Négociations avec Bruxelles
La dernière bataille d'Ignazio Cassis

Le Conseil fédéral met les gaz pour se rapprocher de l'Union européenne. Le vote sera fatidique pour la Suisse, mais aussi pour Ignazio Cassis. Le ministre des Affaires étrangères se lance dans sa plus importante bataille politique.
Publié: 10.03.2024 à 12:58 heures
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Le chef du DFAE Ignazio Cassis voit sa carrière liée au dossier européen.
Photo: keystone-sda.ch
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Raphael Rauch et Reza Rafi

Si cet article portait sur le sport, on dirait volontiers qu'Ignazio Cassis possède le momentum. Pour beaucoup, c'est inattendu. Car habituellement, ses proches comme ses adversaires lui reprochent son parcours en dents de scie. Le Tessinois est souvent considéré comme découragé au Palais fédéral. À l'approche des dernières élections fédérales, il était soudainement devenu le candidat le plus chancelant.

Sur le devant de la scène

Actuellement, le chef du DFAE semble pourtant en forme. Au niveau international, il a rassemblé des soutiens pour un sommet de paix avec l'Ukraine. Désormais, il est sur le devant de la scène avec le dossier européen, qui, cette fois, avance. Ce vendredi, Ignazio Cassis a présenté le mandat de négociation avec l'UE. Près de trois ans après l'échec de l'accord-cadre, le Conseil fédéral prend un nouveau départ dans les relations avec Bruxelles.

Le nouveau négociateur Patric Franzen doit se tenir prêt au plus vite, car la présidente de la Confédération Viola Amherd se rendra à Bruxelles avec une délégation le 18 mars déjà pour lancer le cycle de négociations.

Les élections européennes auront ensuite lieu le 9 juin. Après cela, l'UE sera davantage centrée sur elle-même, puisque son personnel sera renouvelé à des postes importants. Il ne reste donc même pas trois mois à la Suisse pour parvenir à un résultat de négociation viable. Sans compter que le fruit des discussions devra encore franchir l'obstacle des urnes. Bref, ce scrutin n'est pas seulement fatidique pour notre pays: il l'est aussi pour la carrière politique d'Ignazio Cassis.

Casquette de baseball et étoiles de l'UE

Pour viser la réussite, le ministre des Affaires étrangères mise sur la transparence. Tout ce dont le Conseil fédéral veut discuter avec Bruxelles doit être limpide. Ni l'UDC, ni les syndicats ne doivent pouvoir prétendre que le Conseil fédéral joue un double jeu avec l'UE.

Pour parvenir à ses fins, Ignazio Cassis dispose aussi d'un atout à ses côtés: avec l'élection de Beat Jans, le Conseil fédéral est désormais nettement plus favorable à l'Europe. Son prédécesseur, Alain Berset, faisait partie, avec l'ex-conseillère fédérale PS Simonetta Sommaruga, des politiciens qui tiraient le frein des négociations avec l'UE. Lorsque le PS a remercié Alain Berset au terme de son mandat à Genève, Beat Jans portait une casquette de baseball sur laquelle on voyait clairement la bannière étoilée de l'UE... une manière de comprendre que les pro-européens ont dorénavant pris la main? 

Mais la principale alliée du Tessinois est Viola Amherd. La cheffe du DDPS est sous forte pression. Il ne se passe guère de semaine sans que des scandales éclatent. Vendredi encore, la SRF a révélé de nouvelles incohérences dans les finances de l'armée. Pour que son année présidentielle ne se résume pas à des faillites, des malchances et des histoires de chars, Viola Amherd a besoin de succès urgents. Une percée à Bruxelles tomberait à point nommé.

La balle est dans le camp de Bruxelles

De son côté, Karin Keller-Sutter se montre plutôt distante en ce moment. Elle doit soutenir Ignazio Cassis, son collègue de parti, alors que le PLR n'a lui-même pas encore trouvé de position claire sur la question européenne. Lors de la lutte contre l'accord-cadre, il avait alors joué un rôle clé au sein du Conseil fédéral.

Seule l'UDC se montre claire: les conseillers fédéraux Albert Rösti et Guy Parmelin sont sur la ligne du parti et rejettent les négociations avec l'UE. Les syndicats font également la sourde oreille. A une différence près: le président de l'USS Pierre-Yves Maillard ne se considère pas lui-même comme un bloqueur, mais comme un rassembleur de majorité à l'ADN pro-européen. 

Si Ignazio Cassis et ses négociateurs faisaient des concessions substantielles aux travailleurs, ils auraient la gauche à leur côté. Mais pour l'instant, cela semble peu probable au vu de l'opposition fondamentale des syndicats au mandat.

La balle est désormais dans le camp de Bruxelles. Petros Mavromichalis, ambassadeur de l'UE à Berne, déclare à Blick: «Nous saluons l'adoption du mandat de négociation définitif par le Conseil fédéral. Les travaux sur le mandat de la part de l'UE sont également bien avancés. Le Conseil des ministres de l'UE va bientôt l'adopter. Ensuite, les négociations pourront commencer, j'espère encore ce mois-ci.» Quant aux opposants aux négociations, ils vont se montrer proactifs. Mardi, l'UDC lancera sa grande campagne contre l'Europe. Ignazio Cassis se lancera alors dans le plus important combat de sa carrière politique.

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