Le visage de la victoire, ce dimanche 3 mars, c'est celui de Pierre-Yves Maillard. Plus que jamais, le conseiller aux États socialiste vaudois et patron de l'Union syndicale suisse (USS) mérite son surnom de «8ème conseiller fédéral»: le «oui» massif à la 13e rente AVS lui doit beaucoup.
À chaud, l'influent sénateur se livre tout en émotion. Mais pas question de — complètement — verser dans le pathos. L'élu n'élude aucune question qui fâche. Comment rassurer les jeunes qui craignent pour le financement de l'AVS? La Suisse s'éloigne-t-elle toujours un peu plus du modèle qui l'a fait prospérer par le passé? Interview.
Pierre-Yves Maillard, vos larmes, visibles sur les photos de Keystone-ATS à l’annonce des premiers résultats, démontrent votre émotion aujourd’hui. Pour vous, ce succès est inespéré?
Il était espéré, mais rien n’était sûr. On a réellement commencé à y croire quand on a vu les premiers sondages. Mais j’ai vécu les montagnes russes jusqu’au bout, il y avait tellement d’argent en face de nous…
D’après vous, qu’est-ce qui a été déterminant dans cette victoire historique?
Cette campagne a permis de retrouver le sens et la force de l’AVS comme projet social et comme projet de société. Aujourd’hui, la population a renouvelé ce contrat social. Et si vous regardez les résultats, les effectifs syndicaux et de gauche n’ont pas été les seuls à être sensibles à ce mécanisme de solidarité. On constate que les bases de l’Union démocratique du centre (UDC), du Parti libéral-radical (PLR) et du Centre ont aussi été touchées par ces arguments.
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Vous avez l’impression que le message des anciens conseillers fédéraux bourgeois sortis du bois dans le sprint final pour dézinguer l'initiative vous a finalement servi?
À ce moment-là, je me suis dit qu’on pouvait vraiment y arriver. Cette communication donnait un signal de nervosité de la part des opposants. Je ne dis pas que ces anciens conseillers fédéraux n’ont pas le droit de s’exprimer. Mais, dans leur position, se prononcer pareillement sur ce thème était une gigantesque erreur.
Des voix à droite, dont celle de l’essayiste Nicolas Jutzet, estime que «la Suisse s’éloigne encore un peu plus du contre-modèle qui a fait son succès». Vous comprenez cette analyse?
C’est juste le contraire! Ils n’ont toujours pas compris. Il faut rappeler encore et encore que l’AVS a été créé avant les Trente Glorieuses. Ce ne sont donc pas les Trente Glorieuses qui ont créé l’AVS. On pourrait même d’ailleurs prétendre l’inverse. Dans les faits, notre système économique crée des richesses — c’est vrai — mais les répartit mal. Un système qui les répartit un peu mieux, comme l’AVS, profite réellement à tout le monde. Contrairement à ce qui a été prédit par les opposants, je suis persuadé que lorsque la 13e rente entrera en vigueur, les situations de plein d’entreprises vont s’améliorer.
Mais le financement de l’AVS est une crainte légitime chez les jeunes. Comment les rassurer?
Des banques et des compagnies d’assurances font des pubs partout, y compris sur TikTok, qui disent aux jeunes de penser à leur retraite le plus tôt possible en achetant leurs produits. Nous, nous avons le meilleur produit: c’est l’AVS. Pour un franc cotisé, c’est 6 à 7 francs retrouvés dans l’AVS. Aucune banque ou assurance ne peut promettre la même chose. Il est très intelligent de réfléchir jeune à sa retraite comme il est aussi très intelligent de renforcer l’AVS pour les jeunes.
Dans le fond, est-ce qu’une 13e rente n’est pas juste un sparadrap sur une jambe de bois pour les seniors qui peinent à boucler les fins de mois?
Bien sûr, cela ne règle pas tous les problèmes. Mais c’est concret et ça devrait être assez rapide si le Conseil fédéral joue son rôle. Cette votation donne un cap aux autorités politiques: celui du renforcement du 1er pilier voulu par la population.
Merci Pierre-Yves Maillard. Avant de vous laisser filer, comment allez-vous fêter les résultats?
(Rires) Je ne sais pas encore!
Les célébrations n’ont pas déjà commencé?
Pour l’instant, j’ai bu une bière. On verra pour la suite!