Depuis 2017, un petit village de Haute-Thurgovie est devenu un symbole de la maltraitance animale en Suisse. Le paysan Ulrich K.*, 54 ans, de Hefenhofen, a négligé et maltraité ses animaux pendant des années. Il ne faisait pas soigner ses juments malgré leurs blessures graves et des plaies infectées. Il frappait ses animaux avec des bâtons, leur faisait manger des restes de nourriture pourrie remplis de résidus de plastique.
Des contrôleurs ont trouvé dans sa ferme près d’une douzaine de poulains amaigris jusqu’à l'os. Un squelette de cheval gisait depuis des semaines dans la boue. La semaine passée, l’agriculteur a comparu devant le tribunal pour plusieurs actes de cruauté envers les animaux. Le jugement est attendu pour la fin mars.
Des peines dérisoires par rapport à la souffrance animale
Les procédures pénales pour des cas de cruauté envers les animaux augmentent depuis des années. C’est ce que montre le dernier rapport sur la protection des animaux de l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG). Alors qu’en 2017, seuls 475 cas avaient été signalés, ils étaient 721 en 2021.
Et pourtant, aujourd’hui encore, de nombreux tortionnaires d’animaux n’ont que rarement du souci à se faire quant aux conséquences de leurs actes. C’est la conclusion à laquelle est parvenue l’association suisse Tier im Recht (ndlr: l’animal vis-à-vis de la loi). Elle évalue systématiquement depuis près de 20 ans les ordonnances pénales et les jugements relatifs à la protection des animaux.
Dans sa dernière analyse, l’organisation affirme que «l’exécution (ndlr: des peines) continue de présenter de nombreuses lacunes» et que «les infractions à la protection des animaux sont souvent minimisées». Le nombre de cas non déclarés est élevé et les peines prononcées sont fréquemment dérisoires par rapport aux souffrances infligées aux animaux – les détenteurs fautifs ont reçu en moyenne une amende de 400 francs.
Des cas comme Hefenhofen ne sont plus acceptables
Les violences perpétrées à Hefenhofen ont aussi été rendues possibles par les échecs flagrants des autorités pendant des années. Alors que le nom d’Ulrich K. était connu des forces de l’ordre depuis des décennies, de nombreuses menaces contre des fonctionnaires ont été enregistrées. Selon l’acte d’accusation, l’office vétérinaire de Thurgovie a constaté des infractions à la protection des animaux dès 2013.
Quelques jours après les révélations de Blick sur la situation, en 2017, les autorités ont fait évacuer la ferme d’Ulrich K. L’enquête porte également sur le vétérinaire cantonal de longue date, Paul Witzig. Ce dernier aurait ignoré les annonces d’animaux négligés et morts et n’aurait effectué des contrôles que bien trop tard.
Vanessa Gerritsen de Tier im Recht dénonce la situation: «Aujourd’hui, les gouvernements cantonaux ne peuvent plus guère se permettre de laisser un cas dégénérer comme celui de Hefenhofen.»
Besoin urgent d’agir au Tessin, à Genève et en Valais
À l’époque, le canton de Thurgovie a fait examiner le cas en externe et a rapidement procédé à une révision complète de la loi dans le but d’améliorer la protection des animaux. D’autres cantons – sensibilisés par le scandale – ont suivi le mouvement.
Aujourd’hui, il existe davantage de services spécialisés au sein de la police et du Ministère public, et les différents services collaborent plus étroitement. Vanessa Gerritsen cite en exemple les cantons de Berne, Zurich et Saint-Gall.
Pourtant, souligne la membre de l’association, il existe aujourd’hui encore des «actes de cruauté massive envers les animaux» qui ne sont pas suffisamment poursuivis et sanctionnés: «Souvent, on n’intervient que lorsque les animaux sont déjà dans un mauvais état général ou même morts.» Pour elle, il est urgent d’agir dans les cantons du Tessin, d’Obwald et de Nidwald, de Genève et du Valais.
Les offices vétérinaires ont tout à fait la possibilité d’agir contre la maltraitance animale. Dans les cas graves, les vétérinaires peuvent retirer l’animal à son propriétaire. Selon les offices cantonaux, cela se produit environ 50 fois par an à Zurich et à Berne, soit environ une fois par semaine, et environ 20 fois par an en Argovie ou dans le canton de Vaud, avec une tendance à la hausse.
Les vétérinaires doivent s’attendre à des violences
La plupart du temps, il s’agit de chiens négligés ou maltraités par leurs propriétaires. Dans l’agriculture, ce sont les bovins et les chevaux qui sont concernés. La plupart sont malades, amaigris ou agressifs.
Pour les vétérinaires, il s’agit généralement d’actes difficiles: de l’intervention d’un avocat aux voies de fait, il faut s’attendre à tout, explique-t-on dans les offices.
Dans le canton de Zurich, les vétérinaires sont donc accompagnés par la police lors de telles interventions. Dans le canton de Berne, on estime qu’un propriétaire sur trois s’oppose juridiquement à une saisie – des procédures de recours s’ensuivent, parfois pendant des années.
*Nom connu de la rédaction