Le 9 juin, le peuple se prononcera sur deux projets de loi concernant les caisses maladie. À l'approche de cette échéance, médecins, hôpitaux, caisses et fabricants de médicaments se disputent pour savoir qui est le principal responsable de l'augmentation constante des primes.
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Les acteurs affirment faire tout ce qui est en leur pouvoir pour maîtriser les coûts de la santé. Un coup d'œil sur les rapports annuels des grands hôpitaux et des caisses d'assurance maladie montre toutefois que les économies ne sont que rarement réalisées sur les indemnités versées aux décideurs.
Depuis 2016, les caisses maladie sont tenues de publier les «honoraires, salaires, bonifications et crédits» du conseil d'administration et de la direction. Blick a donc analysé comment cette classe de rémunérations a évolué depuis. Il en ressort quelques «péchés salariaux».
Péché salarial n°1: Hôpital universitaire de Zurich
En 2016, le président du Conseil hospitalier de l'hôpital universitaire de Zurich touchait 60'000 francs. Aujourd'hui, ce poste est nettement plus rémunérateur: l'économiste d'entreprise André Zemp, qui a pris ses fonctions en 2021, a touché 197'300 francs l'an dernier. Quelles sont les raisons de ce triplement?
En 2016, l'indemnité de 60'000 francs était «très basse», explique le service de presse de l'hôpital universitaire. En revanche, la charge de travail des membres du conseil de l'hôpital a «nettement augmenté» depuis. En outre, le porte-parole indique que cette augmentation est approuvée politiquement: «La rémunération du conseil de l'hôpital, y compris celle du président, est fixée par le Conseil d'Etat du canton de Zurich.» Jusqu'à présent, l'hôpital universitaire a toutefois enregistré une perte de 49 millions de francs en 2023.
Péché salarial n°2: Groupe Mutuel
Le Groupe Mutuel, dont le siège est à Martigny, a rémunéré son directeur général à hauteur de 520'200 francs en 2016, bonus et cotisations aux assurances sociales compris. Aucun chiffre n'est encore disponible pour 2023. En 2022, le big boss Thomas Boyer, en poste depuis 2019, a touché 783'300 francs. Cela correspond à une augmentation d'environ 50% en l'espace de quelques années.
L'entreprise justifie cela par le fait que le Groupe Mutuel n'est pas seulement un assureur-maladie obligatoire, mais qu'il réalise aussi deux milliards de chiffres d'affaires en dehors de l'assurance de base. «En tenant compte des assureurs privés, le salaire du CEO correspond au benchmark et est conforme au marché», écrit un porte-parole.
Péché salarial n°3: Groupe Insel
Le groupe bernois Insel est un colosse du système de santé suisse. Ses pertes ont également été colossales ces derniers temps: en 2023, il a enregistré un déficit de 113 millions de francs.
La direction de l'hôpital n'est pas pour autant dans le besoin. En 2023, ses membres ont perçu un salaire moyen de 477'000 francs, sans les cotisations aux assurances sociales. A titre de comparaison, en 2016, les membres de la direction se contentaient de 390'000 francs en moyenne. Au total, le montant a donc augmenté de plus d'un million de francs en sept ans.
L'entreprise justifie cette hausse par le passage d'une «organisation hospitalière proche de l'administration» à un «groupe hospitalier géré comme un véritable groupe.» Un porte-parole précise: «Compte tenu de la responsabilité d'une entreprise de cette taille et de cette complexité, nous considérons cette rémunération comme conforme au marché.»
Péché salarial n°4: Sanitas
Le million manqué de peu, Andreas Schönenberger, CEO de Sanitas, a dû joindre les deux bouts en 2023 avec 955'200 francs. Comparé à d'autres chefs de caisses maladie, c'est un record absolu. S'il avait été CEO il y a sept ans, il n'aurait reçu «que» 663'300 francs.
Le Conseil d'administration de Sanitas considère que le salaire de son CEO est «conforme aux exigences actuelles du marché», comme l'indique le service de presse. L'entreprise fait remarquer que les rémunérations de l'ensemble de la direction ont diminué de «près d'un million» depuis qu'Andreas Schönenberger est devenu chef en 2019. «Cela s'explique aussi par le fait que le CEO dirige en plus directement la gestion et le développement des produits», explique un porte-parole.
