Alimuddin Usmani, ce nom vous dit quelque chose? Le journaliste indépendant, qui signe ce 19 mars un article intitulé «Les étudiants 'non-racisés' de l’UNIL et de l’EPFL exclus d’un atelier contre le racisme» dans les colonnes de «Lausanne Cités», a une petite notoriété sur les bords du Léman. Essentiellement pour sa proximité avec des personnalités sulfureuses, telles que l’humoriste français multicondamné Dieudonné et son compatriote Alain Soral, polémiste d’extrême droite domicilié dans le quartier de la synagogue à Lausanne, lui aussi bien connu des tribunaux.
En avril 2015, Alimuddin Usmani transpirait pour le site lapravda.ch (depuis inactif), aux côtés d'un ex-trublion retourné dans l'anonymat qui était encore secrétaire de l’Union démocratique du centre (UDC) de Genève au moment des faits. Pour mémoire, ce dernier avait été exclu de la section jeune de son parti après avoir notamment posé torse nu, une arme de guerre à la main.
La plateforme, dont le nom était un clin d’œil à la publication officielle du Parti communiste à l’époque de l’Union soviétique, se présentait comme une «alternative aux médias institutionnels». «Les éditeurs du site font intervenir des personnalités notoirement antisémites ou négationnistes, tout en prenant soin de ne publier aucun propos passible de sanctions», soulignait alors «Le Temps», dans son article titré «La droite pamphlétaire étend sa toile en Suisse».
Propager les thèses de Soral
C’est donc sans réelle surprise que, toujours en 2015, Alimuddin Usmani passait d’intervieweur à interviewé sur Égalité et Réconciliation, le site d’Alain Soral. Celui qui a par ailleurs publié aux éditions Kontre Kulture — éditions également fondées par Soral, condamné en appel en 2023 après des propos homophobes visant une journaliste de la «Tribune de Genève» (un recours au Tribunal fédéral est pendant) — y est décrit comme une personne qui contribue régulièrement à la diffusion des analyses de l’essayiste franco-suisse décrié.
C’est tout naturellement que nous avons voulu échanger avec Alimuddin Usmani. Est-il toujours proche d’Alain Soral et de Dieudonné? En fin d’année dernière, selon ses dires, il était au procès du polémiste d'extrême droite franco-suisse, à Lausanne. Était-ce pour le soutenir?
Le Genevois est un journaliste indépendant d’un point de vue économique. L’est-il aussi du point de vue des idées? Des personnes de son entourage sont très critiques avec la presse «mainstream». Cela ne le dérange pas de signer pour elle, notamment dans «Lausanne Cités»?
En préambule, Alimuddin Usmani remercie «pour [notre] intérêt» et prévient par e-mail: «J’imagine bien que vous n’allez pas publier l’intégralité de mes réponses, mais je me réserve le droit de publier le tout sur internet si j’estime que l’article publie des réponses trop parcellaires.»
Une menace qu’il n’aura pas besoin de mettre à exécution puisque sa prise de position se limite finalement à un laconique dégagement en corner: «Pour répondre de manière globale à votre interrogation sur ma qualité de journaliste, je vous suggère de contacter le 'Blesk' qui est l’équivalent tchèque du Blick et qui m’a sollicité à plusieurs reprises en tant que journaliste suisse.» Un tabloïd qui n’est plus dans les mains de Ringier, l’éditeur de Blick, depuis décembre 2013.
C’est tout naturellement que nous avons voulu échanger avec Alimuddin Usmani. Est-il toujours proche d’Alain Soral et de Dieudonné? En fin d’année dernière, selon ses dires, il était au procès du polémiste d'extrême droite franco-suisse, à Lausanne. Était-ce pour le soutenir?
Le Genevois est un journaliste indépendant d’un point de vue économique. L’est-il aussi du point de vue des idées? Des personnes de son entourage sont très critiques avec la presse «mainstream». Cela ne le dérange pas de signer pour elle, notamment dans «Lausanne Cités»?
