Les CEO de Rolex et la direction de Pictet à bord
L'attractivité économique de Genève dans les mains d'une fondation privée

Une énigmatique et privée «Fondation pour l'attractivité de Genève» est née le 1er avril, a appris Blick. Pourquoi? Quels sont ses buts? N'est-ce pas le job de l'Etat? Voici ce que nous savons.
Publié: 12.07.2022 à 06:05 heures
|
Dernière mise à jour: 12.07.2022 à 07:11 heures
L’Etat ne fait-il pas correctement son travail de promotion de la place économique genevoise, pour que ses cadors sortent ainsi du bois? (Image d'illustration)
Photo: Keystone
Blick_Daniella_Gorbunova.png
Daniella GorbunovaJournaliste Blick

La nouvelle est passée totalement inaperçue. Et pourtant, elle aurait dû faire grand bruit. Le 1er avril dernier, une mystérieuse fondation a fait son apparition dans les colonnes de la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (FAO), qui relaie fidèlement depuis bientôt trois siècles tous les actes des autorités genevoises, ainsi que les avis administratifs et judiciaires. Une publication un peu raide, mais toujours instructive.

Pourquoi grand bruit? Tout d’abord, parce que la tâche que s’est assignée cette fondation privée a de quoi faire lever les sourcils: défendre l’attractivité de Genève. Une mission que relèvent déjà plusieurs organismes et qui est également du ressort de Fabienne Fischer, conseillère d’Etat en charge de l’économie, et de ses collègues.

Ensuite, parce que le casting de cette fondation – c’est-à-dire ses membres – rassemble rien de moins que la Champions League de l’économie genevoise. Gilbert Ghostine, patron de Firmenich, Alexa Aponte, fille du fondateur de MSC et CFO de cette dernière, Renaud de Planta, senior partner de Pictet, Jean-Frédéric Dufour, CEO de Rolex ou encore Carole Hübscher, directrice de Caran d’Ache. Du beau monde.

Est-ce à dire que l’Etat ne fait pas correctement son travail de promotion de la place économique genevoise, pour que ses cadors sortent ainsi du bois? Les associations existantes ne sont-elles pas suffisantes? Et surtout, que va faire concrètement cette toute nouvelle fondation? Son directeur, l’avocat Arnaud Bürgin, anciennement employé par la Fédération des entreprises romandes (FER) n’est pas très loquace. Il renvoie à la conférence de presse qui sera organisée au mois de septembre prochain. Et promet de dévoiler les objectifs précis de l’organisation.

Et le Département de l’économie, dans tout ça?

Pour les détails, on se satisfera donc pour l’instant de ce qui figure au sommaire du Registre du commerce. On y apprend que l’organisation, à but non lucratif, désire «renforcer et promouvoir l’attractivité de Genève et sa qualité de vie […], plus particulièrement dans les domaines de la durabilité, des finances publiques, de la fiscalité, de l’emploi, de la formation et des infrastructures (mobilité, logement, etc.).»

Au sein de cet ambitieux programme, un mot résonne tout particulièrement: la fiscalité. Ça n’est un secret pour personne: la confiance des milieux économiques genevois dans le gouvernement à majorité de gauche est limitée. Et ça n’est pas la récente annonce du soutien à l’initiative de la gauche et des syndicats qui ambitionnent de faire passer le taux maximum d’impôt sur la fortune de 1 à 1,5% pour les fortunes de 3 millions de francs qui restaurera la confiance, même si le Conseil d’Etat entend lui opposer un contre-projet.

L’Etat, justement. Comment prend-il la naissance de cette fondation? En avait-il seulement connaissance? La question est d’autant plus légitime que Fabienne Fischer, la cheffe du département de l’économie, n’est pas réputée pour être proche des milieux qu’elle est censée défendre. En témoignait la séquence de radio gênante pendant laquelle la conseillère d’Etat apprenait en direct la fusion entre Firmenich (un des membres) et DSM, un grand groupe néerlandais.

Contactée, la porte-parole de Fabienne Fischer se veut rassurante. Esther Mamarbachi nous assure que sa patronne était au courant de la création de la «Fondation pour l’attractivité du canton de Genève», et qu’elle s’en réjouit. «C’est une chance pour Genève d’avoir des entrepreneuses et entrepreneurs engagés pour notre canton, et nous nous réjouissons de collaborer avec eux, affirme l’élue par le biais de sa porte-parole. […] Les synergies entre le privé et le public me semblent essentielles.» Fabienne Fischer a-t-elle déjà rencontré la direction de la Fondation? Pas encore.

Une Genève à (re) valoriser?

Quid des organisations déjà existantes? Ne sont-elles pas finalement celles qui subissent le plus cinglant désaveu? La section genevoise de la Fédération des entreprises romandes (FER) nous affirme avoir été mise au courant de la naissance de cette Fondation «peu avant l’adoption des statuts», et se réjouit de l’arrivée d’un projet qu’elle juge «complémentaire» à sa mission.

La Chambre de commerce de Genève (CCIG) a également été mise au courant en amont, et voit en la jeune association tout sauf de la concurrence, comme nous le confie son directeur général, Vincent Subilia: «Nous nous réjouissons qu’un nouvel organisme plaide cette cause (ndlr: l’attractivité économique et financière de Genève), laquelle n’est pas suffisamment valorisée par certains politiques, et qui implique que chacun se mobilise face aux défis majeurs (notamment fiscaux) à relever […]».

Quels sont plus précisément ces défis? En quoi la Fondation pour l’attractivité de Genève peut-elle aider à les relever? Pourquoi personne ne semble l’avoir fait jusqu’ici? Réponse à la rentrée.

Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la