Négociations avec l'UE
A Bruxelles, la Suisse peut-elle compter sur Ursula von der Leyen?

La présidente de la Commission européenne est-elle une interlocutrice bien intentionnée vis-à-vis de la Suisse à la veille d'un nouveau round de négociations bilatérales? Rien n'est moins sûr.
Publié: 08.03.2024 à 14:00 heures
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Dernière mise à jour: 08.03.2024 à 15:05 heures
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La présidente de la Confédération Viola Amherd devrait se rendre à Bruxelles le 18 mars pour une reprise officielle des négociations entre la Suisse et l'UE.
Photo: keystone-sda.ch
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Richard WerlyJournaliste Blick

Ursula von der Leyen est en campagne électorale. Et Viola Amherd a besoin d’elle. Voilà l’équation qui se présentera lorsque l’actuelle présidente de la Confédération rencontrera à Bruxelles la présidente allemande de la Commission européenne. La date de ce face-à-face à Bruxelles devrait être le 18 mars, selon Le Temps. Soit quelques jours après l’adoption formelle du mandat de négociation avec l’Union européenne par le Conseil fédéral, qui a été approuvé vendredi. Celui-ci contient les lignes directrices des discussions finales qui démarreront après l'adoption du mandat côté européen.

Pourquoi la campagne électorale menée par Ursula von der Leyen va-t-elle jouer un rôle dans les relations entre la Suisse et l’UE? Parce que la patronne de l’exécutif communautaire ne peut se permettre de fâcher personne, après sa reconduction compliquée lors du congrès du parti populaire européen (PPPE, l’organisation faîtière des droites traditionnelles européennes) à Bucarest les 6 et 7 mars. Viola Amherd y était, et les deux femmes se sont rencontrées dans la capitale roumaine. La cheffe du département de la Défense n’ignore donc rien des manœuvres en coulisses, et des difficultés rencontrées par VDL (le surnom de la politicienne allemande) pour obtenir le soutien de son parti.

Von der Leyen contestée

Sur les 499 délégués qui ont voté, 400 ont voté pour et 89 contre von der Leyen, auxquels se sont ajoutés 10 bulletins nuls. «Un cinquième du PPE ne semblait pas convaincu de l’inéluctabilité d’un deuxième mandat note, dans la Matinale Européenne, l’éditorialiste Christian Spillman. Sur les 801 délégués au Congrès, 737 avaient le droit de vote. Les délégués français du parti Les Républicains n’ont pas soutenu la présidente de la Commission, ce qui nourrit les spéculations sur une possible candidature alternative du Commissaire européen Thierry Breton, au nom de la famille libérale et du groupe de députés européens «Renew», la formation constituée autour du parti présidentiel d’Emmanuel Macron.

La complication qui en résulte, pour la Suisse, est qu’en période de campagne électorale, personne ne voudra faire de concessions à un pays tiers, désireux de maximiser son accès au marché unique et de limiter ses concessions aux exigences communautaires. Fait significatif: l’ex-négociateur européen du Brexit avec le Royaume uni, le Français Michel Barnier, a lui aussi refusé de soutenir Ursula von der Leyen. Or Michel Barnier connaît bien la Suisse. Il pourrait lui aussi, à 73 ans, être l’un des candidats pour les «top jobs», ces positions décisives à la tête des institutions européennes.

Barnier-Breton, les deux Français

Pourquoi pas, par exemple, confier à cet ancien commissaire européen le poste de Haut représentant de l’UE pour les Affaires étrangères à la place du socialiste espagnol Josep Borrell? Le calendrier, en tout cas, n’est pas favorable à un accueil souriant des délégations suisses à Bruxelles. Aujourd’hui, chacun pense d’abord à son prochain mandat. Les élections européennes auront ensuite lieu du 6 au 9 juin. Puis le choix du président de la Commission se fera lors du Conseil européen (la réunion des chefs d’État ou de gouvernement des 27 pays membres) les 27 et 28 juin dans la capitale belge. Viendront ensuite les tractations pour la composition du collège des 27 commissaires. Puis les auditions des candidats présentés par chaque pays à l’automne devant le parlement européen. Bref: pas simple pour les voix helvétiques d’être entendues dans un moment comme celui-là.

Et Ursula von der Leyen, que pense-t-elle de la Suisse? Une première rencontre avec Viola Amherd, au forum économique mondial de Davos en janvier, n’a pas permis d’en savoir plus. Mais quelques fondamentaux sont connus. La présidente de la Commission européenne, qui compte sur un soutien d’une partie des socialistes à sa candidature, a un sujet de prédilection: le soutien à l’Ukraine. Elle s’est donc ravie de la reprise par le Conseil fédéral du treizième paquet de sanctions de l’UE contre la Russie, appliquée par Berne depuis le 1er mars. Pas sûr, en revanche, que le montant des avoirs russes gelés en Suisse (environ 7,5 milliards de francs) lui convienne, car les experts bruxellois estiment ce chiffre sous-évalué. Pas sûr non plus qu’Ursula von der Leyen ait envie de conclure de nouveaux accords bilatéraux avec la Suisse sans connaître la composition future du Parlement européen, où les droites nationales-populistes pourraient entrer en force.

L’option de la patience

Reste l’autre option, que la Suisse a souvent utilisée à son avantage: attendre. Démontrer, le 18 mars à Bruxelles, l’intention commune de négocier sans aller beaucoup plus loin dans l’immédiat, car de toute façon, tout accord signé avec la Suisse par la Commission européenne devra ensuite être validé par le Conseil, puis ratifié par le Parlement européen. Ursula von der Leyen, selon nos informations, ne serait pas du tout hostile à une telle stratégie. La reprise des négociations avec la Suisse, au niveau des fonctionnaires et des administrations, pourrait se faire à l’automne, après la tenue d’un nouveau sommet de la Communauté politique européenne (CPE), ce forum informel de 46 pays du continent dont la Confédération fait partie.

Point important qui reste à confirmer: ce sommet pourrait se tenir en Hongrie, pays qui assurera à partir du 1er juillet la présidence tournante de l’Union. Un pays dirigé par le premier ministre Viktor Orbán, allié de l’UDC suisse avec lequel il entretient des liens réguliers. L’autre option évoquée pour ce sommet – que la Suisse a pour sa part proposé d’accueillir à l’horizon 2025 ou 2026 – est le Royaume Uni, pays du Brexit devenu le symbole des complications entre Bruxelles et les pays tiers. Viola Amherd ferait bien, si elle se rend à Bruxelles le 18 mars, d’emporter son agenda. Dans les mois à venir, l’Union européenne ressemblera plus à un carrousel de nominations et de sommets qu’à un partenaire rassurant pour ses voisins.

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