre entreprise: «Si vous avez du mal à identifier ces valeurs, faites une liste de sept choses que vous souhaiteriez faire, être, voir, ressentir ou vivre dans votre vie professionnelle, avant la fin de votre carrière.» Une manière simple de faire le point, bien que ce type de questionnements complexes requièrent souvent le soutien d'un ou d'une psychologue.
Adapter notre état d'esprit
Harvard et «Greater Good Magazine» s'accordent sur l'importance de l'état d'esprit (mindset): «Le stress et l'inquiétude chroniques peuvent mener certaines personnes à développer un filtre mental, qui les pousse à interpréter automatiquement chaque situation de manière négative», précise la publication d'Harvard. Cela peut nous mener à des idées négatives («Mon chef me trouve incompétent») ou des doutes quant à nos capacités à gérer le stress («Si je ne réussis pas ce projet, je serai dévasté»), sans la moindre justification objective.
Pour déraciner progressivement ce filtre négatif, l'article d'Harvard conseille de se rappeler au maximum que nos pensées sont des hypothèses et non des faits, afin d'ouvrir la porte à d'autres possibilités plus optimistes. Même le stress en tant que tel peut être perçu de manière plus positive, ainsi que le souligne Kandi Wiens: «Quand vous sentez du stress dans votre corps, avec une fréquence cardiaque plus élevée par exemple, il peut être bénéfique de le voir comme une source d'énergie qui vous permettra de résoudre le problème qui se présente à vous».
Rappelons toutefois que ces points ne constituent que des pistes et qu'un stress qui pèse sur votre quotidien nécessite du soutien professionnel. Ne restez jamais seul face à une situation qui impacte votre qualité de vie.