Depuis le oui à la 13e rente AVS lors des votations du 3 mars, la gauche a le vent en poupe et compte bien remporter une nouvelle victoire le 9 juin. C'est à cette date que l'initiative du PS pour l'allègement des primes sera soumise au peuple. L'objectif est de plafonner la charge des primes par ménage à 10% du revenu disponible. Dans les derniers sondages, les initiants sont encore en tête.
Alors que Mattea Meyer, co-présidente du PS, vise un nouveau succès dans les urnes, le chef du PLR Thierry Burkart veut l'en empêcher. Les deux cadors de la politique suisse débattent pour Blick au Palais fédéral et ne se font aucun cadeau.
Le PS demande un plafonnement des primes à 10% du revenu. A titre personnel, profiteriez-vous d'un oui à cette initiative?
Thierry Burkart (TB): Je ne sais pas. Il fut un temps où j'aurais eu droit à une réduction de primes. Aujourd'hui, ce ne serait probablement plus le cas. Mais en cas d'acceptation de l'initiative, tout le monde serait amené à payer nettement plus d'impôts.
Mattea Meyer (MM): Mon partenaire et moi travaillons tous les deux, notamment grâce à notre mandat de conseiller national, et nous avons un très bon revenu. C'est pourquoi nous ne profiterions pas d'un plafonnement des primes. Contrairement à de très nombreuses familles ou des couples de retraités de ce pays, qui sont soumis à une forte pression financière.
L'initiative soulagerait surtout la classe moyenne. Les ménages doivent consacrer une part toujours plus importante de leur salaire aux primes.
TB: Mais l'argent que le PS veut distribuer ici, il faut bien le prendre quelque part. Pourquoi le PS ne dit-il pas qu'il faudrait augmenter les impôts pour cela? Il s'agira de 1200 francs par ménage et par an, et la tendance est à la hausse. L'initiative est un projet de redistribution coûteux que nous ne pouvons financer que si nous taxons davantage la classe moyenne.
MM: Ce sont des chiffres fantaisistes agités par le PLR pour attiser la peur. La réalité est tout autre: l'année dernière, une famille de quatre personnes a dû payer 1000 francs de plus de primes d'assurance maladie que l'année précédente. Si cette famille doit payer au total 15'000 francs par an ou si une retraitée doit payer 650 francs par mois, ce n'est plus supportable. Si l'on ne fait tout simplement rien, les primes continueront d'augmenter, sans fin. La classe moyenne ne peut plus supporter cette charge.
TB: Ce ne sont pas des chiffres fantaisistes. C'est précisément à cette classe moyenne que vous vous attaquez ici. Dans le message du Conseil fédéral, il est écrit que l'initiative entraînera d'ici 2030 un besoin de financement de 11,7 milliards pour la Confédération et les cantons. La Confédération devrait par exemple augmenter la TVA de 2,3 points de pourcentage. Les cantons devraient également augmenter les impôts pour leur part, en particulier en Suisse alémanique. C'est la classe moyenne qui paierait cette facture.
Est-ce du catastrophisme, Madame Meyer?
MM: L'initiative n'entraînera pas un seul franc de coûts supplémentaires! Ces coûts, les familles de la classe moyenne, les couples de retraités et les familles monoparentales à bas et moyens revenus les supportent déjà aujourd'hui. Notre initiative déplace une partie de la facture là où la politique peut intervenir: vers la Confédération et les cantons. Le monde politique devra alors regarder de plus près le prix de médicaments trop élevés ou les salaires excessifs de directeurs de caisses maladie.
TB: Avec tout le respect que je vous dois, les citoyennes et citoyens méritent ici une réponse sur la manière dont vous allez financer ce projet. Le PS veut ici redistribuer des sommes incroyables: nous parlons de plus de 10% du budget fédéral. Vous devrez bien les prendre à quelqu'un.
Au départ, 3,5 à 5 milliards de francs supplémentaires devraient être consacrés chaque année aux réductions de primes. Où allez-vous trouver l'argent pour cette redistribution, Madame Meyer?
MM: Nous payons déjà tous cette facture aujourd'hui. Les primes sont quasiment un impôt par tête qui explose chaque année. Aujourd'hui, le chauffeur de camion paie autant qu'un millionnaire. En plafonnant les primes, nous mettrons fin à cette situation. Cela renforcera le pouvoir d'achat de la population. L'économie en profitera, ce qui entraînera automatiquement une augmentation des recettes fiscales.
