Les lits en soins intensifs manquent. Quel que soit le service de soins intensifs suisse vers lequel le regard se tourne actuellement, le spectacle est sans appel: les lits disponibles se remplissent de plus en plus. D'aucuns ne comprennent pas pourquoi il y a moins de lits disponibles que durant les précédentes vagues: la Suisse comptait 1100 lits de soins intensifs il y a un an, contre à peine 860 aujourd'hui. Les sceptiques des mesures et complotistes en tout genre profitent de cette statistique pour flairer toute sortes de complots.
La raison est pourtant désespérément simple: le nombre de lits de soins intensifs disponibles n'est pas tributaire du matériel disponible, mais du personnel spécialisé. Un lit seul, sans infirmières et aides-soignants formés, ne sauve personne.
Aucun lit de soins intensifs certifié n'a été supprimé. L'année dernière, les hôpitaux se sont mobilisés en un dispositif extraordinaire – et donc forcément temporaire: «il y a un an, on a demandé aux hôpitaux de fonctionner au maximum de ce qu'ils pouvaient absolument supporter. Mais il s'agissait alors de médecine de guerre», explique un porte-parole de l'hôpital universitaire de Bâle. Cela impliquait une réduction significative de la clé de répartition des soins (c'est à dire, une réduction du personnel pour chaque patient). Seuls les hôpitaux qui ont accepté de telles mesures ont pu augmenter le nombre de places en soins intensifs.
Le talon d'Achille du système de santé
Le nombre de 860 lits de soins intensifs est le talon d'Achille du système de santé le plus cher du monde après les États-Unis. Le personnel est dès lors extrêmement sollicité. Les deux dernières années ont vu la situation s'aggraver de manière significative. Un porte-parole de l'hôpital cantonal de Saint-Gall l'explique ainsi: «les collaborateurs des unités de soins intensifs sont sollicités physiquement et émotionnellement depuis près de deux ans déjà. C'est pourquoi il y a de plus en plus de départs».
Car c'est l'autre différence avec l'année dernière. La Société suisse de médecine intensive estime qu'environ 10 à 15% des infirmiers et infirmières des soins intensifs ont démissionné depuis le début de la pandémie, ce qui aggrave encore la charge de travail de ceux qui tiennent bon. Le recrutement est devenu plus difficile.
La difficile mission de former du nouveau personnel
Il est pratiquement impossible de recruter des personnes formées sur le marché suisse et européen actuellement. L'augmentation des lits ne se fera donc qu'avec un certain retard: la spécialisation du personnel soignant pour les soins intensifs dure vingt-quatre mois. Encore faut-il trouver des gens prêts à se former: l'intérêt est faible, comme nous l'explique l'Inselspital de Berne: «nous ne demandons pas mieux que de pourvoir toutes les places, mais cela ne dépend pas exclusivement de nous, cela dépend des candidatures reçues. Il n'y a pas tant de personnes intéressées«.
En d'autres termes: personne ne veut s'imposer un tel poste dans la situation actuelle. Il ne reste donc aux hôpitaux qu'à redéployer leur personnel. L'hôpital universitaire de Genève a même réussi de cette manière à passer de 30 à 50 lits de soins intensifs, surtout en vidant son service d'anesthésie de son personnel.
«Bien sûr, nous pourrions aussi exploiter davantage de lits en réduisant l'activité chirurgicale et en transférant le personnel d'anesthésie vers les soins intensifs«, écrit l'hôpital universitaire de Bâle. Mais ce ce ne pourra être qu'une mesure transitoire. Le problème à long terme, on s'en doute, reste entier.