Un expert l'affirme
«La Confédération n'aide pas suffisamment les projets de mobilité»

Andreas Herrmann, expert en mobilité et conduite autonome, affirme que la Suisse pourrait faire plus à ce sujet. Il craint qu'elle ne rate une occasion en or pour réussir la transition vers un modèle plus durable. Interview
Publié: 19.07.2022 à 06:05 heures
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Depuis un an et demi, Andreas Herrmann, auteur de nombreux ouvrages, dirige l'Institut pour la mobilité de l'université de Saint-Gall (IMO-HSG).
Photo: zVg
Timothy Pfannkuchen

C'est officiel: des bases légales permettent à l'Allemagne d'enfin lancer la conduite autonome - fini les voitures avec des conducteurs! Pour le spécialiste en mobilité Andreas Herrmann, la conduite autonome, c'est l'avenir. Mais la Suisse est en retard en matière d'innovation des transports. Elle doit réussir à prendre le train en marche.

On parle de plus en plus de conduite autonome. Quand est-ce que cela se concrétisera?
Andreas Herrmann: Dès maintenant! Les bases légales arrivent pour la première fois, en commençant par l'Allemagne. Mercedes a mis en place un système. Mobileye mettra en service 25 taxis entièrement autonomes à Munich à partir de l'automne, ainsi qu'à Paris, New York et d'autres villes dès 2023. Nous réalisons, pour la première fois, l'expérience de la conduite automatisée au quotidien.

Où en est la Suisse en matière de conduite autonome?
Nous pourrions faire plus! Ici, quelques petits bus circulent depuis six ans dans le cadre de divers projets pilotes. Nous avons de nombreux petits projets, mais il nous manque encore quelque chose de plus conséquent.

Si l'on en croit les annonces faites dans le passé par le secteur automobile, nous devrions déjà être autonomes aujourd'hui. Pourquoi cela prend-il autant de temps?
Il y a plusieurs raisons à cela. L'une d'elles est la situation juridique. L'Allemagne a fait le premier pas. Auparavant, il n'y avait que des autorisations spéciales. Une autre raison est l'absence de business case, car il s'agit d'un terrain inconnu pour les constructeurs automobiles. Et les clients hésitent eux aussi.

De nombreux experts affirment qu'un jour, nous ne pourrons plus conduire nous-mêmes.
Cela pourrait arriver. Au moins 90% des accidents sont dus à une erreur humaine. La conduite automatisée peut réduire considérablement le nombre et la gravité des accidents. Nous en faisons déjà l'expérience tous les jours, avec des systèmes d'assistance toujours plus performants.

Autonomes ou non, de nombreuses villes bannissent les voitures. Le véhicule privé a-t-il encore un avenir?
Dans certaines sociétés, oui - par exemple en Chine ou en Inde. Elles entrent seulement dans l'ère de la voiture. Là-bas, un véhicule signifie un statut. Mais chez nous, la question se pose déjà: devons-nous encore laisser des voitures privées dans les centres-villes? Mon pronostic: dans quinze ans, nous n'aurons presque plus de véhicules privés en ville, peut-être seulement à la campagne.

On observe de plus en plus de personnes ayant des abonnements de véhicules de location, comme Mobility. S'agit-il d'un engouement passager ou d'une tendance durable?
La législation pourrait rendre la possession d'une voiture privée moins attractive. Et dans ce cas, un tel abonnement aurait plus de sens qu'un véhicule personnel. D'autant plus que la jeune génération n'est plus attachée à sa propre voiture. Personnellement, je nettoyais encore celle de mon père le samedi quand j'étais plus jeune. Maintenant, mes enfants n'y songeraient plus du tout!

Et en ce qui concerne le tournant de la mobilité en Suisse?
La Suisse semble plutôt adopter un attentisme prudent, que je trouve risqué. La Confédération n'aide pas suffisamment les projets de mobilité. Pourtant, avec les CFF, l'EPFL et l'EPFZ, nous avons une chance qu'il faudrait saisir.

Le Conseil fédéral devrait donc encourager davantage l'industrie de la mobilité?
Oui! Nous aurions tous les outils nécessaires pour cette industrie qui brasse des milliards. Mais nous devons décider si nous voulons y participer. Les acteurs - comme les villes, les entreprises technologiques ou l'industrie automobile - doivent se réunir, sinon cela ne marchera pas. Personne ne peut le faire seul. Le DETEC, l'Office fédéral de l'environnement, des transports, de l'énergie et de la communication, doit jouer le rôle de coordinateur.

Votre nouveau livre (en français «La mobilité pour tous: ... sur simple pression d'un bouton», 2022) souligne l'importance de la mobilité pour la prospérité économique. Existe-t-il des solutions au dilemme entre la mobilité et la protection de l'environnement?
Nous avons besoin de la mobilité pour vivre et c'est précisément pour cette raison que nous devons changer de cap! En Suisse, elle a des effets économiques tels que des revenus élevés et un faible taux de chômage. Renoncer à la mobilité n'est donc pas une option. C'est pourquoi la mobilité doit impérativement devenir plus écologique. Un quart des émissions de CO2 provient des transports. Aujourd'hui, grâce aux nouvelles technologies, l'opportunité d'un tournant en matière de mobilité se présente. Utilisons cette intelligence au lieu de construire toujours plus d'infrastructures.

Aurons-nous encore le droit de pénétrer dans des villes comme Bâle, Berne ou Zurich dans dix ans?
Le changement climatique n'épargne pas la Suisse. Nous avons besoin de plus de surfaces vertes plutôt que de parkings. Si la Suisse n'est pas un modèle en matière de protection du climat, qui le sera?

(Adaptation par Mathilde Jaccard)

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