«Je suis sur le cul!»
Son ami n'a pas de billet pour Renens... Mais c'est elle que le contrôleur amende

Amendée pour «complicité d'abus», Nadia* n'en revient pas. Selon les CFF, elle aurait empêché le contrôleur de contrôler son compère de voyage, qui n'avait pas de billet et avec lequel elle aurait pris la fuite à Renens. Outrée, elle raconte sa version des faits.
Publié: 05:44 heures
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Dernière mise à jour: il y a 27 minutes
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C'est sur la voie 1 de la gare de Renens que le contrôleur aurait menacé Nadia* de l'amender alors qu'elle avait un abonnement valable.
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Léo MichoudJournaliste Blick

L’abonnement de Nadia* était valable, le jour où elle a reçu la difficile nouvelle du décès de sa grand-mère. Mais les CFF l’ont amendée elle, et non son ami qui l’accompagnait sans avoir de billet et a échappé au contrôleur.

Quelques jours après sa querelle avec un contrôleur lors de son voyage en train entre Lausanne et Renens, elle a bel et bien reçu une facture de 130 francs de la part des CFF. Son compère de voyage, lui, s’en est finalement sorti sans prune. Motif de l’amende? La «complicité d’abus» (voir encadré ci-dessous).

Comment en est-on arrivé là? Pour Blick, la jeune femme – qui préfère rester anonyme – raconte sa mésaventure, vécue le 3 janvier dernier «aux alentours de 19h30». Nous avons confronté les CFF à la version des faits de leur cliente. L’ex-régie fédérale conteste fermement son récit, préférant s’en tenir au rapport de leur employé.

Une amende à la mauvaise personne

«Ce jour-là, j’avais de la peine à respirer et j’ai fait une crise d’angoisse», commence Nadia. Son train «bondé» approche Renens. Elle se lève, aperçoit un contrôleur et lui montre son titre de transport. Elle aurait alors cherché à se diriger vers la sortie, mais aurait vu le contrôleur l’en empêcher.

«Je lui demande si je peux passer et il me dit 'non', de manière très froide, décrit la Vaudoise. Il reste figé devant moi, ne me calcule pas et demande son ticket à mon ami, derrière moi.» Problème: son ami n’a pas de billet. Selon Nadia, il n’a pas non plus son porte-monnaie, d’où il aurait pu sortir une pièce d’identité pour que le contrôleur l’amende.

«
Le contrôleur me pointe du doigt et me dit: 'Je vais vous mettre une amende à vous parce qu’il n’a pas son titre de transport!'
Nadia (prénom d'emprunt), voyageuse des CFF amendée pour «complicité d'abus»
»

Une fois le train arrêté, le poinçonneur la laisse «enfin» sortir. «Je me retourne pour faire un signe à mon pote et lui souhaiter bon courage, détaille Nadia. Et le contrôleur me pointe du doigt et me dit: 'Je vais vous mettre une amende à vous parce qu’il n’a pas son titre de transport!'»

«Je suis sur le cul»

Elle répond au contrôleur qu’il «n’a pas le droit de faire ça», puis essaie de savoir qui est l’employé de l’ex-régie fédérale qui lui cherche des noises: «J’essaie de prendre son nom, mais il se cache et se retourne pour m’empêcher de voir sa plaquette. J’y arrive finalement, après quelques essais.» Le contrôleur remonte ensuite dans le train, qui repart direction Yverdon.

Nadia croit à une blague, qui va pourtant se réaliser le 15 janvier: «Je rentre à la maison et je reçois une amende de 130 francs. Je suis sur le cul.» Les CFF jugent la Renanaise coupable de «complicité d’abus». Furax, Nadia appelle le service des contentieux et leur écrit deux mails. Elle reçoit finalement une réponse le 22 janvier. «Bien que votre abonnement ait été présenté à notre personnel [de] contrôle, vous avez aidé votre ami à se soustraire au contrôle», justifient les CFF. Un reproche qui révolte Nadia.

«Complicité d’abus», qu'est-ce que c'est au juste?

Qu’est-ce donc que cette notion de «complicité d’abus», qui a coûté 130 francs à Nadia? «On parle de 'complicité d’abus' lorsque, par exemple, quelqu’un aide une autre personne à se soustraire au contrôle des billets, nous écrit Frédéric Revaz, porte-parole de la compagnie ferroviaire. Cet abus est sanctionné par une taxe de 100 francs.» Il faut y ajouter les frais de traitement pour atteindre les 130 francs de Nadia.

Le document «Tarif 600» du site de l'Alliance SwissPass – qui réunit les entreprises de transport public de Suisse – donne des exemples de situations de complicité d'abus, dans lesquels ne figure pas le fait de ralentir l'action d'un contrôleur: «Il y a par exemple complicité d’abus lorsqu’un voyageur remet son titre de transport ou de réduction déjà contrôlé à une autre personne, qu’il remet sa prestation, son support de données sur lequel sont référencées des prestations ou ses données d’accès (p. ex.à SwissPass Mobile) à un tiers, ou qu’il duplique et transmet un titre de transport électronique sous forme de capture d’écran, de vidéo d’écran, de partage d’écran ou autre afin que le tiers en abuse.»

