C’est une «révolution». Face aux résultats de notre sondage représentatif, réalisé en partenariat avec M.I.S Trend, le professeur émérite d’histoire économique Laurent Tissot pèse ses mots.
Une personne sur deux et près de six hommes sur dix (58%) en emploi en Suisse romande arrêteraient de travailler demain s’ils le pouvaient. C’est aussi le cas de 40% des femmes — qui bossent en moyenne à des pourcentages moindres — et de 45% des membres de direction ou des indépendantes et indépendants.
Frappant. «La Suisse s’est toujours considérée comme une nation de personnes dont le travail est l’élément le plus important de leur vie, décrypte notre interlocuteur. Un pays où on n’aime pas les gens qui ne travaillent pas. Là, il y a un renversement.»
N’en déplaise au Centre patronal. «Le travail ne sert plus à être heureux, mais à engranger de l’argent pour ses loisirs. C’est une révolution dans la façon dont la population voit son pays et sa propre existence.» Un peuple qui avait refusé d’inscrire six semaines de vacances obligatoires dans la Constitution en 2012.
79% veulent la semaine de 4 jours
Les autres données récoltées vont dans le même sens. La semaine de quatre jours — un 100% fait sur quatre jours avec le même salaire — récolte 79% d’avis favorables. Les hommes, les femmes, toutes les tranches d’âge et tous les secteurs s’accordent. La gauche (88%) y est plus favorable que la droite (68%).
Cet engouement énorme déclaré «n’étonne pas» Laurent Tissot et inspire un commentaire à Nicky Le Feuvre, sociologue du travail. «C’est une autre manière pour les répondantes et répondants de dire leur envie de remettre le travail à sa place, estime cette professeure de l’Université de Lausanne. On veut le mettre à distance puisqu’il est vécu comme une cause de stress, d’usure et de fatigue.»
Taux d’activité idéal: entre 50 et 80%
Dans la même veine, seuls 20% pensent que le taux idéal d’activité se situe entre 85 et 100%. Et parmi celles et ceux qui travaillent effectivement à ce taux d’activité, 29% seulement le considèrent comme parfait.
Semaine de quatre jours, nouveau débat sur le revenu inconditionnel de base, burn-out, grèves, télétravail, aspiration à davantage de temps libre: notre rapport au monde du travail semble en pleine mutation. Blick a voulu le vérifier.
Arrêteriez-vous de travailler demain si vous le pouviez? Êtes-vous favorable à la semaine de quatre jours? Êtes-vous pour le revenu inconditionnel de base? Aimeriez-vous télétravailler davantage? Aimez-vous bosser dans un open space? Vous sentez-vous stressé(e)? Votre job impacte-t-il négativement votre vie privée?
Les résultats du sondage réalisé par M.I.S Trend sont alarmants. Nous vous proposons une plongée au cœur de la révolution que nous sommes en train de vivre en deux volets. Un premier sur la relation des Romandes et des Romands à leur emploi. Et un second sur les effets du boulot sur leur santé.
Semaine de quatre jours, nouveau débat sur le revenu inconditionnel de base, burn-out, grèves, télétravail, aspiration à davantage de temps libre: notre rapport au monde du travail semble en pleine mutation. Blick a voulu le vérifier.
Arrêteriez-vous de travailler demain si vous le pouviez? Êtes-vous favorable à la semaine de quatre jours? Êtes-vous pour le revenu inconditionnel de base? Aimeriez-vous télétravailler davantage? Aimez-vous bosser dans un open space? Vous sentez-vous stressé(e)? Votre job impacte-t-il négativement votre vie privée?
Les résultats du sondage réalisé par M.I.S Trend sont alarmants. Nous vous proposons une plongée au cœur de la révolution que nous sommes en train de vivre en deux volets. Un premier sur la relation des Romandes et des Romands à leur emploi. Et un second sur les effets du boulot sur leur santé.
À gauche, seuls 10% le voient comme la panacée (contre 30% à droite et 20% chez les apolitiques). Les hommes sont plus enclins à bosser à ce taux (27%) que les femmes (11%).
Nicky Le Feuvre n’est pas étonnée. «La plupart des hommes sont à temps plein et ont le sentiment qu’ils ne peuvent pas baisser leur taux, décrypte la spécialiste. Pour les femmes, c’est socialement plus acceptable. Les entreprises sont aussi plus à même d’accéder à leur demande de réduction du temps de travail.»
Pour près de trois quarts (71%) de la population romande, le pourcentage idéal se situe entre 50 et 80%. Moins d’une personne sur dix (7%) répond «moins de 50%», et 2% votent pour un «0%».
«La Suisse a connu un retard sur la France»
Pour l’historien Laurent Tissot, il faut remettre ces données dans une perspective… historique. «Par rapport à ses voisins, la Suisse a connu un retard tant au niveau de l’augmentation des salaires que du temps de travail. En France, les premiers congés, c’est en 1936!» En Suisse, les vacances se normalisent en 1966 – deux semaines sont alors inscrites dans la loi. Les quatre semaines obligatoires actuelles sont en vigueur depuis 1984.
