La disparition de Credit Suisse devrait bientôt révéler ses secrets. Cette semaine, la Commission d’enquête parlementaire (CEP) commencera ses premières auditions pour comprendre ce qu’il s’est réellement passé. Jusqu’à présent, le comité s’était surtout penché sur des travaux préparatoires, d’ordres organisationnels.
La conseillère fédérale Karin Keller-Sutter devrait se présenter le 11 octobre à la première audition de la CEP, en tant que personne de référence, selon des informations de Blick. La Saint-Galloise passera sur le gril dans le but d’élucider les circonstances de l’effondrement de la banque, de son sauvetage puis de sa vente à l’UBS. À noter que l’élue du Parti libéral-radical (PLR) doit donner des renseignements conformes à la vérité. Toute fausse déclaration peut avoir des conséquences pénales.
Concrètement, Karin Keller-Sutter expliquera comment se sont déroulées les discussions entre les représentants de l’UBS et de Credit Suisse et quels rôles ont joué le Département fédéral des finances (DFF) qu’elle dirige, la Banque nationale suisse (BNS) et l’Autorité de surveillance des marchés financiers (Finma). Vaste programme.
L’indépendance de la Finma
Pourquoi un assainissement de la grande banque en difficulté a-t-il été rejeté? Une vente était-elle vraiment la seule solution possible? L’UBS était-elle la seule option pour un rachat? Pourquoi celle-ci n’a-t-elle pas été contrainte de se séparer de Credit Suisse en tant qu’entité autonome et de l’introduire ultérieurement en bourse? Autant de questions auxquelles la CEP devrait répondre.
Parmi les points décisifs, il s’agira de savoir dans quelle mesure la Finma avait son libre arbitre durant les turbulences de mars. Des pressions ont-elles été exercées pour qu’elle renonce à un assainissement? Le DFF ou l’UBS ont-ils fait pression sur l’autorité pour qu’elle passe par pertes et profits les fameux emprunts AT1?
La question de l’indépendance de l’Autorité de surveillance est d’autant plus importante que, selon la loi, la Finma doit prendre ses décisions librement. Personne n’a le droit de se mêler de ses affaires lorsqu’il s’agit de retirer la licence d’une banque ou — comme dans le cas de Credit Suisse — de déclarer une banque cliniquement morte et donc d’amortir à zéro des titres de créance d’un montant de 16 milliards de francs. Seule la Finma peut prendre cette décision et elle doit le faire en toute indépendance.
Des attentes énormes
Les attentes envers la CEP sont énormes. Le rapport final, qui ne devrait pas être disponible avant l’été 2024, doit permettre de déterminer dans quelle direction doit aller la future réglementation des grandes banques et si les cahiers des charges de la Finma et de la Banque nationale doivent être modifiés.
En «attendant les résultats de la CEP», les possibles orientations à prendre restent en suspens, même s’il est évident que la Finma devra trouver des solutions, elle qui se trouve dans un état déplorable. Malgré le chaos qui règne actuellement au sein du personnel de l’Autorité de surveillance, le DFF veut d’abord attendre les résultats de la CEP avant de se pencher sur les questions qui fâchent, comme la présidence controversée de la Finma.
Il n’y a de toute façon rien de révolutionnaire à attendre. Si l’on en croit les milieux bien informés, les résultats des différentes auditions, dont celle de Karin Keller-Sutter, seront plutôt décevants. Il est à craindre que le rapport final se contente d’énumérer quelques recommandations pour la forme, mais que la future réglementation des grandes banques n’évolue concrètement pas beaucoup.
Interrogé, le Département des finances ne souhaite pas commenter le rendez-vous de Karin Keller-Sutter. «Les délibérations de la CEP sont secrètes, c’est pourquoi nous ne nous prononçons pas davantage», écrit une porte-parole. La présidente de la Commission, Isabelle Chassot, reste elle aussi discrète. Dans une réponse par e-mail à Blick, la sénatrice fribourgeoise évoque le devoir de discrétion, en vertu duquel sa Commission ne répond pas aux questions des médias.
Même le lieu de la réunion est secret
D’une manière générale, cette élue du Centre semble très soucieuse de ne rien laisser filtrer du travail de la CEP. Ses membres constatent avec amusement qu’elle-même garde le lieu des réunions secret. Celui-ci n’est communiqué qu’aux principaux intéressés que peu de temps avant le début de la séance.
Un règlement sur l’information et la communication a été spécialement édicté pour l’enquête sur le Credit Suisse. Ce document de quatre pages définit précisément ce qui peut être communiqué et ce qui doit rester secret. La raison invoquée est le grand intérêt des médias. Des indiscrétions compliqueraient le travail de la CEP et pourraient avoir des conséquences négatives pour la place financière suisse, explique-t-on en substance.
Dans le cadre de cette affaire, une obligation de secret s’applique. Elle est nettement plus stricte que dans les usages politiques habituels. Cela signifie que «toutes les personnes participant aux séances» sont soumises au secret professionnel, c’est-à-dire non seulement les membres de la commission, mais aussi les personnes de référence elles-mêmes.
La Commission d’enquête parlementaire, intitulée «Gestion des autorités – fusion d’urgence de Credit Suisse», a été mise en place le 8 juin. Elle est composée de huit membres et s’est réunie le 7 septembre pour adopter les valeurs de référence du concept d’enquête. Ainsi, «la phase 3 du travail d’enquête proprement dit» a été annoncée par la commission. L’audition de Karin Keller-Sutter le 11 octobre constitue un premier point fort.