Questions-réponses sur l'AVS
Le système de retraite suisse est-il équitable?

Des jeunes aux vieux, des riches aux pauvres: l'AVS et les caisses de pension seront bientôt redistribuées. Est-ce juste? Que signifierait une 13e rente AVS pour l'avenir du système de retraite? Blick vous propose un grand questions-réponses sur le sujet.
Publié: 13.02.2024 à 06:08 heures
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Dernière mise à jour: 13.02.2024 à 06:35 heures
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Le 3 mars, la population suisse votera sur la 13e rente AVS.
Photo: imago images/imagebroker

Les votations sur une 13 rente AVS et sur l'augmentation de l'âge de la retraite approchent à grand pas. Le 3 mars prochain, Les Suissesses et les Suisses décideront de l'avenir du système de retraite suisse. Mais comment fonctionne ce dernier? Quel sera l'impact d'une 13e rente sur les caisses de pension? Blick fait un tour d'horizon sur tout ce qu'il faut savoir sur le sujet avant de prendre une décision en mars.

L'AVS: Assurance-vieillesse et survivants

Comment fonctionne la redistribution dans l'AVS?
Les actifs (comprendre les travailleurs) actuels financent, grâce à leurs cotisations, les rentes des retraités actuels: c'est ce que veut le système de financement par répartition. En outre, il existe aussi une grande redistribution des riches vers les pauvres. Celui qui gagne un million de francs paie des cotisations AVS sur la totalité de son salaire. Mais le montant des rentes est limité: la rente maximale est «seulement» deux fois plus élevée que la rente minimale. Il s'agit ici d'une volonté politique pour une assurance sociale solidaire. Selon un calcul de l'expert en prévoyance Andreas Zeller, 88% des retraités reçoivent une rente supérieure à celle qu'ils ont financée eux-mêmes, directement via les cotisations et indirectement via les impôts.

Qui en profite, à part les plus démunis?
Les veufs et les parents. Ils reçoivent des suppléments à leur pension de vieillesse, qui sont payés par la collectivité. Le premier groupe reçoit un supplément de 20% lors du calcul de leur pension de vieillesse. Les mères et les pères reçoivent des bonifications pour tâches éducatives jusqu'à ce que le plus jeune enfant atteigne l'âge de 16 ans. Il s'agit de cotisations AVS fictives qui sont créditées sur le compte AVS des parents – pour moitié à la mère et pour moitié au père – et ce, indépendamment du fait qu'ils travaillent moins à cause des enfants. Globalement, les femmes paient 34% des cotisations à l'AVS, mais perçoivent 55% des prestations, parce qu'elles vivent plus longtemps et parce qu'elles reçoivent plus souvent des suppléments de veuvage.

La redistribution dans l'AVS va-t-elle augmenter?
C'est très probable. Premièrement, contrairement à ce qui se passait auparavant, 20% de l'AVS est aujourd'hui financé par des subventions de la Confédération, donc par nos impôts. En raison de sa forte progressivité, l'impôt fédéral direct taxe les riches: le pour mille supérieur des revenus, avec un revenu imposable supérieur à un million de francs, paie environ 40% de l'impôt fédéral. Deuxièmement, le nombre de hauts revenus est plus élevé aujourd'hui qu'au moment de l'introduction de l'AVS: les riches y contribuent donc davantage.

Une 13e rente AVS va-t-elle augmenter la redistribution?
Oui. Mais une 13e rente AVS coûtera des milliards. Alors que le texte de l'initiative ne répond pas clairement à la question du financement, trois alternatives restent évidentes:

  1. Par des déductions salariales plus élevées
  2. Par une augmentation de la TVA
  3. Par une combinaison des deux

La variante n°1 augmente la redistribution des actifs actuels vers les retraités. La variante n°2, en revanche, pèse également sur les retraités, puisque les personnes à faible revenu sont les plus touchées. Ces dernières dépensent une part beaucoup plus importante de leur revenu en biens de consommation. Une hausse de la TVA les toucherait donc plus durement que les personnes fortunées.

