Poker suisse avec Bruxelles
Le mandat de l'UE est-il voué à échouer?

Le ministre des Affaires étrangères Ignazio Cassis était encore en train de présenter le mandat de négociation de l'UE que les critiques pleuvaient déjà. La nouvelle tentative de trouver une solution avec Bruxelles semble ne mener nulle part.
Publié: 09.03.2024 à 07:57 heures
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Dernière mise à jour: 09.03.2024 à 09:51 heures
Ignazio Cassis est autant à plaindre que le négociateur en chef suisse Patric Franzen, qui doit se rendre à Bruxelles ce mois-ci, sachant que tous ses efforts sont destinés à «amuser» la galerie.
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Sermîn Faki

«Dans un monde de plus en plus instable, il est crucial d'avoir des relations stables et sûres avec les pays voisins», a déclaré vendredi Ignazio Cassis pour promouvoir les négociations avec l'UE. Auparavant, le Conseil fédéral avait adopté le mandat définitif pour les Bilatérales III. Dès que l'UE aura donné son accord, les choses devraient commencer.

Le ministre des Affaires étrangères n'avait pourtant pas vraiment le cœur à l'ouvrage. On ne peut pas lui en vouloir, car il sait mieux que quiconque que le mandat n'est rien de plus qu'une liste de revendications helvétiques que les diplomates n'ont aucun moyen d'imposer à Bruxelles. Ignazio Cassis est autant à plaindre que le négociateur en chef suisse Patric Franzen, qui doit se rendre à Bruxelles ce mois-ci, sachant que tous ses efforts sont destinés à «amuser» la galerie.

«Pas de voie praticable» à «soumission»

Le rapprochement de la Suisse du marché intérieur de l'UE reste très controversé, comme l'ont prouvé l'UDC et les syndicats, qui ont déjà fait part de leur refus au monde entier pendant la conférence de presse d'Ignazio Cassis. L'UDC craignait une «soumission totale de la Suisse à l'UE», l'Union syndicale suisse parlait d'une «voie qui n'est pas viable pour nous».

Mais si les négociations avec l'UE ne mènent à rien d'autre qu'à des ennuis, ce n'est ni la faute de l'UDC ni celle des syndicats. Ceux qui ont mené ces derniers jours des entretiens avec les dirigeants des groupes parlementaires et des partis, de la gauche à la droite, n'ont pas non plus ressenti d'enthousiasme pour le paquet du Conseil fédéral.

Pire encore: plus personne dans la salle ne s'attend à ce que les Bilatérales III entrent un jour en vigueur. Tout le monde sait que la Suisse devra céder quelque part: sur les droits de douane agricoles, sur le service public, sur le tribunal arbitral... Une pincée de sel par-ci, une pincée de sel par-là, à un moment donné, la soupe n'aura plus vraiment de goût pour personne.

A cela s'ajoutent les fonds de cohésion que la Suisse verse pour sa participation au marché intérieur. Selon le montant sur lequel les négociateurs se mettent d'accord, même les bourgeois se posent la question: est-ce que cela en vaut la peine? L'économie suisse va-t-elle profiter du marché intérieur avec tout ce que cela va lui coûter?

La faute au peuple ou au Parlement?

La seule question sur laquelle on n'est pas d'accord à Berne est de savoir si l'on veut cette fois-ci rejeter la faute sur le peuple ou si l'on veut donner le paquet au Parlement. Certains plaident pour céder le dernier mot au peuple – l'échec de Bruxelles serait alors plus facile à vendre.

D'autres estiment que cette stratégie n'offrirait qu'une tribune à l'UDC, et quelle tribune. Car une crainte persiste: mener la «mère de toutes les batailles» donnerait au parti autant d'élan qu'en 1992 lors du combat de Christoph Blocher contre l'Espace économique européen (EEE). Si le paquet européen est soumis aux urnes en été 2027, l'UDC n'aura pas besoin de dépenser un centime dans la campagne, affirment à l'unisson les bourgeois et la gauche. Et ils ont raison.

L'initiative de l'UDC, une épée de Damoclès

L'UDC a de toute façon un rôle particulier à jouer dans ce poker européen. Dans quelques jours déjà, elle devrait déposer son initiative pour le développement durable – les 100'000 signatures étant déjà réunies depuis longtemps, comme l'a révélé le conseiller national Thomas Matter dans Blick en février. Celle-ci ne demande rien de moins que la résiliation de la libre circulation des personnes, si la population suisse continue à croître de la sorte. Et elle ne sera pas déposée au moment où elle sera prête, mais précisément quand elle fera le plus de bruit.

Même si, au Département des affaires étrangères, on assure ne pas se laisser impressionner. Pourtant, négocier alors que, parallèlement, l'un des piliers des accords bilatéraux est sur le fil du rasoir est quelque peu bizarre. Car l'initiative va changer la dynamique du dossier européen. La seule question est de savoir dans quelle direction.

La libre circulation des personnes est aujourd'hui bien plus controversée qu'il y a dix ans, lorsque l'initiative contre l'immigration de masse avait été approuvée. La nouvelle initiative pourrait être une épée de Damoclès. Ou encore un coup de pouce? L'initiative resserre-t-elle les rangs du PS au PLR, comme c'est toujours le cas lorsque l'UDC présente une initiative visant à isoler la Suisse du reste du monde? C'est peut-être la seule chance qu'ont les Bilatérales III.

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