Il y a quelques années encore, la majorité des immeubles d'habitation suisses appartenait à des propriétaires privés. Aujourd'hui, la plupart des immeubles locatifs sont entre les mains de grandes entreprises. Dernièrement, les banques, les fonds, les assurances, les fondations de placement et les caisses de pension ainsi que les CFF ont investi massivement dans la construction, tandis que les particuliers se sont de plus en plus retirés.
Sur la crise du logement
Jusqu'à récemment, le plus grand propriétaire immobilier de Suisse était de loin Swiss Life. Ces dernières années, le groupe d'assurance a investi de plus en plus dans des bâtiments de rendement – dont de nombreux immeubles d'habitation. Rien que dans la ville de Zurich, Swiss Life a acheté plus de 100 terrains entre 2016 et 2021! Actuellement, le groupe possède environ 39'000 logements. C'est ce que montrent les chiffres du conseiller immobilier Wüest Partner, que Blick a pu consulter en exclusivité.
Nouveau leader
Avec la reprise de Credit Suisse (CS) par l'UBS, la Suisse dispose désormais d'une nouvelle superbanque qui devient en même temps le plus grand propriétaire de logements en Suisse. Jusqu'à présent, l'UBS possédait environ 37'000 logements. Ces chiffres tiennent compte de tous les biens immobiliers que la banque détient dans ses fonds immobiliers et ses fondations de placement. Selon son rapport annuel, CS détenait 35'317 logements en portefeuille avec ses fonds immobiliers et ses groupes de placement immobiliers.
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Certains de ces biens immobiliers font partie de la Credit Suisse Anlagestiftung (CSA), la fondation de placement de la banque. Cette dernière sert à la prévoyance professionnelle et est juridiquement indépendante du groupe. Elle n'est donc pas directement concernée par la fusion. Mais même si tous les biens immobiliers ne sont pas tout à fait transférés à l'UBS, il est clair que le rachat de CS donne naissance à un nouveau numéro 1 sur le marché immobilier suisse.
Pas une superpuissance sur le marché
Un peu plus de 60'000 logements locatifs devraient désormais être entre les mains de la superbanque CS-UBS. Cela fait d'elle le plus grand acteur du marché, mais pas une superpuissance. En effet, la banque possède ainsi environ 3% de l'ensemble du marché immobilier suisse.
Les experts n'y voient aucun danger. «Ce nouvel acteur ne domine pas le marché», tempère Robert Weinert, responsable de l'Immo-Monitoring chez Wüest Partner. Pour le quadragénaire, que les biens immobiliers appartiennent à CS ou à l'UBS ne fait aucune différence. «Le rachat n'aura aucune conséquence pour les locataires», assure l'expert.
L'association des locataires demande des mesures
L'association des locataires Asloca ne voit pas les choses d'un aussi bon œil. «C'est un problème que le capital global et anonyme possède autant d'immeubles – peu importe que le propriétaire s'appelle CS ou UBS», pointe Jacqueline Badran, membre du comité de l'association et conseillère nationale socialiste zurichoise. «Les investisseurs institutionnels réalisent avec de tels placements immobiliers des rendements excessifs que les gens doivent payer avec leurs revenus durement gagnés», dénonce-t-elle. La politicienne réclame donc le droit de préemption pour les communes et les cantons.
Les chiffres de l'Office fédéral de la statistique montrent l'ampleur du glissement du marché du logement vers des investisseurs orientés vers le rendement au cours des dernières années: pour l'immobilier résidentiel, la part des investisseurs institutionnels est passée de 20,8 à 56,3% entre 1946 et 2021. Cela comprend les banques, les sociétés immobilières, les sociétés anonymes, les assurances, les caisses de pension et les entreprises de construction.
Parallèlement, la part des propriétaires privés, des pouvoirs publics et des coopératives d'habitation a dégringolé de 79,2 à 43,7%.