Quel rôle jouent les prestations complémentaires dans ce contexte?
Les prestations complémentaires (PC) sont une aide sociale pour les retraités lorsque les rentes de l'AVS et de la caisse de pension ne suffisent pas pour vivre. Les PC sont entièrement financées par la caisse de l'État, donc par nos impôts. D'où la nécessité de redistribution des «riches» contribuables vers les «pauvres» bénéficiaires de PC. Environ 10% des retraités âgés de 65 ans dépendent de ces PC. En d'autres termes, 90% des retraités s'en sortent sans, du moins au début de leur retraite. Si elle venait à être acceptée, les retraités recevraient tous une 13e rente, qu'ils en dépendent financièrement ou non.

Combien d'années supplémentaires faudrait-il travailler pour financer la 13e rente AVS?
Si tous les bénéficiaires de l'AVS reçoivent désormais 13 rentes mensuelles au lieu de 12, cela correspondrait à une augmentation de 8,3%. En 2026, cela coûtera un peu plus de 4 milliards de francs, en 2030, en raison de l'augmentation du nombre de retraités, environ 5 milliards. En somme, il faudrait augmenter l'âge de la retraite de deux ans pour la financer, c'est-à-dire à 67 ans pour les femmes et les hommes. Or, même sans augmentation des rentes, les comptes de l'AVS auront un trou financier à partir de 2030. Pour le combler, il faudrait, selon les calculs de la Confédération, une augmentation de la TVA de 3,4 points de pourcentage ou une augmentation des déductions salariales de 2,6 points de pourcentage, ou encore un relèvement de l'âge de la retraite de trois à quatre ans.

Quel est l'avantage d'un âge de la retraite plus élevé par rapport à une augmentation des cotisations ou des impôts? Quel levier a le plus d'effet?
Un âge de la retraite plus élevé a un double effet positif sur les comptes de l'AVS, parce que l'on cotise plus longtemps et parce que l'on touche l'AVS moins longtemps – à condition que tout le monde travaille plus longtemps. Mais relever l'âge de la retraite reste un projet impopulaire. Les économistes de l'UBS ont calculé l'influence d'autres facteurs sur le trou de l'AVS. Conclusion: le niveau de la migration n'influence guère l'AVS, le taux de natalité n'a qu'une influence modérée, mais l'espérance de vie, elle, en a. Si l'espérance de vie moyenne pour les hommes suisses passe de 82 ans actuellement à 91 ans en 2070, le trou de l'AVS sera, selon l'étude, deux fois et demie plus important que si l'espérance de vie passe «seulement» à 87 ans.

Les caisses de pension (CP)

Quel rôle joue ici la solidarité?
Elle assure des redistributions choisies. Il existe des rentes d'invalidité et d'enfants, ainsi que des prestations pour les survivants financées par tous les assurés. En outre, les rentes des femmes sont calculées avec le même taux de conversion que celui des hommes, alors qu'il devrait être plus bas en raison de leur espérance de vie plus longue.

Pendant des années, la redistribution des actifs vers les retraités a été un sujet de discussion. Comment cela se présente-t-il aujourd'hui?
La situation est plus stable. La Commission de haute surveillance de la prévoyance professionnelle publie chaque année des estimations sur la redistribution entre les actifs et les retraitées. De 2014 à 2022, les employés ont versé au total 45 milliards de francs aux retraités. La raison est la suivante: les caisses de pension ont utilisé proportionnellement plus de revenus pour les retraités qu'elles n'en ont crédité aux actifs par le biais des intérêts. Mais comme les caisses ont entre-temps adapté leurs paramètres et réduit les taux de conversion pour les nouveaux retraités, la redistribution s'est atténuée. En 2019, les retraités ont encore reçu 7,2 milliards de plus que ce qui aurait été correct d'un point de vue comptable. Mais en 2021, ils n'ont reçu que 200 millions. Et en 2022, même les actifs en ont profité, également à hauteur de 200 millions.