Cela ne suffira pas.
MM: Différentes sources sont en discussion. Certaines ont également été proposées par les partis bourgeois. On pourrait discuter d'un impôt sur les transactions financières à un impôt plus élevé sur les bénéfices des entreprises. Nous trouverons une solution qui ne pèsera pas sur la classe moyenne. De plus, avec cette initiative, nous augmenterons la pression sur les politiques pour qu'ils maîtrisent les coûts.
TB: C'est exactement le contraire qui se produira, c'est aussi ce que dit la conseillère fédérale Elisabeth Baume-Schneider. Les incitations à faire des économies auprès des cantons et des assurés diminuent parce que l'État redistribue davantage et procède à des subventions croisées entre les cantons. On perd ainsi toute conscience des coûts. Une fois de plus, le PS présente une initiative qui laisse la question du financement ouverte. La gauche lance des idées vagues comme une taxe sur les transactions financières, dont on ne sait absolument pas si elles sont réalisables. C'est très dangereux.
Où voyez-vous la limite de la charge, si ce n'est à 10%?
TB: On ne peut pas répondre à cette question par un chiffre. Car une grande partie des coûts de la santé est financée par les impôts et les taxes. Les personnes qui gagnent bien leur vie contribuent déjà au financement du système de santé dans une mesure supérieure à la moyenne. Il est néanmoins clair que ceux qui ont besoin d'un soutien le recevront. C'est pourquoi le Parlement a adopté un contre-projet qui intervient de manière ciblée et mesurée là où c'est le plus nécessaire.
Si l'initiative est rejetée, un contre-projet entrera en vigueur. Les cantons devraient ainsi consacrer environ 360 millions de francs supplémentaires à la réduction des primes. Des cacahuètes en somme.
TB: 360 millions, ce sont des cacahuètes pour vous? Chaque franc que l'on veut dépenser doit d'abord être gagné. Les cantons devraient eux aussi payer beaucoup plus avec l'initiative. Berne par exemple, 440 millions supplémentaires, ou l'Argovie, 180 millions. Cela devrait également être répercuté sur les citoyens par des impôts plus élevés. Aujourd'hui, la Confédération et les cantons versent déjà 5,5 milliards de francs par an pour les réductions de primes.
MM: Le contre-projet est en effet très chiche. La charge des primes a augmenté de plus de 2 milliards de francs rien que pour cette année. 360 millions ne suffiront donc pas. Cette différence de 1,7 milliard de francs est payée par la classe moyenne. J'étais d'ailleurs membre de la commission de la santé et si ce contre-projet a été transformé en un montant aussi minime, c'est parce que nous avons un lobby très puissant dans notre dos. Ses collègues de parti touchent des rémunérations avec des mandats.
TB: Le lobby de la santé est présent dans tous les partis, y compris le vôtre. Je suis l'un de ceux qui n'en fait pas partie.
MM: Moi non plus. Cela nous fait un point commun.
Selon les sondages, l'issue sera serrée. Jusqu'à présent, vos campagnes n'ont pas été très visibles. Avez-vous encore quelque chose en réserve?
TB: Il y a peu d'argent à disposition pour la campagne, mais nous venons juste de commencer. Nous allons notamment procéder à des opérations de porte-à-porte dans plusieurs cantons.
MM: Pour nous, il est certainement important de montrer encore mieux que l'inaction conduit à une augmentation sans fin des primes. Le plafond nous protègera contre les futures explosions de primes.
Vous trouvez tous les deux que les coûts de la santé devraient être réduits. C'est pourtant là qu'intervient l'initiative du Centre pour un frein aux coûts.
MM: C'est un secret de polichinelle et j'ai une certaine sympathie pour cette initiative. Mais je soutiens le non de mon parti. Les mesures d'économie de l'initiative sont si peu concrètes qu'elles suscitent la crainte réelle que des économies soient finalement réalisées dans les soins, les salaires, les conditions de travail ou l'approvisionnement de base.
Freiner les coûts convient aussi au PLR.
TB: Il existe bien sûr un potentiel de réduction des coûts dans le secteur de la santé. Mais l'initiative ne présente aucune mesure concrète. En cas d'acceptation de cette deuxième initiative sur la santé, on risquerait un rationnement. Cela conduirait à une médecine à deux vitesses.