Jsabella Koller, 56 ans, passe entre les mailles du filet. La raison: le marché du travail suisse connaît ce qu'on appelle la guillotine de l'âge. Plus l'on vieillit, plus les chances de trouver un nouveau travail diminuent.
Mais avec la pénurie de personnel qualifié, les entreprises ont plus souvent tendance à chercher des collaborateurs dans les tranches d'âge plus élevées. Et les quinquagénaires ont à nouveau des possibilités d'emploi, selon la conclusion d'une étude de la société d’outplacement de Rundstedt & Partner, publiée en septembre 2022.
Un constat qui n'est toutefois pas toujours valable. Si l'on mise davantage sur les plus de 50 ans, tous les employeurs ne surfent pas sur cette tendance, comme le prouve l'histoire de Jsabella Koller.
La rente de veuve ne suffit pas
Jsabella Koller devient mère en 1994. «À l'époque, il n'était pas encore courant de confier son enfant à une crèche», souligne-t-elle, lorsque Blick la rencontre à son domicile de Stäfa, à Zurich.
Les possibilités de travail à temps partiel sont limitées. Son employeur de l'époque, le Canton de Zurich, ne veut pas la reprendre pour un ou deux jours par semaine.
Alors, la maman s'occupe de son fils et du ménage pendant seize années. Jusqu'à ce que son mari décède subitement, il y a douze ans. «La rente de veuve ne suffit pas pour vivre», calcule celle qui reçoit moins de 2000 francs par mois.
Elle se relance donc sur le marché du travail. Jsabella Koller enchaîne les emplois de transition. Une fois, elle remplace une femme en congé maternité dans l'administration d'un garage automobile. Une autre fois, elle trouve un emploi fixe dans la vente d'un magasin de sport – qu'elle perd malheureusement lors du deuxième semi-confinement dû au Covid-19.
Le spectre de la fin de droit au chômage
C'est dans la vente, où elle a initialement effectué son apprentissage, que Jsabella Koller a les meilleures chances. Une branche qui est particulièrement touchée par la pénurie de main-d'œuvre qualifiée.
Mais la plupart du temps, la Zurichoise n'obtient que des emplois à temps partiel sur la base d'un salaire horaire. «Je n'ai aucune garantie sur le nombre d'heures que je vais effectuer – ni si je vais pouvoir boucler la fin du mois», explique-t-elle.
Les vacances ne sont pas non plus payées, bien qu'elles soient de toute façon hors de portée financièrement. «C'est épuisant de calculer constamment ses heures afin de voir si elles suffisent», soupire la femme de 56 ans.
Jsabella Koller a néanmoins accepté d'innombrables emplois de ce type au cours des dernières années. L'essentiel est de ne pas se retrouver en fin de droit (lorsque le droit à l'indemnité de chômage prend fin avant que la réinsertion sur le marché du travail ait été possible).
«Une fois, j'ai trouvé quelque chose de nouveau trois jours avant d'être en fin de droit!», raconte-t-elle. Les personnes dans cette situation ne reçoivent plus d'indemnités de chômage, mais seulement l'aide sociale, nettement moins élevée.
Ces personnes n'apparaissent pas non plus dans les statistiques du chômage – ce qui fausse les chiffres. En Suisse, le chômage est à un niveau record de 2,2%. «Le monde entier nous envie», s'est récemment vanté le ministre de l'Économie, Guy Parmelin, lors du WEF à Davos (GR). Pour des personnes comme Jsabella Koller, ces réjouissances sonnent faux.
«Votre CV me donne un cancer des yeux»
En mars 2022, elle a commencé un nouveau travail de vendeuse dans une jardinerie. «Je suis reconnaissante pour ce travail», commente-t-elle. Pourtant, elle continue à chercher un autre poste en parallèle, pour plus de stabilité et un revenu fixe.
«J'envoie des candidatures tous les jours.» La plupart du temps, les réponses négatives pleuvent. «Une fois, un recruteur m'a dit que mon CV lui donnait un cancer des yeux», raconte-t-elle, indignée. La raison: les nombreux changements d'emploi de ces dernières années – ce qui ne l'aide guère sur le marché du travail.
Le job de ses rêves? «Quelque chose dans le domaine commercial. De préférence dans une banque ou à la réception.» Dans les années 1980 et 1990, la Zurichoise a travaillé à la Bourse, se qualifiant elle-même de «touche-à-tout».
Ses connaissances, par exemple dans le domaine bancaire, sont peut-être un peu dépassées, admet-elle. «Mais je veux apprendre!» Le fait qu'aucun employeur ne soit prêt à investir en elle, alors que l'on parle sans cesse de pénurie de main-d'œuvre qualifiée, l'agace: «Je veux travailler. Mais on ne me donne pas cette chance.»