Soignants sur les non-vaccinés
«Ils changent d'avis lorsqu'ils suffoquent»

Quatre spécialistes en soins intensifs témoignent de leurs expériences avec les patients non vaccinés. Entre ceux qui nient la réalité et ceux qui estiment que tout leur est dû, en passant par la souffrance des familles, il leur faut beaucoup de tact.
Publié: 09.12.2021 à 06:03 heures
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Dernière mise à jour: 09.12.2021 à 08:16 heures
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L'augmentation du nombre de cas Covid pousse les hôpitaux suisses à la limite de leurs capacités, en particulier les unités de soins intensifs.
Photo: Keystone
Jana Giger

Ils travaillent à plein régime pour sauver des vies. De jour comme de nuit. Les infirmières et infirmiers en soins intensifs sont actuellement mis à rude épreuve: le nombre de lits disponibles dans leurs unités a diminué alors que les cas Covid augmentent. Parmi ces soignants, Miodrag Filipovic, responsable de la médecine intensive à l'Hôpital cantonal de Saint-Gall. Le médecin témoigne auprès du quotidien zurichois «Tages-Anzeiger», alors que son service est fortement sollicité depuis la semaine dernière.

Son constat est sans appel: «90% des patients Covid ne sont pas vaccinés. Ils ont en moyenne 55 ans, dans la fleur de l'âge.» Et ils ont des exigences élevées pour eux-mêmes et leurs proches: «Ils nous réclament des thérapies dont ils ont entendu parler dans les journaux, ou veulent prendre un vermifuge, ce qui est parfaitement inutile», poursuit Miodrag Filipovic. «Beaucoup réclament l'utilisation de machines de pointe comme des respirateurs, même quand cela n'est pas indiqué.» Le nombre d'appareils disponibles en Suisse est par ailleurs très limité, précise-t-il. «Cette posture exigeante m'inquiète. J'y vois un individualisme et un égoïsme exacerbé. Nous avons pourtant besoin de solidarité à l'heure actuelle.»

«Beaucoup de non-vaccinés pensent qu'il ne leur arrivera rien»

D'autres patients non vaccinés refusent de reconnaître la gravité de leur situation. Herbert Leuthold est infirmier en soins intensifs dans le même établissement. Il confie à nos confrères zurichois: «Beaucoup de personnes non vaccinées sont persuadées qu'il ne leur arrivera rien. Elles se retrouvent dans un lit de soins intensifs et continuent de dire: 'Tout va bien, tout va bien'. Mais toi, tu sais très bien qu'elles ne vont pas bien». La moitié d'entre elles sera intubée. Tôt ou tard. Certaines mourront. «Nous nous sentons complètement impuissants dans ces situations.»

L'augmentation des hospitalisés dans son service inquiètent l'infirmier. «La qualité, le soin, la concentration: tout en prend un coup quand il y a trop de patients. Tu n'y arrives plus.» A cela s'ajoute la peur de faire des erreurs que l'on ne pourra pas se pardonner. «Lorsque nous nous trouvons devant une personne décédée, nous ne levons pas les épaules en disant: 'Bon, on aura essayé'. Nous ne fonctionnons pas ainsi.»

Un patient se réjouissait d'être infecté

La situation est similaire à l'Hôpital de Thoune. Selon Antje Heise, responsable de l'unité de soins intensifs, certaines personnes non vaccinées sont dans le déni. «Il y a des patients qui, juste avant d'être intubés, se montrent heureux d'avoir été infectés: parce que cela leur permettra d'obtenir un certificat même s'ils ne sont pas vaccinés.» Ils sont nombreux à réclamer des attentions toutes particulières: «Certains exigent d'être transférés immédiatement dans un hôpital plus grand, même si ce n'est pas nécessaire», glisse Antje Heise. Les patients non vaccinés qui refusent les soins intensifs ou la ventilation artificielle sont rares: «Ils changent d'avis lorsqu'ils commencent à suffoquer et à craindre la mort».

Des mères et des pères de famille décèdent

Sa collègue de travail, Bettina Bergmann, est affectée par les drames familiaux qui se déroulent sous ses yeux. «Il arrive que les deux grands-parents meurent en l'espace de quelques jours à cause du Covid-19. Des personnes âgées qui s'en sortaient encore bien et qui étaient actives.» Elle a également vu des pères et des mères de famille plus jeunes décéder. «C'est triste de devoir assister à cela.»

Il y a quelques jours, son équipe a été confrontée à une situation d'urgence en fin de journée. A ce moment-là, un patient non-Covid fait une chute de tension aiguë et massive. «C'était une question de secondes, de vie ou de mort», martèle-t-elle. Dans le même temps, le respirateur d'un autre patient des soins intensifs donne l'alerte. «En temps normal, les deux soignants restant le soir auraient pu faire face, mais ils étaient complètement absorbés dans la salle réservée aux cas Covid. Ce sont cette impuissance, cette impression de ne plus pouvoir faire face à tout, qui sont si difficiles à vivre.»

(Adaptation par Jocelyn Daloz)

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