Péché salarial n°5: Hôpital cantonal d'Aarau
Ces dernières années, l'hôpital cantonal d'Aarau (KSA) a fait la une des journaux avec ses difficultés financières et ses changements de personnel. Désormais, les sept membres du Conseil d'administration, qui a été presque entièrement renouvelé en 2023, doivent conduire l'établissement dans des eaux calmes.
Et cela n'est pas vraiment bon marché: en 2023, la rémunération de l'organe s'élevait à 688'215 francs. En 2016, le Conseil d'administration du KSA coûtait encore 507'103 francs, soit environ un quart de moins.
Les responsables estiment que cette comparaison n'est «pas pertinente». Motif: l'augmentation des coûts totaux serait due à la «charge de travail exceptionnellement élevée» liée à la réorientation de l'hôpital. Un porte-parole souligne que la «rémunération de base» du Conseil d'administration du KSA – c'est-à-dire sans les jetons de présence – a baissé de 51'000 francs entre 2016 et 2023.
Cette différenciation n'aide guère les payeurs de primes et les contribuables qui font les frais de tout cela.
Péché salarial n°6: Helsana
Thomas D. Szucs est président du Conseil d'administration d'Helsana depuis 2010. En 2016, lorsque les assureurs-maladie ont dû pour la première fois publier les rémunérations de tous les cadres supérieurs, il a reçu 200'800 francs à ce titre. L'année dernière, il a touché près de 290'000 francs pour le même poste, soit une augmentation de 44%. Et en comparaison avec d'autres caisses, c'est aussi un record.
Pourquoi le travail de Thomas D. Szucs a-t-il autant de valeur? Helsana explique cette augmentation par une «refonte complète du règlement de rémunération» en 2017. «Cette refonte a débouché sur une adaptation des indemnités, qui a entraîné une augmentation pour tous les membres du Conseil d'administration», explique un porte-parole.
En outre, un nouveau comité du Conseil d'administration a été créé la même année, au sein duquel Szucs a été élu. «Cela a entraîné une augmentation de sa charge de travail et, logiquement, une augmentation de sa rémunération.»
Péché salarial n°7: Hôpitaux saint-gallois
A Saint-Gall, neuf membres du Conseil d'administration sont responsables des quatre groupements hospitaliers du canton. C'était également le cas en 2016. A l'époque, ils ne touchaient que 498'380 francs pour leur travail, contre 633'110 francs en 2023, soit un quart de plus. Qu'est-ce qui a fait pencher la balance?
Le service de presse estime qu'on ne peut pas utiliser 2016 comme année de comparaison. La raison: jusqu'au milieu de cette année-là, l'ancienne cheffe du Département de la santé était aussi présidente du Conseil d'administration des groupements hospitaliers. Ensuite, elle s'est détachée du département de la Santé. «Tout cela a conduit à une nouvelle exigence de rémunération de la part du propriétaire, dans l'esprit de la gouvernance d'entreprise publique», explique un porte-parole.
Le problème est que là aussi, le «nouveau» système a entraîné une hausse des rémunérations, et non une baisse.
La pharma dans une autre ligue
Cette liste n'est ni représentative ni exhaustive. Les péchés salariaux mentionnés n'expliquent pas non plus à eux seuls pourquoi les coûts de la santé augmentent d'année en année. Néanmoins, les sept exemples montrent qu'il serait possible de faire des économies dans les caisses maladie et les hôpitaux sans devoir bouleverser tout le système.
Lorsqu'il est question d'excès salariaux, les groupes pharmaceutiques ne peuvent évidemment pas être oubliés. Ceux-ci versent des salaires et des bonus qui feraient même pâlir d'envie les banquiers. Le patron de Novartis, Vas Narasimhan, a par exemple touché 16,2 millions de francs l'année dernière.
Toujours est-il que les Suisses ne doivent pas payer ce salaire seuls, mais avec les patients, les payeurs de primes et les contribuables d'autres pays.