Hommage à son mentor
Valérie Dittli: «Je voyais Viola rester jusqu’à l’Euro féminin»

Après l’annonce surprise de la démission de la conseillère fédérale du Centre Viola Amherd, la conseillère d’Etat vaudoise centriste Valérie Dittli rend hommage à son mentor et s'exprime au sujet de sa succession. Faites vos jeux!
Publié: 24.01.2025 à 11:03 heures
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Dernière mise à jour: 24.01.2025 à 11:15 heures
La conseillère d'Etat vaudoise Valérie Dittli (32 ans) prend la pose dans un abri antiatomique, clin d'oeil à son mentor Viola Amherd.
Photo: VALENTIN FLAURAUD
Antoine Hürlimann
L'Illustré

Viola Amherd a surpris son monde en annonçant sa démission pour le 31 mars. Pour mémoire, la figure valaisanne du Centre a été élue en 2018 au Conseil fédéral et dirige, depuis 2019, le Département de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS). Son annonce survient quatre jours après que l’Union démocratique du centre (UDC) a appelé avec virulence à la démission de celle que le premier parti du pays considère comme la fossoyeuse de l’armée. Malgré ce timing serré, les deux choses n’auraient aucun lien, assure à «L’illustré» Valérie Dittli, conseillère d’Etat vaudoise responsable des Finances et de l’Agriculture. Selon la jeune élue, elle aussi centriste, les attaques coulent sur son mentor comme de l’eau sur le dos d’un canard. Et puis la conseillère fédérale démissionnaire n’aurait pas à rougir de son bilan, malgré les polémiques qui lui ont valu critiques et moqueries.

Interview dans un abri antiatomique, en clin d’œil à celle qui fut la première femme à la tête de la grande muette.

Valérie Dittli, la démission de Viola Amherd vous a-t-elle surprise?
Non, pas vraiment. Des rumeurs couraient depuis un moment. Elle a terminé son année de présidence à la fin 2024 et sa très proche conseillère (Brigitte Hauser-Süess, ndlr) vient de partir à la retraite. C’étaient autant de signaux qui pouvaient laisser penser qu’elle allait se retirer prochainement. Après, il est vrai que j’ai un peu été prise de court puisque je pensais qu’elle resterait en fonction jusqu’à l’Euro féminin, qui se jouera dans six mois en Suisse.

Quels étaient vos liens?
Ils étaient d’abord politiques. Dans le cadre de nos fonctions, il nous est arrivé d’avoir des échanges sur des dossiers. Il y avait aussi nos liens au sein du parti. Viola était déjà une femme importante et influente avant d’entrer au Conseil fédéral.

Valérie Dittli (à droite) nous confie que la conseillère fédérale Viola Amherd l’a conseillée lorsque la polémique sur son domicile fiscal a éclaté, début 2023. Un soutien précieux!
Photo: Agence de presse ARC

A vos yeux, que représente Viola Amherd?
C’est l’exemple même d’une femme forte. Malgré tous les efforts consentis ces dernières années, la politique reste pour l’instant un monde d’hommes. Elle fait partie de celles qui ont démontré avec brio, malgré les difficultés, que nous y avons aussi notre place.

La Valaisanne est la première femme à avoir été à la tête de l’armée. C’est un symbole qui a compté pour vous, avant même de devenir ministre des Finances du plus grand canton romand?
L’armée, les finances… ce sont des bastions masculins. Alors oui, chaque femme qui participe au changement à son niveau compte. Vous savez, Viola m’a soutenue dans des moments difficiles. A chaque épreuve, je me remémore ses conseils.

La stratégie de Viola Amherd et du premier militaire du pays, Thomas Süssli, a régulièrement fait grincer des dents dans les couloirs du parlement à Berne. Quelques jours avant l’annonce surprise de la démission de la conseillère fédérale valaisanne centriste, l’Union démocratique du centre appelait même ouvertement à son départ. Ambiance!
Photo: Keystone

Quels étaient-ils?
Tenir bon, tenir tête et laisser passer la tempête. Quand j’ai été attaquée sur mon domicile fiscal et que plusieurs réclamaient ma démission, elle m’a encouragée à ne pas lâcher. A Berne, on dit d’elle qu’elle est recouverte de plumes de canard et que les critiques lui glissent dessus. C’est pourquoi on la surnomme Teflon. Si vous n’arrivez pas à laisser glisser en politique, vous ne survivez pas longtemps.

En parlant de Teflon, l’humoriste Benjamin Décosterd a dit d’elle dans la matinale de Couleur 3 ce vendredi 17 janvier qu’elle a tellement de casseroles qu’elle pourrait postuler chez Betty Bossi. Vous comprenez qu’on lui colle cette image?
Je crois que, maintenant, c’est le moment de la remercier. Endosser une charge aussi importante qu’un mandat au Conseil fédéral, c’est se mettre entièrement au service du public. C’est ce dont nous devons nous souvenir aujourd’hui.

