La solidarité envers les Ukrainiens qui fuient la guerre et cherchent protection en Suisse s'essouffle-t-elle? C'est du moins le cas pour certains politiciens.
La conseillère nationale UDC Martina Bircher estime que la Suisse «ne peut pas continuer éternellement comme avant». Dans une intervention, elle demande au Conseil fédéral d'adopter une position plus ferme. Elle propose ainsi de «limiter le statut S au niveau régional et de ne l'accorder qu'aux personnes originaires de l'est de l'Ukraine» puisque la guerre se concentre essentiellement dans cette partie du pays, comme le rapporte la «SonntagsZeitung».
«Il faut vérifier qui a le droit d'entrer»
Pour cette proposition, l'UDC reçoit l'aide du conseiller aux États libéral-radical Andrea Caroni. «Le statut de protection S devrait être conçu de manière dynamique, déclare-t-il. Il faut vérifier périodiquement quels groupes de personnes d'Ukraine y ont droit.»
Le parlementaire pense lui aussi qu'une limitation aux personnes originaires de l'est de l'Ukraine serait judicieuse: «S'il devait par exemple se confirmer que l'ouest de l'Ukraine n'est plus durablement touché par la guerre, le statut de protection pourrait être limité aux personnes originaires de l'est.» Andrea Caroni veut toutefois attendre encore un peu et coordonner une éventuelle adaptation au niveau européen.
Refusé par le président du parti
Cette proposition n'est toutefois vraiment pas bien accueillie par le président du parti libéral-radical, Thierry Burkart. Ce dernier a mis son vice-président sur la sellette dimanche. «Nous devons rester solidaires, a-t-il estimé. Je doute que l'idée de Monsieur Caroni soit réalisable.» Grâce à leur passeport, les Ukrainiens peuvent en effet entrer en Suisse sans visa.
Le président du centre, Gerhard Pfister, n'adhère pas non plus aux exigences de l'UDC et du conseiller aux États Andrea Caroni. «C'est totalement erroné sur le plan politique», a-t-il déclaré. Faire la distinction entre réfugiés de l'est et de l'ouest de l'Ukraine reviendrait à jouer le jeu des Russes: «On confirme ainsi l'un des buts possibles de la Russie dans cette guerre, à savoir diviser l'Ukraine.» C'est également l'avis de la coprésidente du PS, Mattea Meyer.
Des coûts supplémentaires d'un milliard de francs
En raison de la guerre en Ukraine, la Suisse a accueilli en très peu de temps un nombre de réfugiés de guerre qu'elle n'avait plus connu depuis des décennies. Depuis début mars, environ 51'000 Ukrainiens sont arrivés dans le pays. La Confédération s'attend à ce qu'ils soient 120'000 d'ici l'automne.
Et cela a des répercussions sur le plan des coûts. Les 51'000 qui ont jusqu'à présent fui vers la Suisse devraient coûter à eux seuls un milliard de francs par an à la Confédération, comme le rapporte la «NZZ am Sonntag».
Les non-Ukrainiens aussi obtiennent une protection
L'UDC s'insurge en plus contre le fait que la protection n'est pas seulement accordée aux Ukrainiens dans notre pays - mais aussi aux personnes d'autres pays qui ont vécu en Ukraine. Selon le Secrétariat d'État aux migrations (SEM), 1000 personnes ont jusqu'à présent obtenu le statut de protection S, bien qu'elles ne soient pas ukrainiennes. Les Russes constituent le groupe le plus important avec 238 personnes. Mais on trouve aussi sur la liste 76 personnes originaires d'Afghanistan, 23 d'Irak, 22 du Nigeria, 15 d'Algérie, 11 de Syrie et 10 de Chine. Il y a aussi sporadiquement des personnes titulaires d'un passeport d'un pays européen qui ont obtenu le statut de protection.
Le Conseil fédéral avait décidé en mars que les non-Ukrainiens pouvaient également obtenir le statut S s'ils avaient un permis de séjour en Ukraine et ne pouvaient pas retourner dans leur pays de manière sûre et durable.
Selon la «SonntagsZeitung», le SEM a jusqu'à présent ainsi refusé 192 demandes de statut S en lien avec des réfugiés ukrainiens. Parmi elles, 20 émanaient de Nigérians, 14 de Turkmènes, 11 de Turcs et 10 de Vietnamiens.
(Adaptation par Lliana Doudot)