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«Après la Deuxième Guerre mondiale, durant laquelle le monde ouvrier a participé à l’effort de guerre, les syndicats étaient en position de force et les organisations patronales ont compris qu’elles ne pouvaient continuer à refuser leurs demandes», raconte le retraité de l’Université de Neuchâtel. Conséquences, le temps libre et les revenus vont augmenter.
«Dans l’industrie horlogère, les vacances correspondaient à un bloc fixe de trois semaines durant l’été. Et puis, on commence à se dire que ce serait intéressant de pouvoir répartir ces trois semaines sur l’année. Donc quand, en 2023, la population active dit qu’elle veut la semaine de quatre jours, cela s’inscrit dans cette continuité.» En clair, on souhaite davantage de temps libre et plus souvent.
Les 18-44 ans veulent télétravailler plus
Mais ce n’est pas tout. La moitié de la population active de Suisse romande souhaiterait se rendre moins au bureau. Les jeunes y sont beaucoup plus favorables – 59% des 18-29 ans et 58% des 30-44 ans (contre 42% des 45-65 ans).
La majorité des salariées et salariés (54%) voudrait télétravailler davantage. Contre 49% des cadres et 38% des membres de direction.
Les jeunes pour un revenu inconditionnel de base
Ces tranches d’âge sont aussi favorables à un revenu inconditionnel de base à partir de 18 ans: 55% des 18-29 ans répondent «oui, tout à fait» ou «oui, assez», comme 52% des 30-44 ans. Contre 40% des 45-65 ans. Sans surprise, la gauche (78%) et les foyers plus modestes (56%) le plébiscitent, au contraire de la droite (32%).
Ce sont les seuls points où une craquelure générationnelle se dessine. Nicky Le Feuvre n’en est pas surprise. «Malgré tout ce que l’on dit sur les millénials et la Gen Z, toutes les enquêtes sérieuses montrent qu’il n’y a pas d’effet générationnel sur les questions liées au monde du travail. Ce sont des changements plus transversaux, globalement partagés.»
«Trouver du sens ailleurs»
De manière générale, ce sondage est l’expression «de nouvelles manières de se distancier du travail», commente la scientifique. Pour la chercheuse de l’UNIL, cette «mise à distance» est liée à une perte de sens. «Lorsque le travail devient source de stress chronique (ndlr: 70% se disent stressé(e)s par leur job) et plus une manière de s’épanouir, quand on a l’impression de mal faire son travail parce qu’on n’a plus le temps de bien le faire, il perd de son sens.»
La sociologue insiste: c’est un problème lié au monde du travail et non aux individus. «Il y a une pression à la rentabilité, une intensification des rythmes de travail et une plus grande surveillance managériale. A cela s’ajoute une pénurie de main-d’œuvre et des situations de sous-effectif.»
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Conséquence? «On part trouver du sens ailleurs, dans le bénévolat, en s’investissant dans des activités collectives de quartier, on trouve d’autres manières de contribuer à la société.»
La marque des semi-confinements
Ces statistiques portent aussi la marque du Covid et des semi-confinements. «Cette séquence a joué un rôle important, appuie Laurent Tissot. Les gens ont pu appréhender les nouvelles technologies et travailler depuis la maison. Tout changement technologique entraîne toujours un changement social.»
Et avec le chômage partiel, un certain nombre a aussi fait l’expérience d’une charge de travail moins lourde. «Tout le monde n’était pas en télétravail ou au bénéfice d’indemnités RHT, mais beaucoup ont réalisé que travailler moins ne rend pas plus malheureux», acquiesce Nicky Le Feuvre.
Des pistes pour les managers
Selon plusieurs expertes et experts, le problème se situe bien du côté du patronat. «Les stratégies managériales actuelles sont contre-productives, constate la professeure. Il faut réenchanter le travail, refaire confiance aux salariées et salariés, leur offrir plus d’autonomie, laisser place à leur créativité.»
En résumé, trop de contrôle tue l’efficacité. «Si les aspirations de l’employé sont satisfaites, une forme de loyauté se développe et celui-ci va récompenser son employeur en s’investissant davantage», assure la sociologue du travail.
Un dernier point peut-être. Non, cette étude de Blick ne démontre pas l’existence de la fainéantise romande. Laurent Tissot en est persuadé: «Si l’enquête avait été menée en outre-Sarine, la tendance aurait été la même, même si les chiffres auraient peut-être été un peu moindres.»
Ce sondage de M.I.S Trend a été mené en collaboration avec Blick. L'étude s'est déroulée en ligne entre le 15 et le 22 novembre 2023 — auprès du panel de l'institut et sur les plateformes de notre média. Les résultats sont basés sur les réponses de 937 personnes en emploi en Suisse romande, âgées de 18 à 65 ans.
Les données obtenues ont été pondérées de manière à obtenir des chiffres représentatifs pour la population romande. La marge d'erreur maximale est de plus ou moins 3,2% sur l’échantillon total.
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