Les Alémaniques travaillent, les Romands sont des assistés? C'est en substance ce qui est ressorti de l'interview du président des Vert'Libéraux (PVL), Jürg Grossen, par le média suisse-allemand «Nebelspalter». Relayés par «Le Temps», les propos ont de quoi heurter.
Le président réagit au vote des Romands pour l'initiative sur les primes, rejetée à 55,47%, mais plébiscitée par tous les cantons latins et Bâle-Ville. Il accuse les francophones d'avoir comme «programme» d'être «dépendants de l'État».
Blick a contacté le médecin genevois Michel Matter, ancien conseiller national PVL et ex-vice-président du parti. Ses propos sont sans équivoque: «Je suis fier d'être Romand». Interview.
Michel Matter, ces propos vous ont offensé?
Oui, ils étaient choquants et honteux. Je pense que lorsqu'on est président national d'un parti, on se doit d'être au-dessus des divisions. On doit être là pour toutes et tous. Vraiment, le cœur des Vert'libéraux, c'est que chacun puisse avoir sa place dans la société.
Jürg Grossen n'a pas laissé de place aux Romands, dans son commentaire?
Quand on voit le résultat du vote de dimanche, il faut entendre la souffrance exprimée par la majorité des Romands par rapport au pouvoir d'achat, aux primes des assurances. Les Jurassiens ont accepté l'initiative à 71.97%. Il faut entendre que c'est difficile pour ces gens. Cette interview était caricaturale et pas dans le respect de l’autre.
Les journalistes du «Nebelspalter» comparent la Romandie à l'Écosse, beaucoup plus pauvre que l'Angleterre au sein du Royaume-Uni. Cette analogie tient la route?
Peut-être qu'on devrait offrir une semaine en Écosse à ce journaliste pour voir que là-bas aussi, il y a des conditions difficiles, qu'il y a des gens qui sont précaires, qui travaillent et sont fiers d'être écossais, comme moi, je suis fier d'être romand.
L'entretien donne l'impression qu'il n'y a que de ce côté de la Sarine que les gens ont la vie dure...
Ça n'est pas une question d'être romand ou alémanique. Les primes représentent un problème national. La fin du mois est un problème national. Ces sujets sont débattus chez nous plus vite qu'ailleurs, peut-être, mais ils concernent toute la Suisse.
Et lors de la même interview, il est suggéré que les Romands se «laissent payer» par les Suisses-allemands. Une réalité?
Je crois que Monsieur Grossen oublie la péréquation financière. Je suis Genevois, et Genève met de l'argent à disposition d'autres cantons, quels qu'ils soient.
La place financière genevoise, l'EPFL et ses start-ups, l'horlogerie neuchâteloise, tout ça, ça ne compte pas?
Pour un parti qui se veut le parti de l'innovation, je pense que le président a manqué ici de hauteur d'esprit et de respect. En Suisse romande, nous sommes innovants. On a un hub de technologie, de savoir-faire et de cerveaux exceptionnels, notamment autour du bassin lémanique.
Cette vision de l'Alémanique travailleur et du «Welsch» paresseux n'est-elle pas simpliste et dépassée?
Vous utilisez un mot important: c'est une vision simpliste. Elle appartient au passé. Quand on a vocation à être président d'un parti qui a une importance sur le plan national, on est là pour toutes et tous. Pour les régions alpestres comme pour les villes, pour les gens en difficulté et ceux qui en ont moins. Énormément de Suisses ont exprimé une souffrance avec ce vote.
Les propos de Jürg Grossen ont-ils fait réagir à l'interne?
Oui, j'en ai parlé au niveau genevois et romand. C'est clair que c'est inacceptable. Il faut afficher cette fierté d'être romand. La force de notre pays, c'est de rassembler de nombreux cantons qui ont chacun leurs différentes régions. Cette vision doit transparaitre dans toutes les interviews.
Le président s'est défendu en expliquant qu'il parlait en dialecte, vous comprenez?
On oublie! Même si l'émission est un peu virulente, il faut savoir prendre de la hauteur. Je peux prendre mon téléphone et traduire toutes les langues du monde... Un président de parti est écouté, scruté. Cet argument ne tient pas la route.
Dans votre pratique de la médecine, vous ressentez cette volonté des Romands d'être assistés par l'État?
Ça aussi, on oublie. Le ras-le-bol des augmentations des primes a été exprimé par les Romands, mais il touche tout le pays. Il s'agit du principe de base de notre démocratie que d’accepter les opinions de chacun.