Thierry Burkart, président du PLR
«Nous ne nous couchons pas avec l'UDC!»

En vue des élections fédérales en octobre, le président du PLR Thierry Burkart doit réaliser un numéro d'équilibriste: il doit coopérer avec l'UDC tout en se démarquant. Cela valait bien une «petite» interview pour Blick.
Publié: 24.08.2023 à 20:03 heures
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Pour Thierry Burkart, le sauvetage de Credit Suisse sous la direction de sa conseillère fédérale Karin Keller-Sutter était la seule bonne décision à prendre.
Photo: keystone-sda.ch
Stefan Barmettler

Après l'annonce de la reprise de Credit Suisse par UBS, vous avez été le premier homme politique à exiger une séparation entre les deux entités. Toujours de cet avis?
Oui, cela aurait été une mesure judicieuse qui aurait permis premièrement de sauver des emplois, deuxièmement d'avoir une banque avec un réseau international dans l'intérêt des PME, et troisièmement de réduire la responsabilité de l'Etat. L'UBS m'a fait part que cette scission était l'une des options qu'elle étudiait. Nous verrons bientôt quelle sera sa décision. Toutefois, cette étape aurait dû être franchie plus rapidement. Plus on attend, plus la mise en œuvre sera difficile.

L'UBS a renoncé à la garantie de l'Etat, il y a quelques jours. Est-ce un bon pas selon vous?
C'est une très bonne et importante étape, pour l'UBS comme pour la Confédération. Cela montre que cette opération de sauvetage a été un succès. Cela montre aussi que la ministre des Finances Karin Keller-Sutter a fait un excellent travail de direction. Et l'UBS a tout fait pour que la Confédération soit libérée de cette responsabilité. C'est un point positif.

Cette décision permet même à la Confédération de gagner un demi-milliard de francs…
Ce n'est pas la priorité, mais il va de soi qu'une garantie doit être indemnisée. J'espère que la population se rendra compte que c'est notre ministre des Finances et notre parti qui ont pris leurs responsabilités. Alors que d'autres ont rejeté les décisions correspondantes au Conseil national, notamment l'UDC, le PS et les Vert-e-s. Ils ont ainsi montré que leur position relevait d'une politique partisane dédaigneuse et qu'elle ne mettait pas en avant les intérêts de notre pays.

Ne pensez-vous pas que les obstacles pour les décideurs sont souvent nombreux, comme dans le cas du grounding de Swissair par exemple?
Je ne suis pas juge. Les obstacles sont effectivement élevés, mais je suis néanmoins d'avis que les gens doivent rendre des comptes s'ils ont commis des erreurs. Notre économie de marché est basée sur la liberté d'entreprendre, sur le droit de gagner de l'argent, mais en contrepartie, il faut aussi assumer ses responsabilités. Il s'agit de faire en sorte que la population ait confiance dans le système de l'économie de marché. Si elle perd cette confiance, c'est toute l'économie qui en pâtit.

Vous observez un manque de confiance?
Bien sûr que oui. Je ressens beaucoup de colère, d'incompréhension et d'incertitude au sein de la population. Je peux le comprendre.

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«En tant que conseiller aux Etats, je suis proche de la population, donc pas seulement du PLR»
Thierry Burkart, président du PLR
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Où pouvez-vous constater cela? Au sein de votre parti?
En tant que conseiller aux Etats, je suis proche de la population, donc pas seulement du PLR. Ulrich Bremi (ndlr: un politicien PLR zurichois, président du Conseil national en 1990-91 et décédé en 2021) a dit un jour: en tant que politicien, il faut écouter de manière agressive et parler avec douceur, mais la plupart parlent de manière agressive et écoutent à peine. J'essaie de suivre cet exemple. 

En cette année électorale, le Centre vous talonne. Selon un sondage, il est juste derrière le PLR…
Nous sommes devant Le Centre, et il n'y a pas eu de sondage ces dernières années où il nous a dépassés. Je rappelle que l'année dernière, nous avons progressé dans tous les sondages et que nous avons également progressé lors des élections cantonales.

La faillite de Credit Suisse au printemps 2023 a-t-elle soufflé un vent froid sur votre parti?
Nous avons progressé jusqu'à l'incident de Credit Suisse. Celui-ci est maintenant derrière nous et le pays n'est pas responsable. Je suis convaincu que nous allons désormais reprendre de la vitesse.

Depuis des années, les libéraux-radicaux ne parviennent pas à mettre le PS par terre. La bureaucratie fait rage, la productivité stagne, la présence de l'Etat augmente, la marge de manœuvre entrepreneuriale diminue... sont-ce là autant de raisons qui expliquent vos difficultés?
C'est justement pour ces raisons qu'il faut plus de radicaux, afin de renforcer ces positions. Les Vert-e-s et la gauche font tout pour nuire à notre modèle de réussite, et l'UDC torpille le pays en matière d'intégration internationale. Pourtant, nous devons une grande partie de notre prospérité à l'interconnexion économique. De plus, rien que sur une question de principe, la volonté de compromis et de collaboration a énormément diminué. Si, dans un système multipartite, les partis n'ont plus la volonté de dépasser leur ombre, mais placent le programme du parti au-dessus de tout, cela nuit à notre pays. Nous l'avons vu avec le cas de Credit Suisse, lorsque la majorité a rejeté le crédit d'urgence pour la banque.

