Le Tribunal cantonal vaudois envoie Alain Soral en prison. Il a jugé que l'idéologue d'extrême droite, en traitant une journaliste de «grosse lesbienne», devait être condamné pour discrimination et incitation à la haine.
En première instance, le Franco-Suisse n'avait été condamné que pour diffamation, s'en sortant avec des jours-amende. Le Ministère public vaudois a toutefois fait recours et obtenu gain de cause à l'issue du procès en appel, tenu la semaine dernière.
La peine prononcée par le Tribunal cantonal se monte à 60 jours de prison ferme, a indiqué lundi le porte-parole du Parquet vaudois, Vincent Derouand, confirmant à Keystone-ATS une information de la RTS. A noter que le polémiste, qui fêtait lundi son 65e anniversaire, peut encore faire recours au Tribunal fédéral.
Alain Soral, de son vrai nom Alain Bonnet, était jugé pour ses propos à l'encontre d'une journaliste de La Tribune de Genève et de 24 heures. Après un article peu à son goût, datant de 2021, il avait publié une vidéo sur internet où il taxait la journaliste de «grosse lesbienne» et «militante queer», insinuant que ce dernier terme voulait dire «désaxé».
Plus de diffamation
Pour le Ministère public, ces propos ne relèvent pas seulement de la diffamation. «Ce ne sont pas que des mots, ce sont des messages. M. Soral a de la haine et du mépris pour les homosexuels», avait martelé le procureur général Eric Kaltenrieder.
Le nouveau chef du Parquet vaudois, dont c'était le premier réquisitoire, avait demandé trois mois de prison ferme dans une «logique pénale» pour «dissuader le prévenu de récidiver», Alain Soral ayant déjà été condamné à une vingtaine de reprises en France, en grande partie pour des infractions de provocation à la haine, diffamation et injure antisémite.
Eric Kaltenrieder s'est aussi appuyé sur la nouvelle disposition du Code pénal, approuvée par le peuple en février 2020. Elle permet désormais de sanctionner les appels à la discrimination ou à la violence fondés sur l'orientation sexuelle, à l'instar des discriminations visant l'ethnie, la religion ou l'origine.
Jurisprudence
De son côté, Alain Soral avait reconnu des «propos un peu virulents». Le Lausannois d'adoption, où il réside depuis 2019, avait toutefois assuré qu'il n'était pas «un militant homophobe, comme voudrait le faire croire le Ministère public.»
Son avocat avait dénoncé …un procès d'inquisition assez épouvantable». Avant d'ajouter: «C'est l'homme que l'on veut juger et non pas ses quelques mots d'une réaction à chaud, soit une réponse du berger à la bergère.»
Le verdict du Tribunal cantonal constitue une victoire pour le Ministère public vaudois, dans un dossier d'abord porté par Eric Cottier puis par son successeur Eric Kaltenrieder. Ce dernier a dit lundi «prendre acte avec satisfaction" de la décision de la Cour d'appel et attendre»» avec intérêt les considérants" du jugement.
Le procureur général a ajouté que ce verdict permettait d'établir «une jurisprudence cantonale» en matière d'application de la norme pénale visant la discrimination et l'incitation à la haine en raison de l'orientation sexuelle.
Quant à l'avocat d'Alain Soral, Pascal Junod, il n'était pas encore disponible lundi pour une réaction. Et notamment pour dire si son client allait désormais saisir le Tribunal fédéral.
«Un signal fort»
Du côté des associations de défense des personnes LGBTIQ, la satisfaction a aussi été de mise. «Nous saluons un signal fort qui montre que tout n'est pas permis en Suisse, qu'il y a des limites à la haine», a commenté Gaé Colussi, responsable pour la Suisse romande chez Pink Cross, contacté par Keystone-ATS. Et d'ajouter: «il ne faut pas oublier que ce genre de propos ont des conséquences directes et préoccupantes sur la communauté LGBTIQ.»
Pink Cross, mais aussi l'Organisation suisse des lesbiennes, Vogay et Lilith, ont également relevé dans un communiqué commun que ce jugement constituait «une étape cruciale dans l'application de l'article du code pénal» sanctionnant l'homophobie. Cette nouvelle norme a déjà permis d'aboutir à des condamnations en Suisse, mais sans connaître le même écho médiatique qu'avec l'affaire Soral, a relevé Gaé Colussi.
(ATS)