Le Conseil fédéral n’exclut pas que les cantons atteignent les limites de leurs capacités, selon le communiqué publié mardi. Comme il l’avait déjà fait au printemps et à l’automne 2020, le gouvernement a donc décidé de soutenir le système de santé par un troisième service d’appui.
La situation dans les hôpitaux est très «volatile» et s'est «dégradée», a déclaré Rudolf Hauri, président de l'Association des médecins cantonaux de Suisse. Les disparités régionales sont importantes: si le nombre de patients dans les soins intensifs de la Suisse orientale tournent autour des 75%, les services de l'arc lémanique sont occupés à 97%.
Il s'agit du taux le plus élevé au niveau national, a indiqué Andreas Stettbacher, délégué du Conseil fédéral pour le Service sanitaire coordonné (SSC). Deux patient sur cinq sont des patients Covid. Une réduction de la qualité des traitements «n'est plus très loin», de même que le triage des patients, prévient Rudolf Hauri.
Trois cantons romands ont déjà demandé de l'aide
Face à cette situation, l'armée pourra donc être déployée. Elle n'interviendra toutefois que lorsque tous les moyens civils auront été épuisés, a précisé le Département de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS). L'engagement sera limité au 31 mars 2022. Comme il durera plus de trois semaines, il doit encore être approuvé par le Parlement: le message à ce sujet sera adressé aux Chambres.
Jusqu'à présent, trois cantons - le Jura, Neuchâtel et le Valais - ont demandé l'aide de l'armée au cours des derniers jours, comme l'a confirmé un porte-parole de l'armée à l'agence Keystone-ATS.
Les cantons qui demandent de l'aide doivent démontrer qu'ils ont déployé tous les autres moyens et instruments à disposition, comme la protection civile, le service civil, les pompiers ou le secteur privé. Ils doivent en outre prouver qu’aucun personnel supplémentaire ne peut être recruté sur le marché du travail et qu’ils ont épuisé toutes les possibilités de recourir aux chômeurs, étudiants en médecine, samaritains et bénévoles.
Pour obtenir l'appui de l'armée, les cantons doivent en outre démontrer que d'autres hôpitaux ne peuvent pas prendre en charge des patients et que les interventions non urgentes ont été reportées pour libérer des capacités, précise le communiqué.
Des militaires en cours de répétition
Les militaires pourront être affectés aux soins de base et aux traitements dans les hôpitaux ainsi qu'à la vaccination, sous la responsabilité médicale cantonale et sous conduite civile. Ils auront aussi à aider au transport de patients contaminés, en fournissant des véhicules adaptés avec conducteurs. Enfin, ils apporteront un renfort aux unités de soins intensifs.
Ces prestations seront fournies en premier lieu par des militaires en cours de répétition, par des volontaires avec une formation sanitaire et par des troupes sanitaires en service long. Une convocation supplémentaire n'est pas à l'ordre du jour.
Les demandes des cantons seront examinées et traitées par l'Office fédéral de la santé publique (OFSP). L'Etat-major fédéral Protection de la population (EMFP) vérifie quant à lui, avec la Conférence des directrices et directeurs cantonaux de la santé, si la condition de subsidiarité est remplie et répond aux demandes des cantons.
Les non-vaccinés et les personnes âgées occupent les lits
Deux groupes de patients doivent actuellement être soignés. D'une part, les personnes non vaccinées âgées de 40 à 70 ans, qui ne sont pas vaccinées malgré des facteurs de risque. D'autre part, les personnes entre 70 et 90 ans qui souffrent de nombreuses maladies et qui n'ont pas encore reçu la troisième dose de vaccin. Ce deuxième groupe est plus important. D'où l'importance de faire une dose de rappel le plus rapidement possible, selon Urs Karrer, président de la Task force scientifique pour le coronavirus.
Le seuil des 400 victimes du coronavirus soignées aux soins intensifs pourrait ainsi être dépassé à la mi-décembre. Il y a un risque que le système de santé et que le personnel travaillant dans les établissements de santé s'épuisent après la mi-décembre, poursuit le scientifique.
Cette tendance peut être inversée, souligne Urs Karrer. L'Autriche et l'Allemagne, qui connaissent un taux de vaccination similaire à celui de la Suisse, y sont parvenues avec une forte diminution du nombre de contacts.
Une mobilisation de l'armée pourrait commencer cette semaine
Une mobilisation de l'armée en soutien aux hôpitaux et aux cantons pourrait débuter dès cette semaine. Les experts de la Confédération estiment que cet engagement ne vient pas trop tard.
L'armée est prête à être engagée là où c'est nécessaire, dans le respect du principe de subsidiarité, a affirmé mardi Raynald Droz, chef d'état-major du commandement des Opérations, lors du point de presse des experts de la Confédération. Si le Parlement l'approuve, il compte sur une mise en oeuvre dès cette semaine.