Il est assez facile de tricher lors d'une demande de logement ou de tromper des clients commerciaux. Il suffit de commander un extrait à l'office des poursuites d'une commune voisine, qui sera vide. Ou de déménager – l'extrait de poursuites est ainsi effacé de facto. Le Conseil fédéral l'avait d'ailleurs clairement souligné en 2018 dans un rapport.
Si les fraudeurs peuvent s'en sortir aussi facilement, c'est parce qu'il n'existe pas en Suisse d'extrait des poursuites uniforme pour l'ensemble du pays. Mieux encore: il existe 361 offices des poursuites avec des procédures parfois différentes. Dans de nombreux endroits, un office des poursuites ne peut même pas vérifier si le requérant habite dans sa zone de desserte.
Un registre national des poursuites est-il réaliste?
Il y a plus de dix ans déjà, on discutait de la manière de mettre un terme au «tourisme des débiteurs». Depuis, le Parlement et le Conseil fédéral se sont penchés à plusieurs reprises sur cette question, mais aucune solution n'a encore été trouvée. Le Conseil fédéral n'a cessé d'arguer que des questions juridiques et administratives restreignaient le champ des possibles.
Comment identifier avec certitude un débiteur? Comment attribuer chaque poursuite avec un effort proportionné? Autant de questions qui demeurent sans réponse. A cela s'ajoute le fait que les poursuites sont de toute façon du ressort des cantons et que la Confédération n'a pas du tout la compétence d'entreprendre quoi que ce soit.
Mais, sur le principe, un registre national des poursuites devrait pouvoir fonctionner, sur la base notamment des numéros AVS et du numéro d'identification des entreprises (IDE). C'est du moins ce qui ressort d'une étude de faisabilité publiée à l'automne dernier et réalisée à la demande la Conférence des maires du canton de Zurich. Mais sur le plan juridique, une telle réforme est pour l'heure impossible. Elle devrait en outre être réglée par la loi sur la protection des données.
Les consommateurs y gagneraient aussi
Il est clair qu'un référencement des poursuites à l'échelle nationale serait intéressant pour les bailleurs de logements, par exemple, afin d'évaluer la solvabilité des locataires potentiels. Mais qu'apporterait-il aux consommateurs?
«C'est déjà une simplification considérable et beaucoup moins cher si l'on ne doit pas commander plusieurs extraits lors d'un déménagement», déclare Yves de Mestral de l'office des poursuites du troisième district de Zurich. C'est d'ailleurs lui qui préside la Conférence des maires du canton de Zurich. «Un extrait valable dans toute la Suisse peut aussi aider à prévenir la fraude à l'avance – c'est-à-dire lorsque je paie quelque chose, mais que je ne reçois pas la marchandise.» Autrement dit, si l'on pouvait vérifier l'extrait du registre des poursuites avec le numéro IDE, on ne se ferait pas avoir par des entreprises frauduleuses.
Yvers de Mestral souligne un autre avantage pour les consommateurs: un registre des poursuites unifié pourrait endiguer le business rampant des données de solvabilité. En effet, les agences de renseignements commerciaux comme Crif ou Intrum enregistrent des masses de données et les revendent aux sociétés de vente par correspondance ou aux entreprises de télécommunications qui veulent savoir si une personne est solvable.
Des contrôles de solvabilité plus fiables
Ainsi, lorsque l'on commande chez Zalando ou que l'on veut prendre une voiture en leasing, il se peut que les fournisseurs vérifient au préalable la solvabilité des consommateurs auprès de ces agences de renseignements commerciaux. Le «Beobachter» a déjà évoqué à plusieurs reprises des erreurs fatales dans ces bases de données. Par exemple, Andreas Meier, qui a un homonyme, est constamment confondu avec lui.
Celui-ci a des dettes, et Andreas Meier n'a donc pas pu souscrire un nouvel abonnement de téléphone portable. «Avec un renseignement du registre des poursuites à l'échelle de la Suisse, il serait moins lucratif pour les agences de renseignements économiques de collecter les données correspondantes sur les particuliers, explique Yves de Mestral. Car les bailleurs, les entreprises de vente par correspondance ou les partenaires commerciaux pourraient alors vérifier beaucoup plus facilement, directement dans le registre national, quelle est la solvabilité d'une personne. Ce serait en fin de compte un progrès pour la protection des données.»
Des obstacles juridiques encore nombreux
Les agences de renseignements économiques sont également une épine dans le pied de l'organisation Algorithmwatch Suisse. Cette organisation de défense des droits de l'homme s'engage pour que les algorithmes et l'intelligence artificielle renforcent la justice, la démocratie et la durabilité au lieu de les affaiblir.
En conséquence, la directrice Angela Müller juge positivement les efforts visant à uniformiser l'extrait des poursuites: «Les contrôles de solvabilité effectués par des entreprises privées sont très peu transparents. Je trouve que leur couper l'herbe sous le pied est en principe une bonne chose.» Pour de nombreux consommateurs, il est difficile de savoir quelles données sont collectées à leur sujet et lesquelles sont pertinentes pour évaluer leur solvabilité. Pour le développement de solutions étatiques telles que l'extrait unifié du registre des poursuites, Angela Müller estime toutefois qu'il est important d'y intégrer très tôt la perspective des consommateurs.
Yves de Mestral et la Conférence des maires du canton de Zurich examinent actuellement quelles bases juridiques seraient nécessaires pour un extrait des poursuites national, quelles lois devraient être adaptées et combien cela coûterait la mise en œuvre d'une telle réforme. Il faudra encore attendre un certain temps avant que les consommateurs puissent se réjouir d'éventuels avantages.