L'UDC est votre partenaire pour les élections de cet automne, comment cela est-il possible?
L'UDC est tantôt un partenaire, tantôt non… Il y a des thèmes, comme la politique financière et fiscale, où nous travaillons bien ensemble. Il y en a d'autres, par exemple la réexportation d'armes ou la coopération européenne, sur lesquels nous sommes en désaccord. Ni le PLR ni l'UDC ne veulent adhérer à l'UE, mais nous voulons des relations ordonnées avec elle alors que l'UDC veut une rupture avec ses principaux partenaires commerciaux.

Aspirez-vous à des listes communes avec ce parti?
Non. Les listes communes sont l'affaire des partis cantonaux, je m'y tiens. Et dans notre système électoral, le parti qui ne s'associe pas à une liste est a priori désavantagé.

Vous êtes censés faire le lit de l'UDC, mais le parti vous taquine constamment...
Nous ne nous couchons pas avec l'UDC! Nous continuons à défendre les positions du PLR, qui diffèrent fortement de celles de l'UDC sur certaines questions. Ce n'est pas inhabituel. Les Vert'libéraux, par exemple, concluent de nombreux accords de listes avec les Vert-e-s, le PS et la Jeunesse socialiste, alors qu'ils sont un parti dit libéral. Plaider pour la semaine de trente heures avec la Juso, qui veut abolir l'économie de marché, est bien plus contradictoire que de s'associer ici et là avec l'UDC.

Mais c'est tout de même étrange de voir l'UDC s'attaquer à vous dans ces circonstances, non? La «Weltwoche» vous qualifie de partisan de l'OTAN, d'adepte du repli sur soi…
Oui, et récemment la «Weltwoche» a écrit que j'étais le plus à gauche de tous les présidents du PLR. D'autres médias disent que le PLR n'a jamais été aussi à droite qu'avec moi. Vous savez, il y a tellement de bavardages de politiques de parti… Mais il est vrai que cela crée des tensions au sein de notre base lorsque nous sommes attaqués de manière grossière par l'UDC. Celle-ci doit sérieusement se demander si cela lui rend service. 

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«Maximiser l'effet de la politique partisane n'est pas mon objectif»
Thierry Burkart, président du PLR
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Après des mois de débats, la Suisse n'a pas pu se résoudre à livrer des armes aux nations qui approvisionnent l'Ukraine en armes. Qu'en pensez-vous?
Le fait que nous ne fournissions pas directement des armes est induit par notre droit à la neutralité. Mais que nous empêchions d'autres nations de transmettre des armes ou des munitions qu'ils ont achetées en Suisse il y a des décennies selon des décisions qui leur sont propres, suscite une grande incompréhension. Cela n'a rien à voir avec la neutralité. 

Cela va-t-il mettre en péril l'industrie suisse de l'armement? Qui veut encore acheter des armes et des munitions chez nous s'il ne peut pas les revendre au sein de l'OTAN ou de l'UE?
Si nous ne changeons pas nos règles, c'est la fin. Si nos interlocuteurs savent pertinemment qu'ils ne peuvent pas revendre ou utiliser des armes et des munitions provenant de Suisse, plus personne n'achètera chez nous. Le parlement néerlandais, par exemple, a déjà obligé le gouvernement à ne plus acheter en Suisse. Cela nuit à l'industrie suisse de l'armement, à notre propre capacité de défense et à la place industrielle suisse, car nous ne pouvons plus conserver le savoir-faire dans le pays. C'est aussi la fin de notre neutralité armée. 

L'entreprise d'armement Ruag peut-elle encore survivre ainsi dans ces conditions?
L'entreprise ne peut pas survivre sans exportations et sans affaires internationales, puisque nous avons la loi sur l'exportation de matériel de guerre la plus stricte.

L'étranger fait pression sur la place financière suisse. Le pays serait trop laxiste avec les sanctions contre la Russie... êtes-vous de cet avis?
Le 24 février 2022, j'ai été l'un des premiers à demander que la Suisse s'aligne sur les sanctions occidentales. Le 27 février, la Confédération a décidé de s'aligner sur les sanctions de l'UE. J'ai l'impression que l'on fait beaucoup pour respecter et faire respecter les sanctions. Une grande partie des critiques émises à l'étranger sont à mon avis des polémiques de fortune. 

En politique intérieure, l'initiative de l'UDC contre une Suisse à 10 millions semble plus croustillante qu'une initiative sur les retraites des Jeunes PLR, qui veulent augmenter l'âge de la retraite à 66 ans en le liant à l'espérance de vie... constatez-vous la même chose?
Nous verrons bien. Là encore, la question se pose: voulons-nous faire de la politique purement partisane, sans tenir compte des pertes pour notre pays, ou apporter des propositions constructives? Maximiser l'effet de la politique partisane n'est pas mon objectif. Je préfère préserver la prospérité de la Suisse.

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