D'après l'organisation Alzheimer Suisse, plus de 156 000 personnes sont actuellement atteintes de la maladie d'Alzheimer ou d'une autre forme de démence, en Suisse. Environ 33'800 nouveaux cas sont estimés chaque année, dont 5% de personnes qui développement la maladie avant leur 65e anniversaire.
Voilà qui surprend, sachant qu'on associe fréquemment les maladies neurodégénératives à un âge très avancé. Le plus souvent, même, on n'y pense pas du tout... Alors qu'on devrait, et cela, peu importe notre âge.
La veille du 21 septembre, qui marque chaque année la Journée mondiale de la maladie d'Alzheimer, rappelons également que 66% des individus concernés sont des femmes. Et qu'au vu du vieillissement de la population, les cas risquent d'augmenter sensiblement au fil du temps: Alzheimer Suisse estime en effet que leur nombre devrait atteindre 315 000 personnes d'ici à 2050. Des chiffres qui font froid dans le dos, sachant que nos souvenirs constituent des trésors inestimables, les poussières d'étoile rescapées d'un passé sublimé, mais inatteignable.
«On vit actuellement une révolution thérapeutique»
Heureusement, des progrès décisifs sont en cours, lorsqu'il s'agit de la prévention et de la compréhension du phénomène. «Il est important de clarifier qu’Alzheimer est une maladie neurodégénérative parmi d’autres et qu’elle ne concerne pas forcément toutes les personnes qui souffrent de problèmes de mémoire, précise d'emblée le Professeur Gilles Allali, directeur du Centre Leenaards de la mémoire, au CHUV de Lausanne. Il s’agit toutefois de celle qui concerne le plus grand nombre de patients et dont on parle le plus actuellement, en raison d’un fort engouement autour des traitements et des facteurs de risque.»
Le spécialiste constate en effet qu'une véritable révolution thérapeutique est en marche: «Semblable à la révolution oncologique du début du XXe siècle, elle transforme nos manières de prévenir et de traiter Alzheimer. On peut notamment se réjouir de l’arrivée progressive de nouveaux traitements, basés sur des molécules qui attaquent la cause-même de la maladie. Il ne s’agit plus d’une fatalité, on peut de mieux en mieux agir sur la maladie.» À noter que ces innovations ne sont pas encore disponibles en Suisse, pour le moment.
Sur la même thématique:
«Plus elle est détectée précocement, mieux on peut anticiper»
La maladie d'Alzheimer est-elle diagnostiquée de plus en plus tôt? Non, répond le spécialiste. Et c'est fort dommage! «On voudrait pouvoir la dépister aux alentours de 70 ans, plutôt que de la diagnostiquer à un stade très avancé, vers 80 ans, déplore-t-il. En effet, plus elle est détectée précocement, mieux nous pouvons anticiper des mesures de prévention et des décisions administratives, afin de mettre en place les structures qui permettront aux patients de vivre en sécurité dans leur domicile, le plus longtemps possible. Il existe un arsenal thérapeutique et social, beaucoup plus simple à déployer si l'on s’y prend à l’avance.»
Avant l'âge de 65 ans, il peut donc s'avérer utile de prendre rendez-vous auprès d'un spécialiste, afin de réaliser un point de situation et prendre, si besoin, des mesures pouvant préserver le cerveau le plus longtemps possible. Sans oublier que les habitudes préventives fonctionnent à n'importe quel âge, d'après notre intervenant. Le plus tôt sera le mieux, tant qu'on les maintient tout au long de la vie:
L'hygiène de vie
Car la prévention d'Alzheimer ne dépend absolument pas de l'administration d'une montagne de cachets: «Les patients ont l’impression d’être réellement pris en charge dès qu’ils repartent avec une ordonnance pour des médicaments, ajoute le Pr. Allali. Or, dans le cadre d’Alzheimer, les facteurs non médicamenteux, ancrés dans le style de vie et les habitudes quotidiennes, sont très - voire plus - efficaces, pour autant que la maladie soit dépistée suffisamment tôt.»
Puisque la santé cardiovasculaires, dont l'hypertension, le diabète, le cholestérol, le tabac et l'obésité, représente le facteur de risque le plus souvent évoqué, en plus de l'âge et des prédispositions génétiques, il est essentiel de les traiter au plus vite.
