Intime et puissante, l’intervention est applaudie. Au Conseil de l’Europe (lire encadré ci-dessous), Damien Cottier, l’un des représentants de la Suisse, vient de tacler Peter Szijjarto en le regardant droit dans les yeux. Le ministre des affaires étrangères hongrois d’extrême droite, président du Comité des ministres du Conseil de l’Europe jusqu’en novembre, était venu présenter les travaux dudit Comité. Il en a profité pour présenter sa vision du monde ultraconservatrice, homophobe et xénophobe. Et s’est pris un mur.
Rembobinons et arrêtons-nous quelques secondes plus tôt ce 28 septembre à Strasbourg. «Sur la question des LGBT, je dois vous dire que j’ai grandi comme jeune gay dans un pays, la Suisse, qui n’est pas homophobe mais qui ne me donnait que des signaux d’hétéronormalité. Je me sentais différent, pas normal», raconte le conseiller national PLR neuchâtelois en plénum. L’Assemblée parlementaire, peu peuplée, frissonne.
«Fake news», dénonce le ministre hongrois
L’ancien chef de cabinet du conseiller fédéral Didier Burkhalter (également PLR et Neuchâtelois) enchaîne, deux jours après le oui helvétique au mariage pour toutes et tous. «Aujourd’hui mon pays a évolué, m’a donné un signal totalement inverse dimanche passé en disant 'tu es égal, tu es normal'. Est-ce que vous ne donnez pas le signal inverse? Est-ce que vous ne risquez pas de créer beaucoup de souffrances avec ce signal politique?»
La question est rhétorique. En ligne de mire: la loi anti-LGBTQIA + (personnes lesbiennes, gays, bisexuelles, trans, queer, intersexes ou asexuelles) hongroise qui interdit la «promotion» et la «représentation» de l’homosexualité et de la transidentité auprès des mineurs, adoptée en juin.
Lors de la discussion, outre la fermeture des frontières aux migrants, Peter Szijjarto défend fièrement le texte, source de vives tensions entre la Hongrie et l’Union européenne, qui la juge contraire aux droits humains (retrouvez la vidéo complète de la séance ici). Celui qui est aussi ministre du commerce du gouvernement souverainiste de Viktor Orban dénonce des «fake news» et assure que le texte «ne vise pas à bafouer les droits de quelque communauté que ce soit».
Tension et émotion dans la salle
«Après l’âge de 18 ans, les citoyens ne sont pas limités dans leurs droits: ils peuvent aimer qui ils veulent», promet-il devant un parterre de parlementaires tout sauf acquis à sa cause. Avant de rappeler qu’un référendum est prévu sur le sujet début 2022 dans son pays.
Joint par Blick ce mercredi, Damien Cottier confie que sa prise de position n’était pas planifiée. «Nous ne disposons que d’une minute de temps de parole et j’avais prévu de lui poser d’autres questions. Mais plus je l’écoutais, plus je me disais que je ne pouvais pas le laisser tenir un discours si éloigné de la réalité. Il soutient l’idée que l’homosexualité est un choix, qu’on peut influencer les jeunes dans cette direction. Or, c’est faux. Nous avions déjà eu un échange similaire en juin.»
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Plusieurs collègues d’autres pays l’ont remercié pour son courage et sa réponse aux propos de Peter Szijjarto. «Lorsqu’il parlait, les députés se regardaient, dubitatifs face à ce discours caricatural. Dans la salle, j’ai ressenti de la tension et une certaine émotion.»
«Adolescent, j’avais le sentiment d’être seul»
Bien qu’il ne se cache pas d’être homosexuel, le quarantenaire est d’habitude plutôt pudique et ne s’exprime pas beaucoup sur sa vie personnelle. «C’était une manière de lui dire: 'J’ai vécu ce dont je vous parle'. Même si je sais que mon parcours n’est pas comparable à celui de la communauté LGBT en Hongrie, qui souffre beaucoup, qui subit de l’agressivité.»
Damien Cottier, qui est aussi co-président du premier intergroupe parlementaire LGBTI sous la Coupole fédérale, se replonge dans sa prime jeunesse. «En Suisse, où j’ai grandi, ça ne posait pas forcément de problème mais ça n’était pas pour autant considéré comme normal ou banal dans les années 1990. Adolescent, j’avais le sentiment d’être seul. Je n’avais pas d’élément de référence, dans des films ou des publicités par exemple, qui me disaient que je n’étais pas anormal. Aujourd’hui, notre société a heureusement changé. Ce que fait la Hongrie n’est pas acceptable du point de vue des droits humains. C’était mon rôle de le dire devant l’Assemblée parlementaire à Strasbourg.»
Attention à ne pas le confondre avec l'Union européenne et son parlement. «Le Conseil de l'Europe, c'est l'Europe en tant que continent, explique Damien Cottier. L'Union européenne, c'est l'Europe politique.» Le Conseil de l'Europe, qui réunit tous les pays de la région, y compris la Turquie, mais plus la Russie, est le garant de la Convention européenne des droits de l'homme. Les relations avec la Biélorussie sont en outre suspendues.
Entre autres missions, l'Assemblée parlementaire, sise à Strasbourg, élit les juges de la Cour européenne des droits de l'homme et le secrétariat général. Elle dialogue avec le Comité des ministres, l'organe exécutif de l'organisation, dont la présidence change tous les six mois. La Suisse y est représentée par le conseiller fédéral Ignazio Cassis (PLR), ministre des Affaires étrangères.
La Suisse est membre du Conseil de l'Europe depuis 1963 et y est représentée, au sein de son organe législatif, par douze parlementaires fédéraux. Aux côtés de Damien Cottier pour cette législature, d'autres Romandes et Romands: les socialistes Pierre-Alain Fridez (JU) et Ada Marra (VD), la Valaisanne Marianne Maret (Le Centre) et le Vaudois Jean-Pierre Grin (UDC).
Attention à ne pas le confondre avec l'Union européenne et son parlement. «Le Conseil de l'Europe, c'est l'Europe en tant que continent, explique Damien Cottier. L'Union européenne, c'est l'Europe politique.» Le Conseil de l'Europe, qui réunit tous les pays de la région, y compris la Turquie, mais plus la Russie, est le garant de la Convention européenne des droits de l'homme. Les relations avec la Biélorussie sont en outre suspendues.
Entre autres missions, l'Assemblée parlementaire, sise à Strasbourg, élit les juges de la Cour européenne des droits de l'homme et le secrétariat général. Elle dialogue avec le Comité des ministres, l'organe exécutif de l'organisation, dont la présidence change tous les six mois. La Suisse y est représentée par le conseiller fédéral Ignazio Cassis (PLR), ministre des Affaires étrangères.
La Suisse est membre du Conseil de l'Europe depuis 1963 et y est représentée, au sein de son organe législatif, par douze parlementaires fédéraux. Aux côtés de Damien Cottier pour cette législature, d'autres Romandes et Romands: les socialistes Pierre-Alain Fridez (JU) et Ada Marra (VD), la Valaisanne Marianne Maret (Le Centre) et le Vaudois Jean-Pierre Grin (UDC).