Jeudi, au moins un parlementaire fédéral a été, de fait, discriminé sur la Place fédérale, à Berne. Une vingtaine de ses collègues – mais aussi les conseillers fédéraux Guy Parmelin et Ignazio Cassis – donnaient leur sang devant les médias à l’invitation de Transfusion CRS Suisse. Comme le rapporte «Arcinfo», Damien Cottier, conseiller national neuchâtelois a dû décliner. Motif: en couple avec un homme, le PLR n’a pas le droit de donner son sang. Comme tous les hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes, s’ils ne s’abstiennent pas – même au sein de leur couple – pendant au moins 12 mois.
En mars, le politicien avait interpellé le Conseil fédéral. Objectif: «lever cette discrimination», à l’instar du Royaume-Uni qui autorise désormais toute personne dans une relation stable et exclusive depuis au moins trois mois à participer à cet effort collectif. Le Gouvernement suisse y a répondu cette semaine: il «se déclare favorable à ce qu’un réexamen des critères ait aussi lieu en Suisse» pour que les homosexuels ne soient plus exclus.
Joint par Blick dans l’après-midi, Damien Cottier, également membre du comité de Pinkcross, organisation faîtière des hommes gays et bisexuels en Suisse, nous raconte son combat sous la Coupole et nous glisse une info surprise en fin d’interview…
En tant qu’homosexuel, vous avez de fait été discriminé jeudi sur la Place fédérale à Berne. Au contraire de vos collègues parlementaires hétérosexuels, vous n’avez pas pu donner votre sang. Qu’avez vous ressenti?
Damien Cottier: Personnellement, je ne me suis pas senti discriminé, mais je comprends qu’on puisse le ressentir ainsi. Historiquement, il y avait de bonnes raisons sanitaires de traiter les hommes ayant des relations sexuelles avec des hommes différemment. Mais, aujourd’hui, je constate qu’il y a un problème et que les données scientifiques montrent que c’est le comportement individuel et non la vie intime qui compte: un hétérosexuel qui n’est pas dans une relation de couple stable court certainement plus de risques qu’un homosexuel en couple.
Devoir s’abstenir sexuellement durant 12 mois si on est homosexuel et qu’on veut donner son sang, ce n’est pas complètement absurde?
Oui, c’est très excessif! Surtout si l’on considère que le VIH, par exemple, peut aujourd’hui se détecter dans le sang après six semaines. Ce sont des mesures de surprécaution, qui viennent du passé et qui créent une discrimination inutile. Qu’il faut éliminer.
Outre le mariage pour toutes et tous, sur lequel la population se prononcera le 26 septembre, quels autres combats vous restent-ils à mener pour venir à bout de toutes les discriminations subies par les personnes LGBTQIA +?
L’accès au travail, par exemple! Le Tribunal fédéral a récemment décidé que la loi sur l’égalité ne s’appliquait pas à un homme homosexuel qui s’estimait avoir été discriminé à l’embauche sur cette base. Autre sujet, la semaine prochaine, le Parlement devrait traiter d’une motion visant à interdire les thérapies de conversion. Ces thérapies pseudoscientifiques qui visent à «convertir» les jeunes homosexuels à l’hétérosexualité. Cette motion est en danger parce qu’elle a été déposée il y a deux ans déjà. Et si nous n’en discutons pas lors de cette session parlementaire, elle tombera. Il faudra donc peut-être la déposer à nouveau pour interdire cette pratique inacceptable, comme vient de le faire l’Allemagne.
Sous la Coupole, comment s’organise la lutte pour les droits des personnes LGBTQIA +?
Jeudi matin, nous avons créé le premier groupe parlementaire LGBTQIA +, dont je serai, avec notamment ma collègue verte Lisa Mazzone, l’un des coprésidents. Ce groupe sera ouvert à tous les parlementaires et comptera donc aussi des personnes ne faisant pas partie de la communauté LGBTQIA +. Nous aimerions avoir des coprésidents de tous les partis. Notre objectif? Coordonner nos interventions aux Chambres fédérales et réunir nos forces. Nous officialiserons la création de ce nouveau groupe parlementaire dans quelques jours.