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Ça pourrait coûter très cher
La proposition folle d'un parti pour faire face au problème du bruit à Genève

Le parti Libertés et Justice sociale veut dédommager les habitants de la Ville de Genève victimes du bruit. Entre trafic, bars tapageurs et chantiers, le champ est vaste. Sans chiffres ni critères précis, la mesure pourrait peser lourd sur les finances publiques.
Publié: 07.03.2025 à 05:59 heures
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Dernière mise à jour: 07.03.2025 à 07:52 heures
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Lucie FehlbaumJournaliste Blick

S’il fallait donner un franc à tous les Genevois qui se plaignent du bruit, combien cela coûterait-il à la collectivité? Vous avez une heure...

En réalité, l’idée n’est pas un problème de mathématiques, mais une promesse de campagne du parti Libertés et Justice sociale (LJS). La formation vise le conseil communal de dix communes genevoises et le conseil administratif de la Ville de Genève avec Simon Brandt, de nouveau d'attaque après l’affaire judiciaire qui, estime-t-il, l’a privé de la Mairie sous la bannière PLR en 2020.

Dans le programme de campagne du parti, on trouve ainsi ce concept de dédommagement pour les habitants victimes de «nuisances sonores et sanitaires». Avec les gigantesques chantiers qui attendent Genève ces cinq prochaines années, de nombreux habitants seront directement concernés. Lors d'une conférence de presse tenue le 4 mars, le candidat au législatif communal Evan Schleret a précisé l'idée de son parti.

Un versement direct pour compenser les nuisances?

«S'il n'y a pas de solution pour faire cesser la nuisance, on vous propose un crédit d'impôt, une aide au loyer ou, pourquoi pas, un versement direct», promet le jeune candidat. Mais comment définir ces nuisances? LJS donne dans la largesse.

«Le bruit de la route qui vous empêche régulièrement de dormir, mais aussi l'écopoint du quartier qui déborde tous les deux jours», liste Simon Brandt. Avant de citer le voisinage du Quai 9, lieu de consommation d'héroïne «essentiel», mais difficile à tolérer pour les riverains – entre bruit, bagarres et déprédations. «Si l'Etat est défaillant et ne fait pas respecter la loi, on doit dédommager les habitants», soutient le candidat à l'exécutif communal.

Où placer le curseur?

Le champ est donc vaste. Entre bruit routier, chantiers, bars tapageurs, et le cas très particulier du Quai 9, la Ville de Genève risque de dédommager tous ses habitants. Et le parti fondé par Pierre Maudet n'a pas chiffré le montant de l’indemnité. En revanche, il l'entend notamment comme un coup de pression pour motiver les services adéquat à faire cesser la nuisance.

Une question reste également en suspens: où placer le curseur? LJS n’a pas précisé qui pourrait prétendre à un dédommagement. Faut-il avoir déposé une plainte officielle ou suffit-il de se dire importuné?

118 interventions d'experts

Blick a cherché à en savoir plus sur le nombre de Genevois se plaignant du bruit, partant du principe qu’il s’agit de la nuisance la plus universelle. A Genève, deux options : contacter la police, ou faire venir les experts du SABRA, service cantonal du bruit, pour mesurer les décibels. Les chiffres obtenus sont donc à l'échelle du canton, mais la Ville regroupe près de 40% des habitants.

En 2024, le SABRA a été sollicité pour 118 mesurages acoustiques chez des particuliers, indique la porte-parole du Département du Territoire, Pauline de Salis. «Les interventions concernent principalement les installations fixes comme les pompes à chaleur, les ventilations ou encore la musique diffusée par les établissements publics», liste la communicante.

Impossible toutefois de savoir combien de ces 118 mesures ont révélé des dépassements des normes légales. La limite supérieure du bruit routier est fixée à 60 décibels en zone habitée. 

Police sollicitée des milliers de fois

Avant les experts du SABRA, c'est la police qui fait le premier tri, entre râleurs professionnels et habitants réellement importunés. Juste pour le bruit causé par des véhicules, les forces de l'ordre ont été contactées 193 fois entre janvier 2023 et décembre 2024. Il s'agit des plaintes déposées et des doléances exprimées aux agents.

Les chiffres prennent l'ascenseur concernant le tapage sur la voie publique. Typiquement, le cas de figure du Quai 9. Pour ces faits, la police a été sollicitée 4949 fois sur la même période.

Un vrai problème de santé publique

Si l’idée d’un dédommagement peut sembler extravagante, l’argument sanitaire, lui, est bien réel. L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) liste plusieurs effets avérés du bruit sur la santé: troubles du sommeil, maladies cardiovasculaires, acouphènes, impact sur les capacités cognitives des adolescents ou encore augmentation du stress. Une étude de la Société Francophone de Santé et Environnement a même prouvé un lien entre exposition au bruit routier et obésité.

A Lausanne, les conséquences du bruit de l’aéroport de la Blécherette auraient coûté à elle-seules 54 millions de francs en 2019. Lausanne a pourtant dit non à un dédommagement pour les riverains gênés par le bruit. A Genève, combien la Ville devrait-elle alors provisionner pour indemniser les victimes de nuisances sonores?

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