«Quand le médecin m'a dit que j'avais les aines cassées des deux côtés, ma première pensée a été: 'Oh non, qu'est-ce que ça va encore coûter?!'» Roman Hirzel, 50 ans, travaille dans la vente pour un détaillant et vit plutôt bien avec son revenu imposable de moins de 50'000 francs. «Mais si une facture médicale arrive de manière inattendue, ou des arriérés d'impôts de plusieurs centaines de francs, cela devient très vite serré», confie-t-il.
Roman fait partie de ceux qui profiteraient de l'initiative du PS visant à alléger les primes. Le projet, qui sera soumis au vote le 9 juin, demande que les assurés ne dépensent pas plus de 10% de leur revenu pour les primes. Le reste devrait être pris en charge par la Confédération et les cantons sous forme de réductions de primes.
L'initiative entend soulager les bas et moyens revenus de la hausse des primes. Selon l'Office fédéral de la santé publique (OFSP), celles-ci ont augmenté de plus de 8% rien que cette année, et ont même doublé depuis l'introduction de l'assurance maladie obligatoire en 1996. Cette semaine, le service de comparaison Comparis a calculé que les primes devraient à nouveau augmenter de 6% en 2025. Problème: les salaires réels n'ont quant à eux pas augmenté dans les mêmes proportions et ont même baissé en moyenne de 0,4% l'année dernière, selon l'Office fédéral de la statistique.
À un franc près
Roman vit avec sa mère et il passe ses vacances «sur son balcon», indique-t-il à Blick. «Quand je fais mes courses, je regarde chaque franc.» Le seul luxe qu'il s'offre est l'achat d'un DVD de temps en temps. «Je fais toujours attention à les acheter d'occasion, cela coûte moins cher.» Mais il n'est pas question d'économiser.
Récemment, c'est un souci de santé qui a mis l'homme de 50 ans dans la panade: alors qu'il avait augmenté sa franchise de 300 à 2500 francs, il s'est blessé en portant de lourdes caisses. Il a alors payé 2500 francs pour une opération de l'aine, en plus de la franchise. «À ce moment-là, j'ai fêté mes 30 ans dans mon entreprise et j'ai donc exceptionnellement gagné plus, raconte-t-il. «Je voulais enfin mettre quelque chose de côté, mais j'ai dû dépenser tout l'argent supplémentaire pour les frais médicaux. Cela m'a beaucoup énervé.»
Impossible de payer le dentiste
Si l'initiative pour l'allègement des primes est acceptée, Roman estime qu'il disposerait chaque mois d'un montant supplémentaire à deux chiffres. Ce qui semble peu signifierait pourtant beaucoup pour le vendeur: «Je mettrais cet argent de côté», affirme-t-il. Il se constituerait ainsi une réserve qui lui donnerait un peu d'air sur le plan financier. Roman est convaincu qu'un oui à l'initiative profiterait également à ses collègues de travail: «Eux aussi ne peuvent souvent pas payer les factures de dentiste en une seule fois et ils ne peuvent guère économiser.»
Il est pour l'heure difficile de savoir réellement qui profiterait de l'initiative du PS et dans quelle mesure. On ne sait pas encore comment le plafond des primes serait calculé. Le facteur déterminant est le «revenu disponible», comme le stipule le texte de l'initiative. Le Parlement devrait encore définir de quoi il s'agit exactement.
«Une redistribution injuste»
Hans-Peter Stöckl, 62 ans, ne profiterait quant à lui pas de l'initiative. Il développe de grandes installations photovoltaïques dans le quartier tendance de Seefeld à Zurich. Il gagne bien sa vie. Sa femme travaille également dans le secteur privé. Ce père de quatre enfants estime que 5% du revenu du ménage sont consacrés à l'assurance maladie.
Mais selon lui, l'initiative le concerne quand même personnellement. Il faut dire que L'OFSP estime que la mise en œuvre de l'initiative sur les primes coûterait entre 3,5 et 5 milliards de francs à la Confédération et aux cantons. L'homme craint alors que cela soit trop élevé. Si le financement passe par des impôts plus élevés, les personnes qui gagnent bien leur vie seront particulièrement mises à contribution. «On ne résout ici aucun problème, mais on prévoit uniquement une gigantesque redistribution injuste», estime-t-il.
Les opposants à l'initiative préviennent depuis des semaines qu'un financement par les impôts coûterait 1200 francs par an à un ménage moyen. Hans-Peter Stöckl l'assure: «Dans le cas de ma famille, cela représenterait plusieurs milliers de francs.»
«Je ne suis pas prêt à porter le chapeau»
Selon l'entrepreneur, l'initiative sur les primes passe à côté du vrai problème: la hausse effarante des coûts de la santé. Mais dans la Berne fédérale, on craint de s'attaquer efficacement aux structures du système, critique-t-il. «La densité des hôpitaux dans le pays est par exemple encore bien trop élevée.»
Les hommes et les femmes politiques devraient enfin bouger de leurs confortables fauteuils et prendre leurs responsabilités, exige-t-il. «Si nous continuons simplement à redistribuer les coûts au lieu de les maîtriser, le système de santé, et donc nos bons soins, seront bientôt au bord de l'effondrement.»
Hans-Peter Stöckl regrette en outre profondément que de plus en plus de personnes se retrouvent en difficulté financière en raison de l'explosion des coûts de la santé. Cela révèle impitoyablement les dysfonctionnements du système, constate-t-il. «Mais je ne suis pas prêt à porter le chapeau et à sortir le porte-monnaie pour les manquements de la politique.»