Quels sont les taux de conversion des retraités actuels?
Selon l'association des caisses de pension Asip, la fourchette varie entre 4,1 et 7,2. Cela signifie qu'une personne avec un taux de conversion de 4,1 pour 100'000 francs de capital de prévoyance reçoit 4100 francs de rente par an, alors que la personne avec un taux élevé touchera 7200 francs. Les deux personnes peuvent être dans la même caisse, mais avoir pris leur retraite à des moments différents. Comme un minimum légal de 6,8 s'applique dans le régime obligatoire LPP (pour des salaires jusqu'à environ 88'000 francs), les caisses ne peuvent abaisser le taux de conversion uniquement pour les revenus plus élevés. Cela profite indirectement à ceux qui ont des salaires bas et auxquels on garantit une rente mathématiquement trop élevée.

Quel est le montant des garanties de taux d'intérêt pour les taux de conversion?
A chaque taux de conversion correspond une garantie d'intérêt à vie qui est donnée aux retraités concernés. Pour le taux de conversion de 4,1, elle est inférieure à 1%. Pour celui de 7,2, elle est supérieure à 5%. Or, cela fait longtemps que ce taux n'est plus atteint avec des placements sûrs. Une garantie d'intérêt trop élevée oblige la CP à prendre des risques de placement plus importants, puisqu'elle est en majeure partie financée par les actifs avec des avoirs de vieillesse élevés. Ceux-ci sont moins bien rémunérés qu'ils ne le seraient dans une autre situation.

La redistribution suit-elle un taux d'intérêt minimal?
Oui. Le Conseil fédéral fixe ce taux à l'automne de l'année précédente. Pour 2024, il est garanti à 1,25%. Mais si le rendement effectif est inférieur à cette valeur à la fin de l'année, les actifs en profiteront. Leurs bonifications de vieillesse seront alors mathématiquement trop élevées. Mais ce ne sont pas les retraités qui en font les frais. La redistribution se fait indirectement au détriment des jeunes et des futurs assurés, car le taux de couverture de la CP diminue.

Y a-t-il une redistribution entre les caisses de pension?
Oui, mais relativement basse. Il existe des subventions pour les caisses dont l'effectif d'assurés est particulièrement âgé. En contrepartie, toutes les CP versent des cotisations au fonds de garantie LPP. En 2021, 185 millions de francs ont été distribués.

Certaines caisses de pension ont des modèles qui doivent compenser la redistribution après coup. Y parviennent-elles?
En partie, oui. Dans ces modèles, on compare par exemple les taux d'intérêt additionnés sur plusieurs années pour les actifs et les garanties d'intérêt pour les différentes classes d'âge de retraités. S'il s'avère alors que les retraités ayant un taux de conversion très bas sont désavantagés par rapport aux autres retraités et aux actifs, ils reçoivent un supplément, dans la mesure où la situation financière de la caisse le permet. La tendance est la suivante: plus une classe d'âge est à la retraite depuis longtemps, plus elle a profité de la redistribution, et moins il est probable qu'on puisse encore la compenser par des suppléments pour d'autres classes d'âge.

Pilier 3a, ou 3ème pilier

Dans le pilier 3a, il n'existe pas de redistribution. Est-ce correct?
A première vue, non, car on n'y épargne que pour soi-même. Mais on peut déduire ces versements du revenu imposable. Et plus celui-ci, et donc le taux d'imposition, est élevé, plus le 3e pilier est rentable, car on économise sur les impôts. Comme les pertes fiscales sont à la charge de la collectivité, on peut les considérer comme une redistribution vers les plus aisés. En théorie, le modèle inverse serait également envisageable. Au lieu de déductions, l'État pourrait prévoir des subventions fixes pour la prévoyance vieillesse privée, comme pour les allocations familiales. Dans ce cas, tout le monde reçoit le même montant, mais doit payer des impôts. Et ce, d'autant plus qu'ils gagnent beaucoup d'argent.

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