Quelle entreprise ne le souhaiterait pas: peu importe le prix qu'elle fixe, ses clients doivent le payer. C'est à peu près comme ça que se déroule l'approvisionnement en électricité des ménages privés en Suisse. Dans le cadre de l'approvisionnement de base, les clients ne peuvent pas choisir la provenance de leur électricité. «Ils sont totalement à la merci de leur fournisseur», rappelle Andreas Tresch, partenaire de la société de conseil Enerprice.
Les fournisseurs de base ne peuvent évidemment pas fixer le prix de manière totalement arbitraire. S'ils produisent eux-mêmes de l'électricité, ce sont les coûts de revient qui déterminent le prix. S'ils achètent de l'électricité, ils répercutent le prix d'achat sur leurs clients. Mais le résultat est le même: «Il n'y a pas d'incitation pour les fournisseurs. Le fait de miser sur une bonne ou une mauvaise stratégie d'achat d'électricité n'a aucune conséquence pour eux», analyse Andreas Tresch.
Nouvelle hausse des prix de 30%
Certains fournisseurs achètent l'électricité sur le marché de gros en tranches plus ou moins importantes, réparties sur plusieurs années. D'autres se procurent l'électricité au prix actuel sans stratégie à long terme. Ces derniers et ont été complètement dépassés par l'explosion des prix de l'année dernière. En moyenne nationale, les tarifs de l'électricité dans l'approvisionnement de base ont augmenté de 27%, mais dans les cas extrêmes, ils ont triplé ou presque quadruplé.
Bien que le prix de l'électricité sur le marché de gros soit désormais à nouveau nettement inférieur au niveau de l'année dernière, de nombreux ménages doivent cette année encore vivre avec d'importantes augmentations de prix. Le prix de l'électricité va augmenter de 11,8% dès le 1er janvier 2024 à Lausanne. La Commission fédérale de l'électricité (Elcom) annoncera mardi les tarifs pour toutes les communes.
Pourquoi les tarifs augmentent-ils à nouveau?
Comment se fait-il que les prix augmentent à nouveau? Supposons qu'un fournisseur achète son électricité pour une année donnée, répartie sur trois ans. Les tranches plus anciennes et moins chères sont alors supprimées, tandis que les tranches plus chères sont ajoutées au prix actuel. «De plus, certains fournisseurs ont pris peur en période de crise et ont acheté beaucoup d'électricité à des conditions très défavorables. Cela se répercute maintenant en plus sur le prix», explique Andreas Tresch.
D'autres facteurs expliquent la hausse des tarifs: un taux de coût du capital plus élevé, la nouvelle taxe pour la réserve hivernale et l'augmentation des coûts de la société nationale du réseau Swissgrid.
L'absence ou la mauvaise qualité des stratégies d'achat sont souvent dues au manque de professionnalisation chez les fournisseurs. Pas moins de 630 fournisseurs de base sont responsables de l'allumage de la lumière dans les foyers suisses. «Beaucoup d'entre eux sont de petites entreprises conçues pour l'exploitation du réseau. Le savoir-faire et l'expérience pour acheter de l'électricité avec succès sur des marchés volatils et en temps de crise font souvent défaut», relève encore Andreas Tresch. Pour l'expert en énergie, «il faudrait sans doute procéder à un assainissement structurel chez les fournisseurs».
L'ouverture du marché comme solution?
Un tel assainissement structurel pourrait être déclenché par une ouverture du marché. Les gros consommateurs — ceux dont la consommation d'électricité dépasse 100 000 kilowattheures par an — peuvent choisir eux-mêmes leur fournisseur d'électricité. Le Conseil fédéral souhaite que cette option soit également ouverte aux ménages privés à l'avenir. Cette ouverture est nécessaire pour que la Suisse puisse conclure l'important accord sur l'électricité avec l'Union européenne.
Mais dans de nombreux cas, la population suisse en profiterait aussi directement: à l'exception de l'année dernière, le prix du marché a toujours été inférieur au prix moyen de l'approvisionnement de base. «En cas d'ouverture du marché pour les ménages privés, on ne serait plus à la merci du fournisseur régional et on pourrait choisir librement son fournisseur», ponctue Andreas Tresch.