Un campus, deux universités voisines, deux approches sur les événements pro-Palestine. D'un côté, le recteur de l'Université de Lausanne (UNIL) a autorisé «dans le calme» les occupants du bâtiment Géopolis à rester et dormir sur place au moins jusqu'en début de semaine prochaine. De l'autre, la direction de l'École polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) menace de suspendre les activités de l'association Polyquity sur le campus.
Le groupe promouvant l'égalité des genres sur le site universitaire — à l'origine des dénonciations sexistes #PayetonEPFL — l'a annoncé ce jeudi 2 mai sur son compte Instagram, alors même que commençait la mobilisation, quelques centaines de mètres plus loin à l'UNIL. La raison de cette décision? Polyquity organisait le mardi 30 avril une conférence intitulée «Fémonationalisme, colonialisme et féminisme: réponses du sud global», menée par Paola Salwan Daher. L'écrivaine et académicienne féministe est une militante antiraciste engagée en faveur de la Palestine.
À lire aussi sur les unis et le conflit
La RTS indique que cet événement a été dénoncé par un groupe d'étudiants juifs pro-israéliens. L'intervenante est accusée de «nier les viols commis le 7 octobre» car elle aurait affirmé que ces crimes n'avaient «pas été prouvés», relaie le média de service public. Ce vendredi à 17h, Polyquity a publié sur sa chaine YouTube la vidéo de la conférence.
Association et critiques se répondent
L'utilisation des termes «régime d'apartheid», «génocide reproductif», ou encore l'encouragement à la solidarité avec la Palestine sont reprochés à la conférencière. Du côté de Polyquity, les personnes chargées de l'organisation soulignent que l'événement s'est déroulé «dans le calme et le respect».
Dans leur communiqué paru vendredi, elles disent ne pas comprendre la réaction de l'EPFL, qui a signifié son intention de suspendre leur droit à planifier des événements et des affichages sur le campus pour une durée de six mois. «À notre plus grande surprise, l’EPFL invoque la tenue de propos 'haineux et menaçants', ce que tout le public présent peut démentir», objecte Polyquity.
«La volonté de la direction est claire: interdire tout évènement parlant de la Palestine, affirme l'association féministe. On pourrait attendre d'une institution intellectuelle qu'elle organise des conférences sur le conflit.» Contactée vendredi par l'Agence télégraphique suisse (Keystone-ATS), l'EPFL rétorque que cette conférence, contrairement à ce qui avait été annoncé lors de la demande d'événement, avait «clairement un caractère partisan».
Pas de politique à l'EPFL
«L’EPFL ne nous a pas du tout habitué à des démarches administratives aussi rapides», soulignent auprès de Blick les responsables de Polyquity, qui dénoncent «une injustice de traitement» par rapport à la vitesse de réaction de l'administration dans d'autres cas «de violence ou de harcèlement». Les étudiants reprochent à la direction le manque de dialogue et la décision considérée comme expéditive. «Le message de suspendre la seule association féministe du campus est violent.»
L'EPFL souligne que «dans un contexte international tendu», elle se doit de tout mettre en œuvre «afin d'éviter une escalade et ainsi préserver l'unité du campus et un climat d'étude et de travail serein». L'école rappelle aussi que son règlement des événements stipule que ceux-ci ne peuvent avoir de caractère partisan ou religieux. Elle précise qu'un rappel a été envoyé à Polyquity, mais qu'il est resté «lettre morte.»
Une rencontre a eu lieu jeudi avec l'association. Une prise de position est attendue dans les 10 jours, avant que l'EPFL ne rende sa décision définitive. Sur Instagram, l'association féministe considère cette menace de suspension comme «du jamais vu de mémoire d'étudiant-x-e-s». Polyquity demande à la direction «l'annulation complète de la décision» et appelle «au soutien de tou-x-tes les féministes et les humanistes».
En plus de Polyquity, et toujours en lien avec la Palestine, l'EPFL indique avoir rencontré mardi Unipoly, une association écologiste commune à l'EPFL et à l'UNIL. Elle lui a signalé que plusieurs articles publiés dans son journal, le «Canard Huppé», «heurtaient une partie de la communauté» et enfreignaient les règlements relatifs aux associations, notamment sur leur caractère apolitique. Le média étudiant avait notamment accusé l'EPFL, en février dernier, de contribuer au «génocide en cours» à Gaza, critiques relayées dans un article de Blick.
(Avec l'ATS)