Difficile de trouver un emploi
Des réfugiées ukrainiennes témoignent: «Je ne veux pas être à la charge de l'État»

Les réfugiées ukrainiennes désirent travailler en Suisse, mais la recherche d'un emploi s'avère souvent très difficile. Quatre d'entre elles et un réfugiés ukrainien ont fait part à Blick de leurs doutes, mais aussi de leurs espoirs. Témoignages.
Publié: 06.05.2022 à 14:33 heures
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Dernière mise à jour: 10.05.2022 à 09:12 heures
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Oksana Bolhowa est juriste. Elle espère trouver un emploi en Suisse.
Photo: Philippe Rossier
Lea Hartmann

Qui dit loin de chez soi et sans connaissances linguistiques en français, en allemand ou en italien dit souvent... sans travail en Suisse. Les réfugiées ukrainiennes (la majorité des personnes fuyant l'Ukraine étant des femmes, nous accordons ici le pluriel au féminin) sont confrontées à un nouveau départ dans des conditions difficiles. Avec le statut de protection S, elles sont certes autorisées à travailler. Mais, jusqu’à présent, presque personne parmi ces nouvelles arrivantes n’a trouvé d’emploi.

Blick s’est entretenu avec quatre Ukrainiennes et un Ukrainien qui viennent d’horizons professionnels très variés. Un point commun les relie: ils veulent recommencer à travailler le plus rapidement possible.

«On m'a dit que j'étais surqualifiée»

Olga Magaletska occupait une fonction de cadre à Kiev. Elle était trop qualifiée, a-t-on dit après le premier entretien d'embauche en Suisse romande.
Photo: Zvg


Olga Magaletska a encore son emploi à Kiev. En théorie. Car en tant que directrice d'une agence de promotion d'investissements, elle ne cache pas qu'il est très difficile, voire impossible, de promouvoir des investissements dans un pays en guerre...

C’est pourquoi cette Ukrainienne, qui a trouvé refuge avec ses parents et ses deux fils près de Genève, cherche désormais du travail en Suisse. Elle parle parfaitement l’anglais, et espère trouver un emploi dans une société de conseil. Elle est optimiste – même si l'issue de sa première postulation a été décevante. «On m’a dit non, en prétextant que j’étais surqualifiée».

Si elle trouve un emploi passionnant, elle s’imagine rester en Suisse. «À part le patriotisme, je n’ai guère de raison de rentrer. Toutes les personnes qui comptent le plus pour moi dans la vie sont ici, avec moi. Je suis prête à repartir de zéro en Suisse».

«Prête à faire un travail très simple»

Oksana Bolhowa vit dans un appartement pour requérants d'asile à Burgdorf BE.
Photo: Philippe Rossier

Ce n’est que récemment que l’avocate d’entreprise Oksana Bolhowa, originaire de Kharkiv, a investi toutes ses économies dans la création de sa propre entreprise. Puis la guerre est arrivée. Elle et son mari se sont alors réfugiés en Suisse, car elle avait déjà séjourné à Lugano. «C’est le plus bel endroit que j’ai jamais vu». Au lieu du Tessin, le couple a finalement atterri à Burgdorf (BE).

L'avocate souligne à quel point elle est reconnaissante à la Suisse, et aux nombreux bénévoles qui l'ont aidée à son arrivée. Elle souhaiterait toutefois être davantage soutenue dans sa recherche d’emploi.

L’Ukrainienne ne parle pas allemand, et très peu l'anglais. Son entourage l'a prévenue qu'il serait difficile de trouver un emploi sans maîtriser ces langues. «Je suis prête à faire des travaux très simples», déclare-t-elle en réponse. Elle est sûre qu’un emploi lui permettrait aussi d’apprendre l’allemand plus rapidement.

«Mon esprit est submergé de nouvelles d'Ukraine»

Irina Waschenko avec ses enfants Denis et Dascha. La prothésiste ongulaire aimerait bien reprendre son métier.
Photo: Zvg

Irina Waschenko et ses deux enfants, âgés de 6 et 13 ans, ont passé deux semaines dans la cave de leur appartement à Kharkiv, alors que des bombes tombaient sur le quartier.

En Ukraine, Irina Waschenko travaillait comme prothésiste ongulaire. Mais son salon de manucure est en ruines, détruit par les bombardements russes. Elle vit désormais à Lucerne. «Bien sûr que je veux travailler ici. Quand je fais les courses, les enfants me demandent des sucreries. Je ne peux rien leur acheter, cela me brise le cœur», raconte-t-elle.

L'Ukrainienne souhaiterait pouvoir continuer à exercer sa profession, mais comme elle ne parle pas l'allemand, elle a peu d'espoir. «J’essaie d’apprendre la langue, mais c'est difficile, car mon esprit est constamment focalisé sur les nouvelles en provenance d'Ukraine...»

«Je ne veux pas être à la charge de l’État»

L'entrepreneuse Tatiana Vichtodenko veut se mettre à son compte en Suisse.
Photo: Philippe Rossier

Tatjana Vichtodenko a fui Kiev lorsque des obus se sont abattus sur la ville. Elle y dirigeait une entreprise informatique, qui a dû fermer ses portes à cause de la guerre.

Ici, elle voudrait créer une entreprise de nettoyage, et y employer d'autres Ukrainiennes et Ukrainiens qui peinent à trouvent un emploi. «Je veux me permettre, ainsi qu’à d’autres compatriotes, de gagner de l’argent afin que nous ne soyons plus à la charge de l’État», explique Tatjana Wichtodenko, qui vit dans une famille d’accueil à Glattfelden (ZH).

Elle espère pouvoir retourner le plus rapidement possible en Ukraine, auprès de son mari et de ses chiens. «Mais même si je ne peux travailler ici que quelques mois et procurer un emploi à d’autres personnes, cela en aura valu la peine». L'Ukrainienne veut elle aussi apprendre l’allemand le plus rapidement possible, et entrer en contact avec d’autres compatriotes pour avoir une chance de faire de sa vision une réalité.

«Pas d’économies, juste de l’optimisme»

Artem Hukasow est photographe. Il a déjà décroché ses premiers contrats en Suisse, il espère maintenant en obtenir d'autres.
Photo: Philippe Rossier

«Nous n’avons plus d’économies. Seulement notre santé et notre optimisme», déclare Artem Hukasow. Cet Ukrainien est arrivé à Berne à la mi-mars avec sa femme et ses dix enfants, dont six adoptés.

Le photographe est originaire de Tchernihiv, dans le nord de l’Ukraine, mais sa famille vivait dernièrement en Turquie. «J’ai travaillé en Ukraine. Avec la guerre, tous les contrats ont été annulés», raconte-t-il.

Il cherche à obtenir des commandes de photos en Suisse. Grâce à des connaissances, il a déjà pu en décrocher quelques-unes. Le père de famille espère également pouvoir faire reconnaître sa formation de géomaticien, car cela lui permettrait de peut-être trouver un emploi dans ce domaine ici.

(Adaptation par Quentin Durig)

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