Il demande le rapatriement d'urgence d'un garçon
Indigné par les renvois d'enfants malades en Croatie, Thomas Wiesel a écrit aux autorités suisses

Relayant l'appel d'une association, l'humoriste a envoyé un courriel au Secrétaire d'Etat aux Migrations pour demander le rapatriement d'urgence de Gildas, cet enfant qui ne peut pas être soigné à Zagreb. Il exhorte la Suisse à respecter les traités qu'elle a signés.
Publié: 20.03.2025 à 01:09 heures
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Dernière mise à jour: 21.03.2025 à 01:10 heures
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L'humoriste Thomas Wiesel a écrit une lettre aux autorités demandant le rapatriement du jeune Gildas.
Photo: keystone-sda.ch
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Camille KrafftJournaliste Blick

Quand même les humoristes n'ont pas envie de rire, cela signifie que c'est grave. Les renvois d'enfant malades par la Suisse vers la Croatie dans le cadre du règlement Dublin, que Blick a documentés ces dernières semaines, ont fait réagir Thomas Wiesel. Le stand-upper a même envoyé un courriel au Secrétaire d'Etat aux Migrations, Vincenzo Mascioli, pour lui signifier son «indignation» face à cette pratique qui «met en danger la santé des enfants concernés».

Thomas Wiesel relayait un appel lancé par l'association romande Solidarité sans frontières au sujet de Gildas, ce garçon de 10 ans souffrant d'une maladie génétique que les spécialistes croates ont confirmé récemment leur impuissance à traiter. Le jeune requérant d'asile avait été expulsé par vol spécial depuis Saint-Gall vers Zagreb avec sa famille en novembre, alors même que les crises récentes en cas de drépanocytose, la maladie dont il souffre, sont une contre-indication aux renvois sous contrainte par voie aérienne.

Courrier personnel adressé aux autorités

Le garçon se trouve actuellement à Zagreb dans un état de santé critique et ses soutiens tentent de mettre la pression sur le Secrétariat d'Etat aux Migrations (SEM). Solidarité sans frontière a ainsi appelé toute personne se sentant concernée par la situation de Gildas à écrire à Vincenzo Mascioli pour demander le rapatriement d'urgence du garçon. L'association proposait un courriel type, que l'humoriste a personnalisé, pour une fois sans ajouter de blagues. 

«
Sur cette question de la migration, on voit souvent des statistiques, des coups politiques, des positions fermes pour satisfaire un électorat, dire qu'on lutte contre l'insécurité, etc. Or, il y a des vies humaines derrière tout cela, des vraies histoires, des tragédies
Thomas Wiesel, humoriste
»

Dans son e-mail, Thomas Wiesel évoque notamment les traités signés par la Suisse, comme la Convention relative aux droits de l'enfant. Il demande aux autorités de respecter ces traités et «d'agir sans délai pour garantir la sécurité et la dignité de celles et ceux qui cherchent protection.» L'humoriste écrit encore: «Le cas de Gildas et sa famille m'apparaît particulièrement urgent et tragique. Chaque heure de retard met la vie de cet enfant en péril.»

Des vies humaines sont en jeu

Contacté, il nous explique pourquoi il a été touché par cette problématique «cruciale»: «Sur cette question de la migration on voit souvent des statistiques, des coups politiques, des positions fermes pour satisfaire un électorat, dire qu'on lutte contre l'insécurité, etc. Or, il y a des vies humaines derrière tout cela, des vraies histoires, des tragédies. Les lois qui passent à Berne ont des vrais impacts. Ce ne sont pas juste des débats de politique politicienne, mais il y a des vies qui sont mises en danger.»

Thomas Wiesel souligne que les cas de renvois d'enfants malades vers la Croatie détaillés par Blick ont lieu «proche de chez nous. On s'indigne assez facilement de ce qui se passe aux États-Unis. Je trouve que parfois, il faut aussi ouvrir les yeux sur ce qui arrive ici. Les enquêtes de journalisme local et d'investigation sont cruciales en ce sens.»

La Suisse n'a pas l'obligation d'exécuter les renvois «Dublin»

La famille a été expulsée vers la Croatie sur la base du règlement Dublin, entré en vigueur en 2008 pour la Suisse. Selon ce système, un demandeur d'asile doit être transféré dans le premier pays européen où les autorités ont pris ses empreintes digitales, qui est responsable de sa demande de protection. Les Balkans étant situés sur la route de l’exil, ce pays est bien souvent la Croatie. Selon de nombreuses ONG, la république balkanique se rend pourtant régulièrement coupable de violations des droits des réfugiés. Depuis 2022, ces organisations dénoncent donc les renvois à travers la campagne «stop Dublin Croatie».

