Le cas de Crédit Suisse montre que la réglementation bancaire a échoué en Suisse. En vertu de la loi «too big to fail», on aurait pu mettre la grande banque en faillite et sauver la partie nationale d'importance systémique. Néanmoins, face à la menace de bouleversements sur les marchés financiers, le Conseil fédéral a renoncé au régime prévu pour les cas d'urgence et a ordonné la fusion avec l'UBS. Les politiques veulent renforcer la réglementation pour qu'une telle solution ne soit plus possible à l'avenir.
Le président du Centre Gerhard Pfister a été parmi les premiers à proposer un taux de fonds propres de 20%. À Blick il y a deux semaines notamment. Selon lui, il s'agit d'une base solide à l'heure actuelle. Un taux plus faible inciterait à prendre davantage de risques. «C'est ainsi que les directions justifient les bonus élevés. Si tout va de travers, ce sont les contribuables qui doivent intervenir. C'est pourquoi, j'en suis convaincu, le cœur du problème est le manque de fonds propres» ajoute le politicien.
Qu'est-ce qu'une telle exigence signifierait concrètement? Raiffeisen, le deuxième groupe bancaire de Suisse, dispose aujourd'hui d'un capital propre «dur» de 20,5 milliards. Si l'on y ajoute les fonds supplémentaires, la banque a besoin de 50 milliards de francs.
30 milliards de fonds propres supplémentaires chez Raiffeisen
Il manque donc exactement 29,5 milliards à Raiffeisen. Une banque peut se constituer des fonds propres soit en conservant ses bénéfices, soit en procédant à des augmentations de capital. Les deux sont coûteuses. Le coût du capital s'élève à environ 10%. Dans le cas de Raiffeisen, cela signifie que 30 milliards de fonds propres supplémentaires coûteraient 3 milliards de francs par an.
Pour se procurer cet argent, la banque devrait augmenter ses marges. Avec 200 milliards de crédits hypothécaires, Raiffeisen est l'un des plus grands financeurs de logements en propriété en Suisse. Pour tirer 3 milliards supplémentaires de ce portefeuille, la banque devrait renchérir chaque hypothèque de 1,5 point de pourcentage.
Une hypothèque sur cinq ans coûte actuellement 3% d'intérêt annuel. Si le président du Centre obtient gain de cause, le taux d'intérêt passerait à 4,5%. L'hypothèque serait donc 50% plus chère. Pour une hypothèque de 500'000 francs, le taux d'intérêt annuel ne serait plus de 15'000 mais de 22'500 francs. Cela représente une charge supplémentaire de 625 francs par mois.
Pour une hypothèque Saron dont le taux d'intérêt est plus bas, la majoration causée serait nettement plus importante. La marge de la banque ne serait alors plus de 0,7 à 1,1 point de pourcentage selon la solvabilité du débiteur, mais de plus du double.
Raiffeisen craint de «fortes restrictions dans l'octroi de crédits»
Raiffeisen confirme en principe ces calculs. Dans sa prise de position, la banque déclare: «Un leverage ratio (ndlr: rapport entre les fonds propres et le total du bilan) plus élevé pourrait être atteint soit par une augmentation du capital, soit par une réduction du bilan, soit par une combinaison des deux.
Dans le cas où ce ratio devrait être atteint uniquement par une augmentation du capital, le Groupe Raiffeisen devrait, selon ses propres indications, «augmenter ses fonds propres de plus de 30 milliards de francs». Dans quelle mesure cette cela renchérirait-il les crédits des clients? La banque s'exprime prudemment à ce sujet: il n'est pas possible de répondre à cette question de manière «globale». «D'une manière générale, on peut toutefois dire que (...) les coûts liés à une augmentation massive du capital devraient être répercutés au moins dans une certaine mesure sur les clients.»
«Une réduction du bilan entraînerait de fortes restrictions dans l'octroi de crédits, avec les conséquences économiques correspondantes, estime Raiffeisen. On renchérirait certains crédits de manière prohibitive, on ne les délivrerait plus ou on les résilierait même.»
Cette augmentation «pourrait provoquer de gros dégâts économiques»
Barend Fruithof, chef du groupe industriel Aebi-Schmidt et membre du comité directeur de l'association industrielle Swissmem, met en garde contre une telle évolution: «L'exigence de Gerhard Pfister est trop courte et pourrait provoquer de gros dégâts économiques». Barend Fruithof a autrefois dirigé les affaires de la clientèle entreprises de CS. «Un leverage ratio de cette ampleur aurait des conséquences massives pour la place industrielle. Le coût du crédit augmenterait considérablement. Et de nombreuses PME, qui ne pourraient pas se tourner vers des banques étrangères, verraient le robinet du crédit se fermer.»
Gerhard Pfister ne veut pas se prononcer sur les conséquences possibles de sa proposition de 20%. «Nous devrions pouvoir discuter de cette question sans préjugés, sans prendre en compte uniquement ce qui s'y oppose selon les banques et leurs lobbyistes. Après le sauvetage de l'UBS, nous avons fait exactement ce que les banques voulaient.»