Cela passe notamment par une prise en charge médicale éventuelle, l'arrêt du tabac et, ainsi que le souligne le Pr. Allali, une alimentation inspirée par le régime méditerranéen, riche en fruits rouges, légumes verts et poisson. Une consommation limitée d'alcool et une activité physique régulière jouent un rôle tout aussi important. L'OMS recommande notamment de pratiquer chaque semaine une activité modérée d’au moins 150 minutes, ou une activité intense d’au moins 75 minutes.
La stimulation cognitive
«Un autre facteur de risque modifiable ayant mis en échec les grandes études épidémiologiques est l’éducation, ajoute le Pr. Allali. On constate que le fait d’avoir bénéficié d’un niveau d’éducation élevé protège des maladies neurodégénératives, ou permet en tout cas de retarder leur développement, puisque le cerveau est resté actif et stimulé sur des plus grands laps de temps.»
Notre expert constate ainsi que les personnes universitaires commencent généralement à développer des symptômes quand la maladie est déjà très avancée et qu’elles ont épuisé toute leur réserve cognitive: «On a alors l’impression que la maladie se développe plus rapidement, mais elle a seulement été diagnostiquée plus tard.»
Sans devoir viser le doctorat, retenons simplement que la stimulation cognitive fait partie des principales mesures de prévention: «Cela peut passer par l’apprentissage d’une nouvelle langue, le fait de se tenir au courant de l’actualité, de lire, d’aller au théâtre ou au musée, propose notre intervenant. Dans certains pays dont le Canada, les médecins prescrivent même des visites au musée, car cette activité permet de sortir de chez soi, de rencontrer des gens et d’apprendre de nouvelles choses.»
En savoir plus:
Les contacts sociaux
Plusieurs études américaines récentes ont démontré que l'isolement social et la solitude figurent parmi les facteurs de risque modifiables de la démence, y compris la maladie d'Alzheimer. Le Pr. Allali confirme en outre que les personnes jouissant d’un tissu social riche sont moins à risque.
«L'isolement chez les adultes plus âgés est caractérisée par des contacts sociaux réduits, une vie solitaire et une participation peu fréquente à des activités sociales, précise Alison Huang, chercheuse à l'Université américaine Johns Hopkins, ayant réalisé une recherche à ce sujet. Une explication possible est que ce manque d'opportunité pour socialiser avec d'autres adultes diminue la stimulation cognitive et contribue ainsi à augmenter le risque de développer une forme de démence.»
Parmi les solutions possibles à l'isolement social, les responsables des études proposent l'utilisation ou l'apprentissage de moyens de communication modernes, afin de préserver un contact avec le monde extérieur. Puisque la science a souvent démontré les dangers de la solitude pour le cerveau, à n'importe quel âge, il est important de demander de l'aide et de tisser des liens au maximum, lorsqu'on se sent isolé.
Le genre joue un rôle important
Des efforts sont également fournis du côté de la prise en charge des femmes, largement plus concernées par la maladie d'Alzheimer: «Le fait d’être un homme ou une femme n’expose pas aux mêmes risques et le genre doit absolument être pris en compte dans le dépistage et le traitement des maladies neurodégénératives, estime le Pr. Allali. Le grand déséquilibre vient aussi du fait que les femmes tendent à consulter plus tard et qu’on prête typiquement plus d’attention aux plaintes médicales des hommes, en raison d’un biais de genre. Mais on essaie actuellement d’ajuster et de personnaliser le discours pour mieux s’adapter.»
Un événement à ne pas manquer
Le lundi 23 septembre, dès 17h, le Centre Leenaards de la Mémoire (CHUV) organise un événement spécial, avec une série de conférences et de présentations. L'un des thèmes principaux sera la danse tango et ses bienfaits dans le cadre de certaines maladies neurodégénératives. Une démonstration aura lieu en début de soirée.
Le 9 octobre, le CHUV accueillera également un symposium national consacré à la révolution thérapeutique que connaît actuellement la maladie d'Alzheimer, avec plusieurs conférences et workshops entre 10h et 17h15.