L’an dernier, la Suisse a renvoyé au moins 325 personnes vers cet Etat de l’ex-Yougoslavie, contre 206 seulement en 2023, et dix fois moins les années précédentes en chiffres absolus. Membre de l’Union européenne depuis 2013, la Croatie a rejoint l’espace Schengen en 2023. 

Les renvois vers Zagreb se font essentiellement par charter depuis Zurich, et sous escorte policière - une exigence de la compagnie aérienne, selon un rapport du Comité national de prévention contre la torture datant de juillet 2024. 

Les renvois vers la Croatie sont critiqués notamment au niveau de l'accès aux soins des personnes migrantes, alors que le pays fait face à de nombreux défis concernant son système de santé. L'association Médecins du Monde (MdM), active dans les centres pour requérants d'asile en Croatie, estime ainsi que «la Suisse porte une responsabilité dans l’aggravation de l’état de santé des personnes en appliquant ces renvois vers un Etat qui ne dispose manifestement pas des ressources nécessaires pour un accueil digne.»

MdM précise également que «les dossiers médicaux des Dublinés avec problèmes de santé sont le plus souvent incomplets ou très sommaires (quelques lignes sur le diagnostic et la thérapie). Cela vaut pour la Suisse mais aussi globalement pour l’ensemble des pays qui renvoient des Dublinés vers la Croatie. Ce qui nous oblige à recommencer dès le début certains examens médicaux et donc complique/retarde la continuité du traitement pour certaines personnes.»

Le règlement Dublin inclut une clause de discrétionnaire ou de souveraineté, qui permet à un État de renoncer au transfert d'une requérante ou d'un requérant d'asile vers le pays responsable et de traiter lui-même une demande, notamment pour des motifs humanitaires et de compassion. 



La famille a été expulsée vers la Croatie sur la base du règlement Dublin, entré en vigueur en 2008 pour la Suisse. Selon ce système, un demandeur d'asile doit être transféré dans le premier pays européen où les autorités ont pris ses empreintes digitales, qui est responsable de sa demande de protection. Les Balkans étant situés sur la route de l’exil, ce pays est bien souvent la Croatie. Selon de nombreuses ONG, la république balkanique se rend pourtant régulièrement coupable de violations des droits des réfugiés. Depuis 2022, ces organisations dénoncent donc les renvois à travers la campagne «stop Dublin Croatie».

L’an dernier, la Suisse a renvoyé au moins 325 personnes vers cet Etat de l’ex-Yougoslavie, contre 206 seulement en 2023, et dix fois moins les années précédentes en chiffres absolus. Membre de l’Union européenne depuis 2013, la Croatie a rejoint l’espace Schengen en 2023. 

Les renvois vers Zagreb se font essentiellement par charter depuis Zurich, et sous escorte policière - une exigence de la compagnie aérienne, selon un rapport du Comité national de prévention contre la torture datant de juillet 2024. 

Les renvois vers la Croatie sont critiqués notamment au niveau de l'accès aux soins des personnes migrantes, alors que le pays fait face à de nombreux défis concernant son système de santé. L'association Médecins du Monde (MdM), active dans les centres pour requérants d'asile en Croatie, estime ainsi que «la Suisse porte une responsabilité dans l’aggravation de l’état de santé des personnes en appliquant ces renvois vers un Etat qui ne dispose manifestement pas des ressources nécessaires pour un accueil digne.»

MdM précise également que «les dossiers médicaux des Dublinés avec problèmes de santé sont le plus souvent incomplets ou très sommaires (quelques lignes sur le diagnostic et la thérapie). Cela vaut pour la Suisse mais aussi globalement pour l’ensemble des pays qui renvoient des Dublinés vers la Croatie. Ce qui nous oblige à recommencer dès le début certains examens médicaux et donc complique/retarde la continuité du traitement pour certaines personnes.»

Le règlement Dublin inclut une clause de discrétionnaire ou de souveraineté, qui permet à un État de renoncer au transfert d'une requérante ou d'un requérant d'asile vers le pays responsable et de traiter lui-même une demande, notamment pour des motifs humanitaires et de compassion. 



A la suite de sa publication sur les réseaux sociaux, Thomas Wiesel explique avoir reçu des retours montrant que «beaucoup de gens qui ignoraient cette réalité des renvois ont aussi été touchés.» Un autre humoriste romand, Lord Betterave, a également partagé l'appel à rapatrier Gildas. Thomas Wiesel espère que «cela permettra de mettre un peu de lumière et de pression politique» sur cette problématique.

*Nom connu de la rédaction

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