En 2021, «20 minutes» a relayé un cas du même genre, dans lequel la personne sans billet avait pris la fuite. Cette situation semble se répéter. Selon Nadia, «il est arrivé exactement pareil à une collègue. Mais en appuyant au bon endroit, elle a réussi à convaincre les CFF de lui enlever l’amende.» Du côté des CFF, on ne dispose «pas de statistiques» quant au nombre de cas de complicité d'abus.

Qu’est-ce donc que cette notion de «complicité d’abus», qui a coûté 130 francs à Nadia? «On parle de 'complicité d’abus' lorsque, par exemple, quelqu’un aide une autre personne à se soustraire au contrôle des billets, nous écrit Frédéric Revaz, porte-parole de la compagnie ferroviaire. Cet abus est sanctionné par une taxe de 100 francs.» Il faut y ajouter les frais de traitement pour atteindre les 130 francs de Nadia.

Le document «Tarif 600» du site de l'Alliance SwissPass – qui réunit les entreprises de transport public de Suisse – donne des exemples de situations de complicité d'abus, dans lesquels ne figure pas le fait de ralentir l'action d'un contrôleur: «Il y a par exemple complicité d’abus lorsqu’un voyageur remet son titre de transport ou de réduction déjà contrôlé à une autre personne, qu’il remet sa prestation, son support de données sur lequel sont référencées des prestations ou ses données d’accès (p. ex.à SwissPass Mobile) à un tiers, ou qu’il duplique et transmet un titre de transport électronique sous forme de capture d’écran, de vidéo d’écran, de partage d’écran ou autre afin que le tiers en abuse.»

En 2021, «20 minutes» a relayé un cas du même genre, dans lequel la personne sans billet avait pris la fuite. Cette situation semble se répéter. Selon Nadia, «il est arrivé exactement pareil à une collègue. Mais en appuyant au bon endroit, elle a réussi à convaincre les CFF de lui enlever l’amende.» Du côté des CFF, on ne dispose «pas de statistiques» quant au nombre de cas de complicité d'abus.

S’ensuivent plusieurs échanges de mails, durant lesquels Nadia invite les CFF à consulter les images de vidéosurveillance et leur propose même de transmettre une preuve du décès de sa grand-mère, ou encore un certificat médical attestant de ses crises d’angoisse à répétition. «La perte de votre grand-mère ne justifie aucunement vos agissements et il ne nous est pas possible de revoir notre décision», assènent les CFF en réponse à l’un de ses courriers.

La version des CFF

Nous avons contacté les CFF pour avoir leur point de vue sur les dires de Nadia. Le porte-parole Frédéric Revaz confirme que les Chemin de fers fédéraux s’en tiennent à la version du contrôleur, qui «diffère fortement» de celle de leur cliente: «Nous avons toute confiance dans la véracité des faits tels qu’ils ont été présentés par notre assistant clientèle, qui a rempli sa mission avec professionnalisme.» Voyons donc le récit des événements, tels que consignés par l’ex-régie fédérale.

«
Selon l’assistant clientèle, la cliente a sciemment retardé le contrôle du titre de transport de son ami
Frédéric Revaz, porte-parole des CFF
»

«Selon notre assistant clientèle, la cliente aurait gagné du temps entre Lausanne et Renens pour que son ami, qui ne disposait pas de titre de transport, ne soit pas contrôlé. A l’arrivée à Renens, ils auraient tous deux pris la fuite.» Après examen du cas «en détail», le service des contentieux a établi que «selon l’assistant clientèle, la cliente a sciemment retardé le contrôle du titre de transport de son ami». Le compère de voyage de Nadia aurait donc, selon les CFF, «refusé de présenter sa carte d’identité à de multiples reprises, avant de prendre la fuite à Renens».

Nadia assure n'avoir pas menti

Confrontée à la réponse intransigeante des CFF, Nadia persiste et signe: elle assure ne pas avoir menti et ne comprend pas pourquoi elle devrait être tenue responsable de l'absence de billet de son ami. «Les CFF ont fini par me dire qu’ils n’entraient pas en matière, relate la jeune femme. J’étais hyper choquée.»

Nadia finit par faire appel à sa protection juridique, qui ne voit rien dans les conditions des CFF qui interdise une telle amende. «Au vu des proportions que ça pouvait prendre, ma protection juridique a proposé de payer l’amende à ma place, raconte celle qui s’estime lésée. Cela pourrait me permettre d'éviter que cette procédure s’éternise.»

Quid des images de vidéosurveillance, qui auraient sans doute permis de trancher entre les deux versions qui se contredisent, selon la volonté de la jeune femme amendée? Les CFF assurent qu'il «faut une plainte pénale pour pouvoir y recourir» et que «seule la police a le droit d’utiliser ces images». Nadia a-t-elle empêché le contrôleur de faire son travail? Son ami s'est-il enfui? La vérité reste secrète.

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