Tout de même... Entre le renvoi du chef du renseignement, la polémique sur les exportations d’armes, le départ de la directrice de Ruag, le crash à la tête du Secrétariat d’Etat à la politique de sécurité ou encore l’imbroglio sur la vente des chars Leopard 1, Viola Amherd a fait couler beaucoup d’encre.
Présentement, je ne pense pas qu’il soit correct de distribuer les bons et les mauvais points. Laver le linge sale en public, ce n’est pas très suisse comme manière de procéder. Rappelons par ailleurs qu’en tant que présidente de la Confédération elle a cristallisé les critiques. C’est dû à sa fonction et non pas à sa personne ou à son action.

Quelles qualités de Viola Amherd vous ont marquée?
Elle est calme, déterminée et toujours orientée solution. Elle ne cherche pas la polémique, ce que j’apprécie tout particulièrement.

Quels défauts lui trouvez-vous?
Elle est peut-être trop modeste, ce qui a pu l’amener à s’effacer à différents moments où elle aurait dû jouer le premier rôle.

«
J’estime que l’UDC devrait sérieusement réfléchir quant à sa prise de position et à ses déclarations qui ont été au-delà de l’acceptable
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Elle jette l’éponge après des attaques de l’UDC. C’est son président, Marcel Dettling, qui décide à qui appartient le siège de votre parti au Conseil fédéral?
Les rumeurs sont antérieures aux attaques de l’UDC, donc je ne pense pas. Sur le fond, j’avoue ma surprise: j’estime que l’UDC devrait sérieusement réfléchir quant à sa prise de position et à ses déclarations qui ont été au-delà de l’acceptable. Je me suis moi-même trouvée dans la situation où des politiques demandent votre départ. C’est très difficile à vivre.

Ce genre d’attaques menace l’alliance entre le Centre et la droite dans les cantons?
Non. Ce qui se passe à Berne reste à Berne. Dans le canton de Vaud, par exemple, nous avons une très belle alliance. Néanmoins, une alliance ne signifie pas que nous sommes devenus un seul et unique parti. Même si nous savons nous réunir pour faire avancer certains dossiers, nous avons toujours nos différences et nous les cultivons.

Le siège du Centre au gouvernement va aiguiser les appétits. Pourquoi votre parti devrait-il le conserver?
A une période où les clivages sont de plus en plus marqués, il est essentiel d’avoir un centre politique fort qui permet de faire le pont entre une gauche et une droite qui se tapent sans cesse dessus. Notre formation est indispensable pour négocier, trouver les compromis et garantir la stabilité.

«
Quoi qu’il en soit, je ne me fais pas de souci: nous avons des candidates et des candidats de grande qualité
»

Vers qui va votre préférence pour succéder à Viola Amherd?
(Rires.) Ce sont des appréciations très personnelles. Une fois encore, le moment est à la reconnaissance envers Viola Amherd. Nous verrons ensuite. Quoi qu’il en soit, je ne me fais pas de souci: nous avons des candidates et des candidats de grande qualité.

Vous vous attendiez à ce que Gerhard Pfister ne tente pas sa chance? Tout le monde voyait déjà votre combatif président sur le départ rebondir au Conseil fédéral.
Son choix montre qu’il préfère sans doute se concentrer sur d’autres priorités. Son expérience reste un atout précieux pour notre parti, qu’il soit au Conseil fédéral ou ailleurs.

Un temps favori, le président du Centre sur le départ, Gerhard Pfister, a annoncé qu’il ne serait pas candidat au Conseil fédéral. Tout comme le conseiller national grison Martin Candinas et la sénatrice fribourgeoise Isabelle Chassot.
Photo: Keystone

Et vous-même, pourriez-vous vous porter candidate?
Personnellement, je ne suis pas intéressée par une candidature au Conseil fédéral. J’apprécie énormément mon rôle de conseillère d’Etat et je souhaite poursuivre mon engagement pour les Vaudoises et les Vaudois.

Quelles sont pour vous les caractéristiques importantes que devrait réunir le champion ou la championne du Centre?
Avoir de solides compétences, l’expérience d’un exécutif et être capable de discuter avec tout le monde sans a priori. Sur ce dernier point, Albert Rösti (le conseiller fédéral UDC bernois responsable du Département de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication, ndlr) est un très bon exemple. Il ne faut pas oublier que conseiller fédéral, ce n’est pas une simple fonction honorifique.

Un article de L'illustré

Cet article a été publié initialement dans le n°04 de L'illustré, paru en kiosque le 23 janvier 2025.

Cet article a été publié initialement dans le n°04 de L'illustré, paru en kiosque le 23 janvier 2025.

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