En préambule, Alimuddin Usmani remercie «pour [notre] intérêt» et prévient par e-mail: «J’imagine bien que vous n’allez pas publier l’intégralité de mes réponses, mais je me réserve le droit de publier le tout sur internet si j’estime que l’article publie des réponses trop parcellaires.»
Une menace qu’il n’aura pas besoin de mettre à exécution puisque sa prise de position se limite finalement à un laconique dégagement en corner: «Pour répondre de manière globale à votre interrogation sur ma qualité de journaliste, je vous suggère de contacter le 'Blesk' qui est l’équivalent tchèque du Blick et qui m’a sollicité à plusieurs reprises en tant que journaliste suisse.» Un tabloïd qui n’est plus dans les mains de Ringier, l’éditeur de Blick, depuis décembre 2013.
Il pige désormais pour «Lausanne Cités». Son CV et donc sa signature font-elles tiquer les autorités lausannoises, qui rétribuent l’hebdomadaire gratuit — avec l’argent public — pour la diffusion dans son premier cahier de quelques pages sponsorisées? En 2018, la Municipalité à majorité de gauche avançait, comme le rapportait la RTS, que ce partenariat contribuait au «maintien d’un titre fortement ancré dans la région». En 2024, la notion de «soutien» ne paraît étonnamment plus faire partie de son vocabulaire.
«La Ville de Lausanne ne soutient pas financièrement 'Lausanne Cités', mais paie une prestation pour produire et diffuser son journal communal, permettant à un prix raisonnable une diffusion de celui-ci à tous les ménages toutes les deux semaines», indique Amélie Nappey-Barrail, responsable du bureau de la communication du chef-lieu vaudois, dans un courriel adressé à Blick le 21 mars. Elle prend ses distances: «L’éditeur de 'Lausanne Cités' est le seul responsable de l’engagement de ses journalistes et de leurs avis».
Insistons: la Ville de Lausanne continuera donc de payer cette prestation — un montant forfaitaire annuel de 170’000 francs, selon les informations détaillées en 2018 — à un journal qui emploie un proche d’Alain Soral? Quatre jours plus tard, toujours aucun retour de la porte-parole en chef. On ose un sympathique et efficace «Poke :-)» en guise de relance. «Il me semble que ma première réponse était assez claire», tranche la communicante.
À ses yeux, peut-être. Nouvelle tentative et nouveau message. Doit-on par conséquent comprendre que la Ville continuera de payer sa prestation à un journal qui emploie un proche d’Alain Soral? Individu, rappelons-le, pourtant dans le viseur des autorités, car arrivé dans les murs de la commune helvétique début 2020 pour — dit-on — échapper à la justice en France? «La Ville a un contrat avec 'Lausanne Cités' pour une prestation, consent à compléter Amélie Nappey-Barrail. Un contrat ne se rompt pas sans juste motif au sens du droit des contrats.»
«Strict respect des règles»
Du côté du média imprimé né en 1980, connaissait-on les accointances d’Alimuddin Usmani avant de recourir à ses services? S’en émeut-on? «Alimuddin Usmani est un journaliste indépendant que nous utilisons épisodiquement en fonction de l’intérêt des sujets qu’il nous propose, rétorque par e-mail ce mardi 26 mars Fabio Bonavita, rédacteur en chef. Et ce, dans le strict respect de notre ligne rédactionnelle et des règles déontologiques.»
Visiblement chatouillé par les demandes de l’auteur de ces lignes, Fabio Bonavita fait un peu d’esprit: «À votre question 'pourriez-vous employer un journaliste publiquement engagé à l’extrême gauche?', la réponse est 'oui'. Je vous invite, du reste, à faire acte de candidature.» Une potentielle embauche dont le coût non négligeable nécessiterait probablement que la capitale olympique paie deux (ou trois) feuillets supplémentaires pour remplumer le canard local qui porte son nom. Et dans lequel œuvre le proche d’un homme condamné pour antisémitisme et négationnisme, sans que cela provoque le moindre haussement de sourcils.