Ces prochains temps, nous ne ferons visiblement pas l’économie d’une discussion énergétique. De la sécurité d’approvisionnement de notre pays, de notre indépendance énergétique, de l’empreinte de cette énergie et de la consommation que nous en faisons.
Les chroniques de Philippe Miauton
Contingentement, délestage, black-out: pas de menaces au compteur en ce début d’année. Une tranquillité qui contraste avec le feuilleton électrique qui nous a été proposé entre 2022 et 2023. Ne nous restent de cette période que les conseils d’économie de la Confédération et la douloureuse des prix de l’électricité. Mais rien n’est réglé pour autant.
Dans ce dossier, il y a une seule petite éclaircie dans un ciel chargé. Dans le cadre des négociations avec l’UE, l’opportunité d’un nouvel accord dans le secteur de l’électricité est primordiale. Si la Suisse est le château d’eau de l’Europe, elle est aussi le carrefour du nœud de lignes à haute tension du continent. Être passe-plat sans profiter du jus, ce serait absurde!
Ô horreur!
Le 9 juin, c’est désormais acté, nous voterons sur la loi fédérale relative à un approvisionnement en électricité sûr reposant sur des énergies renouvelables, suisse-alémaniquement appelée «Mantelerlass». Ce compromis dégagé aux Chambres fédérales permettrait de faire un pas vers un avenir énergétique propre et sûr. Ô horreur, elle prévoit de raccourcir les procédures et fixe dans quelles situations le développement des énergies renouvelables – je répète les énergies RENOUVELABLES – doit avoir la priorité sur les intérêts de la protection de la nature et du paysage. Patatras! La Fondation Franz Weber, dont le créateur doit se retourner dans sa tombe, a jugé utile de lancer le référendum.
C’est à cause de l’aveuglement de plusieurs associations que nous avons pris des années de retard en Suisse dans le dossier de l’énergie et du renouvelable. Planter une malheureuse éolienne devient aussi aléatoire que de gagner au Loto. Rehausser un barrage a été dans plusieurs coins de Suisse refusé pour sauver quelques sapins, une espèce de mouche ou des grenouilles. Le jusqu’au-boutisme de ces associations confine à l’absurdité. Ces mêmes associations qui nous bassinent sur l’urgence climatique. Cherchez l’erreur!
Pomme avec le bourg
La décision de sortir du nucléaire est un magnifique exemple de politique de beau temps, trendy, confinant au marketing politique, et aussi incantatoire que vide de solution. Soyons clairs: il faut aujourd’hui développer le renouvelable, aucune objection à cela. Mais le nucléaire faciliterait la transition compliquée par les associations précitées. Les mêmes qui, quasiment mystiquement, nous ont sortis de l’atome. Aujourd’hui, nous sommes pomme avec le bourg et n’avons que les yeux pour pleurer, dont les larmes ne peuvent même plus remplir nos barrages… faute de capacité. Notre conscience en confiteor, nous reprendrons bien un peu de charbon allemand ou, comble de l’ironie, du nucléaire français pour compenser le manque de nos centrales.
Une initiative déposée veut le retour du nucléaire. Mais quel nucléaire? Il faut dépasser le catastrophisme (exeunt Tchernorbyl et Fukushima — pour cette dernière davantage un problème de tsunami et d’emplacement de la centrale que de technologie) et, surtout, sortir de l’obscurantisme. Car verser dans le mantra soixante-huitard sans observer que le monde évolue n'a rien d'un progrès. Il existera des nouvelles technologies, des innovations.
Fission possible
Le mot nucléaire ou atomique est repoussoir. Mais si l’on explique que des ingénieurs à Genève ont modélisé une centrale qui ne risque pas d’exploser (1 point), qui ne génère pas de substance utilisable à des fins militaires (2 points) et dont les déchets cessent d’être nocifs après 300 ans, pour 300'000 aujourd’hui (1/2 point) et qui utilise du thorium, devons-nous nous en passer? Si l’on sait qu’il y a eu dernièrement un record mondial de production d’énergie par fusion, plutôt que par fission, bien qu’il faille encore beaucoup de temps (vingt ans) pour arriver à une solution applicable, il serait inconscient de nous en priver.
Le nucléaire n’est pas une fin en soi. Cette énergie est économe pour permettre la transition nécessaire et concentrer les efforts financiers dans le renouvelable. Mais peut-être qu’elle sera aussi un appoint utile pour compléter le déficit de production en hiver afin d’être indépendant énergétiquement.
Face aux discours de moins de douches, de menaces de coupure de réseaux sociaux — dépression garantie de nos jeunes générations — et de conseils sur comment cuire les «paste», peut-être existe-t-il un discours de confiance dans l’innovation et notre capacité à trouver plus efficace ou complémentaire. Un brin d’atome crochu ne ferait pas de mal.