L'approvisionnement est en danger
Le réchauffement climatique menace nos barrages en les remplissant de sable

Plus l'été est chaud, plus la quantité de sable charrié dans le lac de retenue de Gibidem en Valais est élevée. Pour éviter que ce réservoir sous le glacier d'Aletsch ne s'ensable, des coûteuses vidanges doivent avoir lieu. Un problème qui nécessite plus d'attention.
Publié: 04.09.2023 à 17:53 heures
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Dernière mise à jour: 04.09.2023 à 18:00 heures
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Tous les ans ou tous les deux ans, le réservoir de Gibidem doit être entièrement vidé.
Photo: zVg/Alpiq
Martin Meul

L'ONU a tiré la sonnette d'alarme au début de l'année: d'ici à 2050, les barrages du monde entier risquent de perdre près d'un quart de leur capacité de stockage. La raison: l'ensablement croissant des lacs de retenue.

Le tableau est encore plus sombre dans notre pays en comparaison mondiale. Selon l'étude de l'ONU, la Suisse se situe au 8e rang des 42 pays européens considérés. Les lacs de retenue suisses ont déjà perdu environ 23% de leur capacité initiale. Cette perte pourrait atteindre près d'un tiers d'ici à la moitié du siècle.

Problème bien connu en Valais

Robert Boes, directeur de la station expérimentale d'hydraulique, d'hydrologie et de glaciologie de l'EPFZ, a fait le calcul au début de l'année pour le «Tages-Anzeiger». Une sédimentation avec une diminution de la capacité de stockage de 7% supplémentaires d'ici à 2050 correspondrait à environ 0,6 térawattheure d'électricité par an qui ne pourrait pas être produite.

Cela représenterait un quart de l'énergie qui devrait être produite par 15 nouveaux lacs de stockage. Robert Boes est donc convaincu que «le thème de la sédimentation des lacs de barrage devrait avoir plus de poids politique».

Le problème est bien connu en Valais. C'est par exemple le cas à Naters et Riederalp, depuis la mise en service du barrage de Gibidem en 1967. «Le lac de retenue est particulièrement touché par l'ensablement», explique David Jossen, directeur de la société Electra Massa AG, responsable de la centrale électrique du lac de Gibidem.

La sédimentation s'accentue à cause du réchauffement climatique.


Le changement climatique pointé du doigt

L'origine de cet ensablement est à chercher du côté du bassin versant du lac de retenue. Celui-ci est en grande partie recouvert de glaciers – la majeure partie de l'eau de fonte provient du grand glacier d'Aletsch. «Plus le rôle des glaciers est important dans l'alimentation d'un lac, plus la charge de sable et d'alluvions est élevée», explique David Jossen.

Ce phénomène n'est pas nouveau, mais le changement climatique l'accentue: «Plus il fait chaud, plus il y a de sédiments qui atterrissent dans le lac.» Lors d'un été chaud comme celui de l'année dernière, jusqu'à 240'000 mètres cubes de sable peuvent ainsi rapidement se retrouver dans le lac. «C'est plus de matériaux que ceux utilisés dans le barrage», relève David Jossen.

Les glaciers qui se retirent libèrent du sable et des blocs de roche, mais c'est surtout le sable qui est ensuite charrié jusqu'au lac. «Pour simplifier, on peut dire que plus il fait chaud, plus il y a d'eau qui arrive dans le lac et, avec elle, plus de sédiments», synthétise David Jossen. En 2022, la quantité de sédiments qui a atterri dans le lac a doublé par rapport aux années précédentes.

Des purges efficaces mais coûteuses

Pour éviter que le lac de retenue ne se remplisse peu à peu de sable, David Jossen et son équipe ont recours à un moyen simple et efficace pour évacuer les sédiments. Tous les ans ou tous les deux ans, le lac est entièrement vidé et le sable est éliminé. «Une telle vidange peut durer jusqu'à une semaine», indique David Jossen.

En cas de purge, environ dix millions de mètres cubes d'eau sont évacués. David Jossen explique: «Une vidange nous coûte plusieurs centaines de milliers de francs, surtout à cause de la perte d'eau et de l'arrêt des turbines de la centrale.»

Il est compréhensible que David Jossen veuille purger le moins possible. Mais il est forcé de s'adapter: «Si les étés deviennent de plus en plus chauds, nous devons réagir.» Autrement dit: soit vidanger plus souvent – soit vidanger plus longtemps. «Il est important de vider complètement le lac pour que tous les sédiments soient évacués.»

La décision de vidanger au début de l'été est prise au début de chaque année. A l'automne, le lac est parcouru à l'aide d'un petit bateau et un modèle 3D de son fond est établi à l'aide d'une sonde. Un capteur est en outre installé au niveau des évacuations de fond du barrage, qui indique aussi l'état de l'ensablement.

Prévenir le colmatage

Des tests annuels de vidange de fond sont effectués à l'automne pour éviter que le pire des scénarios ne se produise – un colmatage des vannes de fond. Si le lac de retenue doit être purgé, l'eau s'écoule dans la vallée par les deux grandes vannes.

Cela se fait avec un maximum de 50 mètres cubes d'eau par seconde. «Actuellement, nous réfléchissons à ce qu'il faudrait faire si le lac de retenue ne pouvait soudainement plus être vidangé en raison de l'obstruction des vannes de fond», explique David Jossen. Une chose est sûre: le travail de surveillance va augmenter, car les modèles climatiques prévoient des périodes de chaleur plus nombreuses et plus longues.

Les températures très élevées ne sont pas seulement un défi pour le gérant à cause de l'apport supplémentaire de sédiments. En ce moment, il y a tellement d'eau qui arrive du glacier que le lac est plein à ras bord. L'eau excédentaire s'écoule dans la vallée. «Ce sont des millions de litres qui sont irrémédiablement perdus», regrette David Jossen.

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