«Si ça continue, je vais émigrer»
Avec la fonte de certaines prestations, les seniors suisses se sentent financièrement étranglés

Depuis le début de l'année, des dizaines de milliers de retraités reçoivent moins de prestations complémentaires. Les conséquences pour certains sont dramatiques. Désormais, beaucoup envisagent tout bonnement... de quitter le pays.
Publié: 01.02.2024 à 19:09 heures
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La réforme des prestations complémentaires (PC) est entièrement entrée en vigueur au début de l'année. On estime que 70'000 seniors sont concernés.
Photo: imago images/Noah Wedel
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Lea Hartmann et Sophie Reinhardt

Sepp Schiesser* a appris la mauvaise nouvelle par sa caisse maladie: désormais, cet ancien chauffeur et sa femme devront se contenter de moins de prestations complémentaires (PC). Le canton du Tessin, où ils vivent, participe désormais moins aux frais de caisse maladie.

Avec l'AVS et la caisse de pension, les Schiesser parviennent difficilement à dégager 4000 francs chaque mois. Avec la réduction des PC, c'est donc près d'un dixième de leur budget mensuel qui s'effondre: un trou d'environ 350 francs par mois plombe désormais le budget du couple. «Jusqu'à présent, nous avons réussi à nous en sortir, nous ne sommes pas morts de faim», dit Sepp Schiesser. Mais à présent, le retraité s'inquiète.

Des dizaines de milliers de seniors touchés

De nombreux retraités sont dans le même cas que lui. Depuis le début de l'année, de nouvelles règles sur les PC sont entrées en vigueur. Certes, le Parlement avait déjà adopté la réforme il y a quelques années, mais la période de transition entre l'ancien et le nouveau droit a pris fin au début de l'année.

Dorénavant, pour avoir droit aux PC, il faut par exemple être moins fortuné. Plusieurs autres plafonds de revenus sont aussi fixés. La Conférence suisse des institutions d'action sociale (CSIAS) estime ainsi qu'environ 70'000 seniors, mais aussi des bénéficiaires de l'AI, recevront moins de PC.

Problème: ce changement intervient au pire un moment. Car avec la hausse des loyers, la flambée des prix de l'énergie, et l'inflation galopante sur certains produits de consommation, chaque centime compte: «Si ça continue comme ça, je vais devoir émigrer, bon gré mal gré», imaginant déjà ses vieux jours aux Îles Canaries ou en Allemagne, là où, explique-t-il, il existe des communes dans lesquelles les retraités ne paient pas ou peu d'impôts.

Il ne peut même plus se payer un café

En raison de la réduction des PC, Roland Zaugg envisage, lui aussi, d'émigrer après 40 ans de travail en Suisse. Car, dit-il, la rente suisse peut rapporter gros, selon le pays. Un autre bénéficiaire de PC raconte qu'avec les 70 francs qu'il reçoit désormais, il ne peut plus non plus s'offrir un billet de train pour la ville la plus proche, ni de nouveaux vêtements. Pas même un café!

D'autres retraités vont jusqu'à baisser leur chauffage pour faire des économies, explique Peter Burri Follath de Pro Senectute, qui propose des conseils aux seniors touchés par la réduction des aides. Elle critique par ailleurs la nouvelle complexité des procédures de demande de PC, à la suite de la réforme.

Selon Burri Follath, peu de personnes concernées par la réduction des PC se sont encore adressées à Pro Senectute pour demander de l'aide. Beaucoup n'auraient pas encore vraiment réalisé les conséquences de cette réduction. Et cette dernière fait mal, raconte une autre personne concernée. Elle aussi dépend des PC et doit maintenant faire appel à l'aide sociale pour faire ses courses: «Que l'on économise chez nous, c'est triste comme le ciel» conclut-elle.

*Nom modifié

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