Rachat en urgence de la banque
Le Conseil des États avalise dans la grogne la caution pour Credit Suisse

La garantie fédérale au sauvetage de Credit Suisse est validée par le Conseil des États. Les sénateurs ont avalisé mardi les crédits urgents d'un montant total de 109 milliards de francs. Les critiques ont fusé pour dénoncer les manquements qui ont mené à cette crise.
Publié: 11.04.2023 à 16:56 heures
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Dernière mise à jour: 12.04.2023 à 01:11 heures
Lors de la réunion du Conseil des Etats mardi, les critiques ont fusé pour dénoncer les manquements qui ont mené au rachat en urgence de Credit Suisse.
Photo: Keystone

Les sénateurs ont approuvé le projet par 29 voix contre 6 et 7 abstentions au vote sur l'ensemble. Le premier crédit urgent d'un montant de 100 milliards de francs permet à la Confédération de garantir les prêts octroyés par la BNS à Credit Suisse. Le second de 9 milliards est destiné à l'octroi d'une garantie à UBS pour d'éventuelles pertes.

Aujourd'hui, dire non aux crédits soumis au Parlement ne servirait à rien, a indiqué Johanna Gapany (PLR/FR) au nom de la commission. La Confédération a pris des engagements juridiquement contraignants.

«Notre marge de manœuvre est ailleurs; il faut désormais travailler à des solutions pour qu'une telle situation ne se reproduise plus à l'avenir.» Durant près de cinq heures de débats, les sénateurs n'ont en effet pas caché leur colère envers la banque et réclamé des correctifs.

Confiance ébranlée

La chute de Credit Suisse est très douloureuse, que ce soit pour les collaborateurs, les épargnants, mais aussi pour les entreprises, a déclaré Hansjörg Knecht (UDC/AG). «De tels événements sapent la confiance dans notre économie et dans notre Etat.» Il faut désormais redouter le risque que fait courir UBS, de par sa taille, à la Suisse.

«La débâcle de Credit Suisse est une grande catastrophe pour la Suisse, sociale, politique et économique, a renchéri Benedikt Würth (Centre/SG). Le dégât collatéral est énorme.» Du point de vue libéral, il est «déroutant» que l'argent du contribuable serve à rattraper les erreurs d'une entreprise privée, regrette Olivier Français (PLR/VD). Mais au final, des emplois sont sauvés.

Adèle Thorens Goumaz (Vert-e-s/VD) juge, elle, aberrant que la Confédération doive intervenir pour sauver une entreprise qui a été impliquée dans nombre de scandales ces dernières années. Elle déplore la faiblesse des autorités face aux grandes banques. Les rapports sur la crise bancaire devront absolument être concrétisés.

Dirigeant de CS fautifs

La plupart des intervenants ont en effet énuméré chacun des mesures à prendre: certains ont insisté sur la nécessité de réviser la réglementation des «too big to fail». Plusieurs veulent renforcer l'Autorité fédérale de surveillance des marchés financiers (FINMA).

La plupart veulent que les responsables rendent des comptes. «Malheureusement, les managers de Credit Suisse n'ont rien appris des erreurs du passé», selon Peter Hegglin (Centre/ZG). Roberto Zanetti (PS/SO) a parlé de «Bankster irresponsables». Tout ce gâchis est à mettre au compte de cette «caste de managers», a ajouté Thierry Burkart (AG), président du PLR.

Pour Beat Rieder (Centre/VS), cette affaire suscite un grand ressentiment au sein de la population dont il faut tenir compte. Charles Juillard (Centre/JU) est aussi d'avis qu'on lui doit des explications. Il faut agir, mais «sans précipitation» en toute connaissance de cause.

L'UDC s'est aussi irritée que la Confédération ait une fois de plus eu recours au droit d'urgence. Une critique catégoriquement rejetée par Thomas Hefti (PLR/GL) pour qui l'ampleur de la crise l'imposait. «Il s'agissait d'éviter une crise financière mondiale qui aurait été imputée à la Suisse», a rappelé Peter Hegglin.

Critiques du PS

Pour Eva Herzog (PS/BS), il est clair que des mesures sont nécessaires. Mais elle craint qu'à la fin, il n'en ressorte rien. «Aujourd'hui, on parle d'un total de 259 milliards pour sauver les banques. Il ne faut pas que cela se fasse sur le dos des contribuables», a martelé Roberto Zanetti.

Carlo Sommaruga (PS/GE) a lui critiqué le choix du Conseil fédéral d'imposer le rachat de la grande banque à un prix dérisoire, faisant peser le poids sur la collectivité et laissant les futurs bénéfices à l'UBS. Il y aurait eu l'option d'une nationalisation temporaire.

La conseillère fédérale Karin Keller-Sutter comprend les critiques, mais elle a répété qu'elle avait agi dans le seul but de limiter au maximum les dégâts. Il fallait engager la garantie de l'État pour rétablir la confiance des autres banques: «Une faillite aurait eu des conséquences catastrophiques.» La Confédération a étudié toutes les alternatives. Mais les risques étaient trop grands.

Une condition

Les sénateurs ont cependant décidé de lier les garanties à une condition. Si des garanties supplémentaires sont nécessaires, le Conseil fédéral ne devra pas utiliser la procédure d'urgence. La proposition a passé par 28 voix contre 14.

Le Conseil des États a en outre demandé de rehausser de 5 à 7 millions l'enveloppe prévue pour le personnel du Département fédéral des Finances (DFF), chargé du suivi de ce rachat.

Le National doit à son tour se prononcer. Outre la garantie de 109 milliards apportée par la Confédération, la BNS a mis à disposition des deux banques 150 milliards de francs de liquidités supplémentaires qui ne sont pas soumis au Parlement.

Rapport demandé

Les sénateurs ont ainsi tacitement adopté un postulat de commission. Un rapport devrait être présenté d'ici un an. Le texte demande des clarifications non seulement sur la taille de la nouvelle banque, mais aussi sur la poursuite des activités de Credit Suisse, la situation concurrentielle d'UBS, ainsi que les compétences de la FINMA ou les exigences en matière de fonds propres.

Il s'agit d'un rapport complet sur le fond qui donne une vision d'ensemble de la situation et non seulement de Credit Suisse, a encore relevé Johanna Gapany. Le but est de récolter des informations pour pouvoir examiner si des modifications législatives sont nécessaires.

Le Conseil fédéral était également favorable au postulat. Le gouvernement a déjà annoncé s'engager à rendre un rapport dans un délai d'un an.

(ATS)

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